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Agriculture : Faut-il soutenir davantage le secteur ?

Agriculture : Faut-il soutenir davantage le secteur ?

 

L’agriculture marocaine demeure caractérisée par la micro-propriété : 80% des exploitations ont une superficie inférieure à 5 hectares. Le secteur contribue à hauteur de 50% et à peu près 80% dans les campagnes. Au niveau fiscal, une étude initiée par les pouvoirs publics est aujourd’hui en cours. Elle va certainement se baser sur le benchmarking et va prendre en considération la spécificité du secteur agricole marocain. A. Ouayach, président de la Comader, précise que l’agriculture se trouve aujourd'hui  dans une situation de compétition permanente, compte tenu de tous les accords de libre-échange, et nécessite un soutien de la part des pouvoirs publics.

Finances News Hebdo : Au cours des dix dernières années, la part du secteur primaire représente 15,3% du PIB global. A votre avis, cette contribution n’est-elle pas limitée eu égard aux multiples avantages dont jouit le secteur ?

Ahmed Ouayach : La  contribution   du secteur agricole est très importante, en intégrant les produits transformés et l’agro-industrie, elle dépasse parfois les 20%. Au-delà de cet aspect comptable, une approche globale est nécessaire incluant  l'aspect  social, ainsi que les conditions spécifiques de notre agriculture et dans quel environnement elle évolue. Certes, nous avons un climat diversifié, mais  force est de reconnaître qu’il est également agressif. Nous avons parfois des fréquences régulières de sécheresse et, même dans les années pluvieuses, nous enregistrons des dégâts. Ajoutons à ces conditions naturelles, le problème des terrains : nous ne disposons pas d’une grande superficie agricole utile. Notre agriculture est handicapée par la micropropriété ; 80% des exploitations ont moins de 5 hectares. Cette  superficie limitée et morcelée est constamment  à la merci des aléas climatiques. J'insiste sur la mission sociale de notre agriculture, le Maroc n’est pas un pays industrialisé et je ne pense pas qu’il va l’être à court ou à moyen terme. Par conséquent  l’agriculture demeure un gisement d’emplois. Preuve en est, le secteur contribue à hauteur de 50% au niveau national et à près 80% dans les campagnes. Lorsqu’on prend en considération que cette main-d’œuvre n’est pas très bien formée et qu’elle est familiale, nous comprenons très bien le rôle que joue l’agriculture marocaine.

 

F. N. H. : Malgré les efforts fournis par le Maroc pour s’affranchir des contraintes qui pèsent sur le secteur agricole et pour réduire l’impact du facteur aléatoire sur sa croissance, l’agriculture continue d’être sensiblement influencée par les conditions climatiques. Pourquoi à votre avis ?

A. O. : Notre position géographique est une donne à prendre en considération. Aussi, eu égard aux conditions climatiques, je ne pense pas pouvoir vous rassurer parce que le Maroc se situe dans une zone particulière.

En effet concernant les changements climatiques, notre pays se situe dans le pourtour de  la  Méditerranée qui est une zone rouge. Cela veut dire que les perturbations qu’on risque de connaître, c’est de passer d’une extrémité à l’autre. Dans des années, on peut connaître les inondations et dans d’autres les sécheresses. C’est la géographie qui l’impose et ce n’est donc pas un choix. En revanche,  le Maroc a su tirer profit de cette particularité climatique, notamment dans la région du sud où la culture des  primeurs est  importante. Elle représente plus de 70% des produits exportables en primeurs. Depuis l’indépendance, le Maroc a fait un choix  judicieux en considérant  l’agriculture comme locomotive de son développement économique et social, contrairement à nos voisins. La politique des barrages en est la meilleure illustration. Ces derniers ont bien joué leur rôle du fait de la mobilisation de l’eau. Ce qui reste en fait, c’est une gestion judicieuse qui s’inscrit dans le développement durable. Il ne faut pas omettre que l’eau est une denrée de plus en plus rare et qu’il faut bien la gérer. L’Etat a fourni beaucoup d’efforts dans le cadre de la reconversion de l’irrigation d’un mode traditionnel vers un système moderne et économe : l'irrigation  localisée. Une décision très salvatrice.

 

F. N. H. : On comprend très bien que les efforts déployés s’inscrivent entre autres dans la réalisation d’une sécurité alimentaire. D’après-vous cette sécurité est-elle assurée ? Ou plus précisément le secteur réalise-t-il sa part de responsabilité vis-à-vis de l’Etat ?

A. O. : Je pense que nous avons pu relever beaucoup de défis. Dans le cadre des plans sectoriels, voire même avant l’arrivée du Plan Maroc Vert, nous sommes parvenus à contribuer à la sécurité alimentaire. Nous avons également su contenir une population dans nos campagnes qui représente aujourd’hui plus de 40 à 45%. Ce qui témoigne d’une certaine stabilité. Contrairement aux zones urbaines, on ne retrouve que l’agriculture qui offre de l’emploi. Personne n’en parle ! L'agriculture est un acteur de maintien de l’environnement et de stabilité de notre écologie. C’est un petit détail, mais il s’agit d’une mission d’une grande importance.

Cette question est très intéressante, on peut même aller au-delà de cette contribution. A mon avis, actuellement  une politique profonde à même de rendre l’agriculture rentable est nécessaire . De cette manière, on peut aller très loin et surtout améliorer l’agriculture destinée à l’alimentation de la population et à notre sécurité alimentaire. Il s’agit de revoir  les mécanismes et d’assurer un minimum de rentabilité que ce soit en lait, en sucre, en céréales… ou en oléagineux.

 

F. N. H. : Sur le plan international, quelle appréciation pouvons-nous faire sur la compétitivité du secteur primaire notamment en comparaison avec le secteur agricole européen ?

A. O. : Notre agriculture se trouve aujourd'hui dans une situation de compétition, compte tenu de tous les accords de libre-échange que le Maroc a passés avec les pays partenaires. Nos produits se défendent, par leur qualité et leur prix accessible. Garder cette compétitivité suppose un environnement, toutes les conditions à mettre de son côté en l’occurrence, au niveau d’une paix sociale. Cela est important, or malheureusement, nous vivons aujourd’hui des conflits sociaux, qui perturbent notre système de production qui est très fragile à la base. Nous devrons également faire face aux subventions dont bénéficient nos concurrents. A titre d'exemple l'agriculteur égyptien ne paie pas l’eau d’irrigation. Je peux citer aussi les difficultés que nous connaissons au niveau du marché européen. Aujourd’hui et depuis 1986, chaque fois que l’Europe s’élargit, le Maroc perd des parts de marché. Il est obligé d’aller conquérir d’autres marchés plus lointains, plus difficiles… tels que le marché russe. Au niveau des agrumes, ce marché représente plus de 60%. Les pouvoirs publics sont appelés à soutenir notre production agricole à l'intérieur de nos frontières et dans les marchés internationaux. L’export assure également l’équilibre du marché intérieur au niveau prix.

 

F. N. H. : Comment d’après-vous faut-il juguler entre une éventuelle fiscalité agricole et les différentes mesures incitatives dont profite le secteur de l’agriculture ?

A. O. : C’est une question à l‘ordre du jour. Contrairement à ce que pensent certains, l’agriculture paie tous ses impôts sauf l’IS et l’IR.

Au niveau fiscal, une étude est aujourd’hui en cours par les pouvoirs publics. Elle qui va certainement se baser sur le benchmarking et va prendre en considération la spécificité du secteur agricole marocain. A notre niveau, tout le monde adhère à l’idée qu’il faut contribuer à l’effort de la solidarité nationale nécessaire à la cohésion sociale. Le discours du Souverain du mois d’août 2008 est une véritable feuille de route pour le traitement de ce dossier. La compétitivité  de notre agriculture est primordiale. Les incitations fiscales et les subventions sont les éléments catalyseurs pour drainer des investissements, créer des emplois et, in fine, assurer un développement économique et social de  nos agriculteurs et moderniser nos campagnes .

Il faut savoir que 80%  des agriculteurs ont déjà moins du SMIG quelle que soit la taille de l’exploitation. Si on ajoute l’équivalent de la TPE, on est au   moins 90%.

La catégorie virtuelle (potentielle) qui va être concernée par l’impôt va tourner autour de moins 10%. Nous attendons les résultats de l'étude engagée, mais le débat reste ouvert.

Propos recueillis par Soubha Es-siari

 

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