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Pénurie de médecins: La loi 33.21 est une solution «mirage»

Pénurie de médecins: La loi 33.21 est une solution «mirage»

Les décrets d’application de la loi 33-21 facilitant l’exercice des médecins étrangers au Maroc seront bientôt publiés. Les professionnels du secteur estiment qu’en vue de combler le déficit en médecins, le Maroc doit d'abord s'assurer de garder ses compétences nationales avant de penser à attirer celles étrangères.

 

Par M. Ait Ouaanna

47.000. C’est le total de médecins dont le Maroc a besoin pour combler son déficit qui se creuse d’année en année.

D’après les données publiées par le haut-commissariat au Plan (HCP) dans l’édition 2023, «Le Maroc en chiffres», le Royaume compte 29.180 médecins, dont 13.228 exercent dans le public et 15.952 dans le privé. Pour un pays dont la population totale dépasse les 37 millions d’habitants, cet effectif médical demeure manifestement insuffisant.

Pour rappel, le standard de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est de 15,3 médecins pour 10.000 habitants, au moment où le Maroc compte uniquement 7,8 médecins pour 10.000 habitants. Afin de tenter de remédier à cette problématique majeure, le gouvernement actuel a mis en place bon nombre de mesures.

En 2022, Aziz Akhannouch a annoncé l’augmentation de 20% du nombre d’étudiants inscrits dans les facultés de médecine, de pharmacie et de médecine dentaire publiques et privées, ainsi que la multiplication de ce chiffre par deux vers la fin de sa législature. Durant cette même année, l’exécutif a également décidé de réduire la durée de formation en médecine de 7 à 6 ans. Cependant, ces mesures ne devraient pas permettre de combler ce déficit criard.

D’ailleurs, les professionnels du secteur estiment que celles-ci doivent nécessairement être associées à d’autres solutions. En plus de l’augmentation des sièges pédagogiques en médecine et de la réduction du cursus, le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Ait Taleb, a récemment annoncé la publication prochainement des textes d’application de la loi n° 33-21 modifiant et complétant la loi n° 131-13 relative à l’exercice de la médecine.

Celle-ci prévoit une série de mesures facilitant le recrutement des médecins étrangers. Publiée dans le Bulletin officiel le 26 juillet 2021, la loi 33-21 vise à introduire un ensemble d’incitations afin d’encourager les médecins étrangers ainsi que les médecins marocains résidant en dehors du pays, à venir exercer leur profession au Maroc de manière permanente ou provisoire.

Parmi les principales incitations offertes par cette loi, figurent entre autres la suppression de l’autorisation d’exercice, l’inscription au tableau de l’Ordre national des médecins étant désormais suffisante, la consécration de l’attestation d’inscription comme titre de séjour, ou encore la dispense de l’équivalence des diplômes pour les médecins exerçant ou ayant exercé à l’étranger.

Néanmoins, la grande question qui se pose est celle de savoir si la mise en œuvre effective de cette loi va vraiment permettre au Maroc de pallier le manque aigu de médecins.

Pour Dr. Tayeb Hamdi, médecin, chercheur en systèmes et politiques de santé et vice-président de la Fédération nationale de la santé, cette solution est un cataplasme sur une jambe de bois. «La loi 33.21 est promulguée et publiée dans le Bulletin officiel depuis 2021, mais ce qu’on attend aujourd’hui, c’est la publication de certains textes réglementaires fixant par exemple les conditions, la durée maximale, etc.

Ladite loi va certes faciliter l’exercice de la médecine au Maroc par des professionnels étrangers ou marocains résidant à l’étranger, que ce soit dans le secteur public ou privé, mais sans des incitations plus intéressantes, elle ne peut pas encourager un grand nombre de médecins à venir exercer au Maroc.

Quelques-uns, oui, peutêtre, mais pas des milliers», assure Dr. Hamdi. A en croire des chiffres accablants publiés par la Fondation des enseignants-médecins libéraux, entre 600 et 700 médecins décident chaque année de quitter le Maroc pour aller exercer leur profession ailleurs. Un phénomène qui ne cesse d’envenimer le problème de pénurie des cadres médicaux.

«La loi 33-21 est simplement une solution mirage, d’autant plus que chaque année, 30% des médecins formés au Maroc quittent le pays.

A ce propos, il est important de rappeler qu’une étude a montré que 71% des étudiants actuellement en dernière année de formation en médecine pensent à la migration.

L’exode des compétences médicales à l’étranger est un phénomène structurel et pour résoudre ce problème, il est primordial d’identifier les causes du départ», précise le praticien. Face aux départs massifs des médecins marocains à l’étranger, Dr. Tayeb Hamdi estime que le Maroc doit d'abord investir dans la formation et le développement de ses compétences nationales avant de penser à attirer celles étrangères.

«Au cas où le Royaume décide de mettre en place des mesures attractives pour les médecins venant de l’étranger, il doit faire de même pour ceux vivant ici pour qu’ils ne pensent pas à migrer. La solution contre cette pénurie est claire : il faut former plus de médecins, et ce dans de très bonnes conditions, en leur assurant, bien évidemment, une formation de qualité. Aussi, il faut revoir les salaires des médecins dans le secteur public et revoir les conditions de travail dans le privé», souligne-t-il.

«Si le secteur privé était suffisamment attractif, les médecins qui ne souhaitent plus exercer dans le public iraient tout simplement vers le privé, mais ce n’est pas le cas. Cela nous conduit à dire qu’au Maroc, la médecine n’est attractive ni dans le privé ni dans le public.

Pour attirer les médecins étrangers, il faut d’abord attirer les médecins marocains. En améliorant les conditions de travail, les salaires ainsi que la formation, nos médecins ne penseront presque jamais à quitter le pays. Afin que le Maroc puisse assurer la souveraineté sanitaire, il doit plutôt compter sur les compétences nationales, non pas étrangères», conclut-il. 

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