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Cryogènie: «La pandémie de la Covid-19 a remis ce procédé sous les feux des projecteurs»

Cryogènie: «La pandémie de la Covid-19 a remis ce procédé sous les feux des projecteurs»

 

◆ La cryogénie est l'étude et la production des basses températures dans le but de comprendre les phénomènes physiques qui s'y manifestent.

◆ En pleine pandémie, la glace carbonique est l’unique moyen d’assurer le maintien à température durant le transport des vaccins Pfizer.

◆ Pour mieux comprendre ce procédé inédit et innovant, nous sommes partis à la rencontre de David Smadja, chercheur et expert français, développeur de solutions et d’innovations cryogéniques à Ajaccio, en Corse.

 

Propos recueillis par Ibtissam. Z.

 

Finances News Hebdo : La cryogénie fait son petit bout de chemin en Europe. Parlez-nous de ce procédé scientifique, vaste et varié ?

David Smadja : Depuis de nombreuses années, la cryogénie a fait parler d’elle dans de nombreux secteurs d’activité. Il est vrai que la pandémie de la Covid-19 a remis la cryogénie sous les feux des projecteurs. Elle a mis en exergue son efficacité et son rôle indispensable dans notre société de consommation. Il faut donc comprendre l’origine et sa source pour apprécier toute sa subtilité et sa propriété. La glace carbonique qui atteint une température d’environ -80°C n'est autre que du pur CO2 récupéré dans l’atmosphère par de grandes compagnies gazières, Air liquide par exemple... Ce CO2 est par la suite traité, purifié, liquéfié et transformé en format solide sous forme de bâtonnets, sticks ou plaques dans des usines, notamment la mienne. Cette glace dite sèche, donc sans eau, libère un froid sec, se sublime à l’état gazeux pour retourner de nouveau dans l’atmosphère. C’est une parfaite illustration d’une économie circulaire. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se retransforme. C’est un paradoxe que d’utiliser de la pollution pour en faire de la valorisation et de la protection ainsi que des solutions innovantes pour un futur plus écologique.

 

F.N.H. : La cryogénie possède de nombreuses applications, notamment dans les secteurs alimentaire, industriel, médical … Elle a depuis ouvert d’énormes possibilités, notamment la superfluidité, la conservation des aliments… Parlez-nous-en ?

D. S. : Difficile de tout énumérer. En effet, la glace carbonique a de nombreuses applications et j’en découvre et en explore de nouvelles. Tellement c’est passionnant d’être acteur pour un monde plus propre et des solutions plus vertes.

• À commencer par le décapage cryogénique qui remplace fortement aujourd'hui le sablage. «Cold jet», pour ne citer qu’eux, ont mis au point des machines de tir unique au monde comme la «PCS 60». Cette dernière permet de propulser à vitesse grand V de la glace sur le support à traiter et ainsi le décaper, le rénover sans pollution supplémentaire ni endommagement, même sur des armoires électriques en tension, car cette glace ne contient, je le rappelle, pas d’eau. C’est tout simplement valorisant pour le client, l’opérateur et la planète.

• Le traitement des nuisibles (les rats, punaises de lit et d’autres nuisibles encore) par cryogénie sans produits chimiques.

• La glace carbonique est aussi utilisée pour le maintien des températures des denrées alimentaires, pour les transporteurs dépourvus de systèmes frigorifiques. En cas de panne du groupe frigorifique ou de chambres froides pour les professionnels de l’alimentation et de la grande distribution. Elle permet, à elle seule, de préserver et sauver vos aliments le temps de la réparation et ainsi être en accord avec les exigences du suivi des températures pour respecter la chaîne de froid et donc l’hygiène alimentaire.

• L’utilisation de la cryogénie peut jouer un rôle important pour le transport interafricain de poissons en maintenant celui-ci congelé, le temps de son acheminement et de sa livraison partout au Maroc. Le poisson arrive frais, conserve sa qualité gustative, olfactive et visuelle. Pour rappel, la glace carbonique permet de se débarrasser de toutes les bactéries, ce que la glace hydrique n’offre malheureusement pas. C’est très important de le souligner.

• Je ne peux pas tout dévoiler, le domaine de la cryogénie étant si vaste. Mais nous arrivons aussi sur un secteur sensible avec la cryogénie pour traiter l’écologie sans danger, sans eau. Je donne, comme exemple, la désinfection des espaces et des lieux comme les hôpitaux, les cliniques, les laboratoires et les véhicules sanitaires.

La propriété même de CO2 est d’être fongistatique et bactériostatique. Je vous laisse imaginer où mes études et recherches me poussent et me mènent. Même sur les végétaux, le CO2 est utile pour booster la croissance et la productivité des fruits et légumes toujours sans eau et sans pesticides; la plante est plus détendue. Faire, et vous l’aurez compris, la part belle à cette molécule utile à de nombreux secteurs d’activité. Et de surcroît, on supprime ou on limite fortement l'utilisation de produits chimiques et, surtout, on préserve la ressource la plus importante : «l'eau».

 

F.N.H. : Quelle est la particularité de la cryogénie et comment peut-elle servir l’écologie et l’environnement ?

D. S. : La cryogénie servira par ses propriétés jusque-là méconnues et mal exploitées, comme celles citées plus haut et bien d’autres encore. Imaginez le CO2, cette pollution tant décriée et mondialement combattue, coupable du réchauffement climatique et qui devient, en le transformant, une force de la nature et donc d’une très grande utilité pour l’écologie et l'environnement.

 

F.N.H. : En quoi l'application de la cryogénie peut-elle servir le Maroc ? Les secteurs de prédilection par exemple ?

D. S. : La glace carbonique sous ses différentes applications servira à de très nombreux secteurs d’activités économiques et industrielles, si bien que les entreprises et les acteurs économiques entendent changer de méthodologie et de process pour se tourner vers une transition et une transformation plus écologique. Le Maroc négocie en ce moment même un «Pacte de relance verte» avec l’Union européenne. Une démocratisation de l’utilisation de la glace carbonique permettra d’aller dans le sens de ce pacte, qui engage le Royaume et l’Union européenne sur le réchauffement climatique. Nous devons tous devenir écocitoyens et, par conséquent, écoresponsables.

 

F.N.H. : Vous avez créé en Corse votre société de nettoyage cryogénique «CO2A». Cette pratique devient de plus en plus appréciée. A quoi cette réussite est-elle due ?

D. S. : C’est en effet un procédé qui commence à se démocratiser, car nous avons à présent plus de recul sur les différentes applications que la glace carbonique nous apporte. En plus, l’enjeu écologique à l’échelle de la planète a mis en avant ce choix évident et a permis d'opter pour la cryogénie plutôt que les produits chimiques qui nécessitent de l’eau. Il faut se tourner vers l’avenir et le progrès; autrement, c’est l’avenir qui se chargera de nous le rappeler.

 

F.N.H. : «La glace carbonique» fait des ravages. Quel est votre éclairage sur cette glace dite aussi «sèche» ?

D. S. : En effet, plus on découvre la glace carbonique, mieux on comprend son utilité et ses multiples utilisations, jusqu’à en devenir fan et convaincu de son bien-fondé. Cette glace est dite sèche car aucune molécule d’eau ne la compose. C’est pour cette raison qu’elle est attractive. Nettoyer, désinfecter, rénover, décaper et tout cela sans une seule goutte d’eau. La cryogénie, c’est le futur.

 

F.N.H. : Nous sommes en pleine campagne de vaccination contre la Covid19. La cryogénie est réputée justement pour la protection des vaccins. Expliquez-nous !

D. S. : Cela n'a échappé à personne que la glace carbonique est l’unique moyen d’assurer le maintien à température durant le transport des vaccins Pfizer qui doivent être conservés à -80°C. Le monde va découvrir ce super glaçon qui ressemble à une craie et qui permet une telle prouesse. Au fur et à mesure que la température baisse et que les caissons qui transportent les vaccins sont ouverts ou manipulés par le personnel qualifié, il faudra remettre de la glace carbonique pour maintenir une température constante et durable pour que ce vaccin anti-Covid-19 reste optimal. C’est un enjeu important et sans précédent. Sans la glace carbonique, il aurait donc été impossible d’assurer la Supply Chain de cette campagne mondiale de vaccination. Au final, le CO2 n'est pas si inutile que ça.

 

F.N.H. : Vous êtes un habitué du Maroc. Votre passage cache-t-il une volonté de développer et enseigner votre savoir sur la cryogénie dans son ensemble ?

D. S. : Vos informations sont justes. Je suis amoureux du Maroc, c’est pour moi un retour aux sources et à mes racines; ma mère est de Casablanca. Effectivement, j’ai la volonté de développer mes applications cryogéniques et nouer ainsi des partenariats solides. J’ai rencontré énormément de monde au cours de mes déplacements à travers tout le Royaume. Travailler ensemble est pour moi une évidence. Le Maroc possède un potentiel énorme, une richesse humaine et intellectuelle indéniable, il y a beaucoup de voies à explorer. Au Maroc, tout est possible et ce secteur d’activité y aurait toute sa place. Mon souhait est de travailler main dans la main avec le Royaume et apporter cette autonomie et connaissance en matière de cryogénie...

 

 

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