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Ali Boutayba : «L’économie marocaine peut se développer si l'on arrête de monopoliser le marché»

Ali Boutayba : «L’économie marocaine peut se développer si l'on arrête de monopoliser le marché»

 

L’économie marocaine devrait connaître un tournant décisif après le discours royal prononcé à l’occasion de la Fête du Trône.

La reprise pourrait être prometteuse, d’autant plus que le Roi a annoncé une batterie de mesures économiques et sociales qui seront prochainement mises en œuvre.

Tour d’horizon avec Ali Boutayba, professeur chercheur à l’Université Mohammed V de Rabat, économiste et consultant.

 

La Quotidienne : Très brièvement, quelle lecture faites-vous de la situation socioéconomique du pays. Qu’en pensez-vous ?

Ali Boutayba : Cela fait pratiquement 7 ans que l’économie marocaine subit un phénomène décroissant.

En effet, un contraste énorme est apparu entre les stratégies royales volontaristes et l’application desdites stratégies.

Ceci peut être appréhendé à partir de divers postulats : l’incompréhension des visions royales, la divergence en matière d’approches ou un problème de compétences.

Au fur et à mesure que l’écart se creuse entre deux contrastes qui s’opposent, les choses se compliquent davantage. Le résultat est de voir, de nos jours, à la fois des projets pharaoniques qui prennent place en pleine modernité, à l’instar du lancement du TGV, le développement de l’aéronautique, et la misère.

Depuis 2011, après l’avènement du gouvernement PJdiste, le dossier social n’a pas connu de véritables avancées.

En effet, le nombre des affiliés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) n’a pas changé, ce qui a entraîné une situation d’impasse sur le plan social.

 

L. Q. : A la lumière du dernier discours royal, quelle inflexion faut-il donner à l’économie pour assurer un développement pérenne du Maroc ?

A. B. : L’économie marocaine peut se développer si l'on arrête de monopoliser le marché, et le cas des holdings est assez édifiant. La structure de l’économie nationale est jusqu’à présent oligopolistique.

Elle ne peut pas favoriser la concurrence pure et parfaite, parce que n’importe quel nouvel entrant sur le marché est automatiquement éjecté.

Ceci pour dire que le changement commencera le jour où les groupes de pressions disparaitront.

Par ailleurs, rappelons que le processus économique du Maroc a connu plusieurs phases.

La première a commencé en 1944 : elle représente l’avènement des entreprises françaises au Maroc, qui ont donné naissance au «boom économique» de Casablanca.

L’indépendance en 1956 a marqué également l’économie nationale, à travers les changements qui ont été opérés en cette période-là, en plus de la marocanisation de l’économie en 1972, le Programme d’ajustement structurel (PAS) en 1983.

La libéralisation de l’économie nationale sous le règne de feu Hassan II a marqué un tournant dans l’essor économique national.

A mon sens, il est possible de sauver notre économie si nous exploitons convenablement la crise actuelle en nous basant sur des moyens solides, puisque le développement économique succède souvent aux périodes de crise.

Il convient donc de noter que l’impact de la crise de la Covid-19 sera forcément positif si nous sommes préparés à absorber le choc, en dressant le bon diagnostic comme ce qu’a fait le Souverain.

Il est nécessaire d’implémenter un développement structurel pour surmonter les effets néfastes à long terme de la crise. 

 

L. Q. : Le dossier social s’est invité dans le dernier discours royal du Trône, laissant apparaître qu’il n’y a pas de réforme économique sans réforme sociale…

A. B. : Une bonne partie du discours royal a été consacrée à la protection sociale, en tant que chantier fondamental de réforme et la clé de la réussite de notre système économique.

Le problème qui se pose avec force est le rétablissement de la confiance entre les composantes du peuple marocain, de sorte que si les citoyens sont tous couverts socialement, ils seront amenés à adhérer aux changements mis en œuvre par l’exécutif. Ils ne constitueront donc plus un handicap au développement du pays, mais au contraire ils contribueront à son essor et à son succès durable.

Pour instaurer la confiance au sein d’un groupe de personne donné, il faut qu’il y ait un minimum d’équité économique. C’est donc nécessaire d’indiquer que chaque membre de ce regroupement doit profiter de la richesse de son pays, à parts non égales, bien entendu, compte tenu de la divergence des performances et des besoins.

 

L. Q. : Quels principaux enseignements peut-on tirer, en conclusion, du discours royal ?

A. B. : Du discours royal prononcé lors de la Fête du Trône, on peut tirer deux enseignements fondamentaux.

Le premier est relatif à l’injection de 120 milliards de dirhams dans l’économie, qui représente 11% du PIB national. Cela induira un changement économique national colossal et aidera le Maroc à se diriger vers une véritable économie capitaliste, au lieu de rester coincé dans un système économique anarchiste.

«Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme» : cette citation d’Antoine Lavoisier traduit exactement l’esprit du système capitaliste escompté.

Un système qui se base principalement sur la transformation.

D’ailleurs, on a toujours lié la performance d’un Etat à la force de sa machine.

Le deuxième axe à retenir du discours royal est la protection sociale obligatoire au profit de l’ensemble des Marocains, qui marquera sans doute un changement majeur.

La création d’un tel Fonds avec autant d’argent injecté, ce qui constitue une première au monde, peut réussir à sauver l’économie marocaine si l’on choisit avec soin l’ensemble des investissements, en s’appuyant sur le critère de rentabilité financière, économique et sociale.

 

Propos recueillis par Sara Kassir

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