À 136 jours du coup d’envoi de la Coupe d’Afrique des Nations Maroc 2025, les préparatifs s’accélèrent sur l’ensemble du territoire.
Du Nord au Sud, des grands centres urbains aux infrastructures secondaires, le Royaume est engagé dans une mobilisation logistique sans précédent. Pour le pays-hôte, cette 35e édition de la CAN ne sera pas seulement une fête du football : elle incarne une répétition grandeur nature pour la co-organisation du Mondial 2030, et un levier stratégique d’aménagement territorial, d’image et de soft power.
Rabat : du retard à l’attente du grand soir
Le Complexe Moulay Abdellah, vitrine sportive de la capitale, devait initialement être prêt pour le 31 juillet 2025. Une échéance symbolique, souvent rappelée par les autorités. Mais en ce 7 août, l’inauguration n’a toujours pas eu lieu.
La structure principale est désormais achevée et conforme aux exigences techniques, mais les finitions – raccordements électriques, installations numériques et tests de sécurité CAF – se poursuivent. Selon un cadre du ministère de l’Équipement, «il s’agit des derniers ajustements pour garantir un fonctionnement optimal et sécurisé lors de la grande première».
Cette première est désormais fixée : le 5 septembre 2025, les Lions de l’Atlas y affronteront le Niger en éliminatoires du Mondial 2026. Ce match inaugural, face à l’équipe dirigée par Badou Zaki, marquera le retour en activité de l’enceinte entièrement reconstruite depuis 2023.
En attendant, les autres infrastructures de Rabat avancent également : le Stade Moulay El Hassan, l’annexe olympique et le nouveau stade Al Barid à Témara – destinés aux entraînements officiels – devraient être opérationnels avant le 20 août.
Le prestige du nouveau Complexe a déjà été salué au plus haut niveau. Le 26 juillet dernier, en visite sur place, Gianni Infantino, président de la FIFA, a qualifié le stade de «l’un des écrins les plus modernes et magnifiques de la planète».
Tanger : la rigueur du Nord
À Tanger, l’autre ville-phare de cette édition, le climat est plus rassurant. Le Grand Stade du Détroit, modernisé, a vu son gazon rénové, ses accès fluidifiés, ses loges élargies, et son système de sécurité totalement refondu. Il doit être livré le 15 août, avec une inauguration en grande pompe prévue dans la foulée.
«Tanger est un modèle de gestion pour cette CAN. Les équipes sont mobilisées 24h/24, et les retards sont marginaux», confirme une source de la Wilaya du Nord.
Tanger accueillera plusieurs matchs de groupe ainsi qu’un quart de finale. Mais surtout, la ville figure dans les scénarios alternatifs pour l’ouverture, si Rabat n'est pas fin prête à temps.
Casablanca : le retour du mythique Mohammed V
Le Stade Mohammed V, temple du football marocain, a connu un lifting complet : pelouse hybride, éclairage LED nouvelle génération, caméras intelligentes, loges VIP réaménagées. Les travaux se sont achevés fin juillet, laissant place aux tests techniques de la CAF. Casablanca accueillera notamment un match de quart de finale et plusieurs affiches de groupes, dont un possible Maroc–Algérie si le tirage le permet. «Le stade a retrouvé son âme, mais avec le confort du XXIe siècle», confie un ingénieur du chantier.
Marrakech : hospitalité et soleil
Le Grand Stade de Marrakech, déjà reconnu pour son architecture, a été optimisé pour l’expérience spectateurs : nouveaux accès piétons, parking intelligent, écrans géants panoramiques, et zones ombragées pour les fortes chaleurs. La ville ocre mise aussi sur ses capacités hôtelières et son attractivité touristique pour offrir une CAN festive. «Nous voulons que chaque match soit une carte postale», affirme un responsable. Un projet multi-site à l’échelle nationale
Au total, ce sont neuf stades dans six villes qui seront mobilisés :
• Rabat : Complexe Moulay Abdellah, Moulay El Hassan, Al Barid, Annexe olympique
• Casablanca : Stade Mohammed V
• Tanger : Stade Ibn Batouta
• Fès : Stade Hassan II
• Marrakech : Stade de Marrakech
• Agadir : Stade Adrar
Chaque site a été soumis à un audit de conformité CAF, puis à un chantier de mise à niveau technologique, sécuritaire et sanitaire. Les stades secondaires ont également été revus : vestiaires, éclairage LED, VAR, fibre optique, loges VIP, zones presse et caméras intelligentes sont désormais la norme.
150 milliards de dirhams pour bâtir une CAN et préparer un Mondial
Derrière l’événement sportif, c’est un chantier colossal qui est en jeu : 150 milliards de dirhams (MMDH) d’investissements ont été engagés dans le cadre de la stratégie Maroc 2030.
Objectif ? Moderniser les infrastructures du Royaume, créer de l’emploi, stimuler les territoires et se positionner comme hub africain du sport international.
• 20 MMDH ont été alloués aux infrastructures sportives directement liées à la CAN.
• 45 MMDH iront à la mobilité (routes, trains, RER, bus intelligents).
• 30 MMDH concernent les hébergements (hôtels, villages CAN, résidences sportives).
• Le reste imputé à la digitalisation, l’eau, la sécurité, les stades 2030 et l’environnement.
Un financement public-privé structuré par des acteurs comme la CDG, l’ONCF, Sonarges et Tamwilcom. L’État s’engage à injecter 1,6 milliard DH par an sur 20 ans, via un schéma de remboursement garanti sur les revenus futurs des grands événements sportifs.
Une gouvernance centralisée autour de Maroc 2030
Pour assurer la coordination, le Maroc s’est doté de la Fondation Maroc 2030, entité publique dotée de la personnalité morale, au cœur du dispositif. C’est elle qui pilote les chantiers, suit les délais, engage les audits CAF/FIFA, valide les marchés, et centralise les relations avec les régions.
Elle est directement rattachée à une task force ministérielle présidée par Fouzi Lekjaa, lui-même président de la FRMF et ministre délégué chargé du Budget. Cette double casquette lui donne un levier rare pour faire avancer les projets en synergie avec le gouvernement.
«C’est une gouvernance à la marocaine, réactive, pragmatique, adaptée aux enjeux du calendrier. Aucun chantier majeur n’est bloqué aujourd’hui», assure un cadre du ministère de l’Intérieur.
Une CAN connectée, durable et inclusive
Au-delà des pelouses, la CAN 2025 sera une vitrine technologique. Chaque stade sera connecté en 5G, avec une plateforme unique de billetterie, des caméras IA, un système d’analyse des flux et un programme de recyclage des déchets activé en coordination avec les collectivités locales.
La SNRT a obtenu les droits de production host broadcast pour la CAF, en partenariat avec GlobeCast et Inwi pour la 5G. La billetterie sera disponible dès fin septembre, en dirhams, euros ou mobile money, et en plusieurs langues.
Un programme d’inclusion des jeunes (CAN Talents) permettra aussi à des milliers d’étudiants marocains de participer à l’organisation, via des stages et des missions ponctuelles. Les prochaines semaines seront décisives :
• 15 août : réception finale de Tanger et Rabat;
• Début septembre : test opérationnel CAF dans les six villes;
• Fin septembre : ouverture de la billetterie en ligne;
• Mi-octobre : début des tournées des équipes nationales africaines;
• Novembre : tirage au sort officiel à Rabat;
• 21 décembre : match d’ouverture (Rabat ou Tanger).
Plus qu’un tournoi, la CAN 2025 est une déclaration d’intention : montrer que le Maroc peut tenir ses promesses, gérer la complexité logistique d’un événement continental, et préparer sereinement le FIFA World Cup 2030, qu’il co- organise avec l’Espagne et le Portugal. Et comme aime à le rappeler Lekjaa : «Ce n’est pas juste du football. C’est une cause nationale.»
K.A