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Entrepreneuriat : L’informel gagne du terrain

Entrepreneuriat : L’informel gagne du terrain

L’entrepreneuriat informel s'établit à plus de 70% au niveau national.

Contraintes fiscales, bureaucratie excessive, charges sociales…, sa prédominance est le résultat d’une combinaison de facteurs

 

Par M. Ait Ouaanna

Depuis quelques années, l’entrepreneuriat séduit de plus en plus les Marocains. Conscient de l’apport considérable de cette activité, en matière d’emploi et de création de richesse, le gouvernement marocain a mis en place une série de mesures pour favoriser le développement des investissements privés afin de promouvoir l'entrepreneuriat, à travers notamment des programmes de formation, d'accompagnement et de financement.

Intitulée «Profil entrepreneurial du Maroc», une étude conjointe du ministère de l'Économie et des Finances et de la Banque africaine de développement (BAD) relève que le Royaume dispose d'un potentiel entrepreneurial conséquent. Ce potentiel est estimé à 25% de la population marocaine âgée de 18 ans et plus, répartie entre 9% d'entrepreneurs établis et 16% d'entrepreneurs potentiels ayant initié des actions conceptuelles ou concrètes en vue de créer une entreprise. Il est à noter que cette étude a visé 9.085 individus au sein de 3.034 ménages, parmi lesquels 2.297 entrepreneurs (établis et potentiels) ont été identifiés.

Certes, nombreux sont les Marocains qui choisissent aujourd’hui d’emprunter la voie de l’entrepreneuriat, mais plusieurs parmi eux n'ont pas eu la possibilité de faire autrement. Dans ce sens, l’enquête menée par le ministère et la BAD fait ressortir que 57% des entrepreneurs établis le sont par nécessité à travers des micro et petites entreprises dans des secteurs et activités à faible productivité. A cet égard, Mohamed Jadri, économiste et directeur de l'Observatoire du travail gouvernemental affirme qu’«au moment où la moitié des entrepreneurs marocains ont opté pour cette activité parce qu’ils ont la fibre entrepreneuriale, les 50% restants l’ont fait car ils n’ont tout simplement pas pu trouver un emploi stable».

L’étude a également mis à nu une réalité préoccupante, celle de la prédominance de l’entrepreneuriat informel. Ce dernier s'établit à plus de 70% au niveau national, un taux qui, selon Jadri, s’explique notamment par la mise en place de certaines réglementations qui poussent vers l’informel. A ce propos, notre interlocuteur cite l’exemple de la mesure fiscale mise en œuvre cette année dans le cadre de la Loi de Finances 2024, consistant à introduire un taux libératoire de 30% au-delà de 80.000 dirhams de chiffres d’affaires réalisés par l’autoentrepreneur avec un seul client.

«Aujourd’hui, les impôts coûtent de plus en plus chers aux entrepreneurs. Suite à cette nouvelle disposition fiscale, plus de 600.000 autoentrepreneurs ont demandé la radiation de leur compte. Le pire est qu’après leur suppression du registre national de l’autoentrepreneur, ces gens continuent d’exercer leur activité, mais de manière informelle, sans payer les impôts», se désole-t-il. Outre cela, Mohamed Jadri fait savoir que la présence dominante de l’informel s’explique également par l’importance des charges sociales, qui pousse certains chefs d’entreprise à recruter le personnel de manière informelle afin de ne pas payer les différentes cotisations et, par conséquent, baisser leurs dépenses.

De même, l’expert relève que la multiplication des démarches administratives peut également constituer un frein à la formalisation des entrepreneurs. «Pour obtenir une autorisation ou des agréments, il est indispensable de passer par plusieurs étapes, raison pour laquelle de nombreuses personnes préfèrent travailler de manière illicite, sans suivre telle ou telle procédure», précise-t-il. Assurément, l'entrepreneuriat soutient le développement du pays, mais sa pratique de manière informelle risque d’avoir un impact négatif sur la croissance de toute économie. Ce dernier se traduit notamment par une perte colossale en matière de recettes fiscales. 

 

 

 

 

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