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Gouvernance publique : les nouvelles règles du jeu

Gouvernance publique : les nouvelles règles du jeu

Longtemps considérés comme un angle mort de l’action publique, les établissements et entreprises publics (EEP) entament une profonde transformation. Portée par l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État (ANGSPE), cette réforme vise à substituer à la gestion statique une gouvernance exigeante, alignée sur les meilleurs standards internationaux.

 

Par D. William

Si pendant longtemps les établissements et entreprises publics (EEP) ont navigué à vue, avec des objectifs peu lisibles, une gouvernance décriée et des performances parfois aléatoires, un vent de transformation souffle aujourd’hui sur le secteur public marocain. Une nouvelle architecture se met en place à la faveur de l’opérationnalisation de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’Etat (ANGSPE).

Créée en 2022, elle tente de dépoussiérer les pratiques pour transformer un secteur public souvent redondant, parfois inefficace, en un appareil rationnel, structuré et orienté vers la performance. Mardi 20 mai 2025, à Rabat, le Directeur général de l’ANGSPE, Abdellatif Zaghnoun, a résumé clairement la mission de son institution : «faire bouger les lignes de la gouvernance publique, de manière structurée et cohérente». Mais au fond, qu’est-ce que cela veut dire ?

Concrètement, cela signifie sortir les EEP de leur carcan bureaucratique pour les propulser dans un monde où performance, transparence et durabilité ne sont plus des options, mais des obligations. Car pendant longtemps, l’Etat propriétaire et l’Etat stratège ont cohabité dans une sorte de flou artistique. L’Etat finançait et nommait, mais sans toujours exiger des comptes. Résultat : des EEP surdotés en ressources, mais parfois sous-dotés en résultats. Cette époque semble bel et bien révolue. Désormais, l’ANGSPE entend professionnaliser l’actionnariat public. Elle ne veut plus d’un Etat passif, mais d’un «Etat actionnaire responsable, transparent et stratégiquement engagé», selon les mots mêmes de Zaghnoun.

Ce tournant a été entériné par les orientations stratégiques de la politique actionnariale de l’Etat, approuvées en 2024. Et pour soutenir cette démarche, il fallait un cadre. Ce cadre, c’est celui des Lignes directrices révisées de l’OCDE sur la gouvernance des entreprises publiques. Adoptées en mai 2024, elles deviennent aujourd’hui la Bible des réformateurs. Elles offrent, dixit la ministre de l’Economie et des Finances, Nadia Fettah, «un cadre d’action robuste, cohérent et reconnu à l’échelle internationale».

La méthode ANGSPE

L’ANGSPE n’en est pas restée aux déclarations d’intention. Elle s’est attelée à construire un véritable écosystème de gouvernance, aligné sur les standards internationaux. Les mots-clés ? Professionnalisation des organes délibérants, évaluation périodique, audit interne, digitalisation et même formation à la conduite du changement. Une des innovations phares de cette dynamique est la création du Label GUIDE (Governance Upgrading Initiative for Development and Excellence), qualifié par Zaghnoun d’«initiative structurante». Ce label est pensé comme un levier d’amélioration continue, à la fois incitatif et normatif. Et pour donner encore plus de corps à cette volonté de réforme, un nouveau Code de gouvernance a été récemment adopté par décret et publié au Bulletin officiel le 28 avril 2025.

«Ce Code marque une nouvelle étape dans la réforme du secteur des EEP, en cohérence avec les exigences de transparence, de reddition des comptes et de pilotage des performances, ainsi qu’avec les attentes accrues en matière de respect des critères ESG», selon le ministère des Finances. Une avancée réglementaire saluée aussi bien par les partenaires marocains que par l’OCDE qui, pour Nadia Fettah, «constitue un partenaire de référence à travers le cadre de gouvernance qu’elle propose, ses mécanismes d’évaluation rigoureux et son approche comparative des expériences internationales».

Les lignes directrices qu’elle propose ne sont pas des recommandations à la carte. Elles prônent une professionnalisation accrue, une transparence systémique et une responsabilisation de tous les niveaux de gouvernance. Et comme le souligne Zaghnoun, «l’adoption des Lignes directrices de l’OCDE est une étape significative, mais c’est bien leur mise en œuvre qui constituera le véritable marqueur de progrès». En tout cas, transformer la gouvernance des EEP implique des enjeux importants : maîtrise des dépenses publiques, performance économique, impact social, contribution à la croissance… C’est toute une nouvelle philosophie du service public qu’il s’agira donc de mettre en place. D’ailleurs, comme le résume bien la ministre, «il ne s’agit plus seulement de gérer l’existant, mais d’interroger nos modèles, de repenser nos mécanismes de pilotage et d’élever le niveau d’exigence». C’est dit. 

 

 

 

 

 

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