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Rationalisation de l'eau: les cris d’orfraie des propriétaires de hammams

Rationalisation de l'eau: les cris d’orfraie des propriétaires de hammams

Les hammams et les stations de lavage de voitures vont perdre du chiffre d’affaires à cause des trois jours de fermeture par semaine imposés par les pouvoirs publics.

 

Par D. M.

Trois jours de fermeture par semaine (lundi, mardi et mercredi) des hammams et des professionnels qui s’activent dans le lavage automobile. Telle a été l’une des mesures drastiques prises par le gouvernement afin de rationaliser l'utilisation de l'eau. Il s’agit-là d’un réel bouleversement dans les habitudes des citoyens marocains. Ainsi, les villes de Tanger, BéniMellal, Taroudant, Casablanca, Marrakech et bien d’autres ont donné un écho favorable aux recommandations du ministre de l’Equipement et de l’Eau, Nizar Baraka, qui souligne que «la problématique de la pénurie d’eau est structurelle et nécessite un changement des pratiques quotidiennes».

Ce changement a commencé avec la réduction des jours de fréquentation des hammams et des stations de lavage automobile, considérés comme grands consommateurs d’eau. Cette mesure, bien que contraignante pour les propriétaires et les usagers, a été prise dans le but de sensibiliser à la nécessité de la gestion responsable de l'eau et de permettre des ajustements techniques pour réduire la consommation d'eau dans ces établissements à forte affluence.

Certains hammams utilisent des puits souterrains, quand d’autres se procurent l’eau par le biais de Lydec moyennant une tarification. Farid Chourak, wali de la région de Marrakech-Safi, a insisté dans la circulaire diffusée à cet effet sur la mise en place de compteurs au niveau des puits et de toute source qui approvisionne les hammams en eau, en prenant toutes les mesures nécessaires pour une rationalisation et une économie des eaux souterraines. Une interdiction de recourir à d’autres sources hydriques pour approvisionner les hammams ou les stations de lavage de véhicules y est aussi mentionnée. Profondément enracinés dans la culture marocaine, les bains populaires sont des lieux de détente et de socialisation, puisque dans chaque quartier on en trouve au moins un. Ce sont des établissements qui génèrent de l’emploi pour la gente féminine et masculine localement appelée «tyaba» et «kessal».

Pour un hammam, on peut compter plus de 4 employés en fonction de la taille, du standing et des services offerts. La plupart d’entre eux n’étant pas salariés, mais payés au jour, se retrouvent amputés de 3 jours de travail chaque semaine, ce qui impacte leurs revenus. Dans la foulée, la Fédération nationale des propriétaires et gérants des hammams traditionnels et douches, qui relève que ce secteur génère 200.000 emplois, a vivement réagi, remettant en cause l’efficacité de cette mesure qui n’empêcherait guère le gaspillage de l’eau. Dans une lettre adressée au ministère de l’Intérieur, elle suggère comme première démarche incitative une campagne de sensibilisation à grande échelle auprès des citoyens et des secteurs comme l’agriculture, qui utilise 80% des ressources en eau.

«Nous adhérons à toute initiative visant à préserver l’eau. Mais nous pensons que les mesures à prendre doivent viser, en premier lieu, les secteurs qui exploitent ces ressources de façon irrationnelle. Les professionnels du secteur des hammams et bains publics ont été sévèrement touchés par la crise économique liée à la Covid-19. Ce secteur a été totalement oublié, ce qui l’a fortement affaibli. Il peine encore à se relever et ce genre de décision ne fera qu’empirer la situation», lit-on dans ladite lettre.

Même constat chez les stations de lavage automobile. Elles devront également cesser leurs activités pendant ces trois jours. Leurs clients se verront obligés de reporter leurs services de lavage aux jours d’ouverture. Ce qui affecte leurs chiffres d’affaires. C’est le cas d’une station sise à Haj Fateh, à Casablanca, qui emploie 6 agents. Elle nettoie en moyenne 10 voitures par jour pour un montant de 35 dirhams la voiture, soit un chiffre d’affaires journalier de 350 dirhams ou 10.500 dirhams le mois.

Avec 12 jours d’inactivité, son chiffre d’affaires est dorénavant réduit à 6.300 dirhams le mois, une somme répartie entre charges et salaires. «Cette mesure impacte notre rendement, car nous avons des charges à gérer. Les ressources sont réduites, mais les charges de loyer par exemple restent les mêmes. Nous avons gardé le même effectif en personnel, mais leur pourcentage de paiement est dorénavant réduit en fonction du nombre de voitures lavées pendant les quatre jours d'ouverture, et c’est un véritable problème», s’inquiète le responsable de la station.

S’agissant du suivi et du contrôle de ces mesures, des actions sont mises en place dans chaque ville pour veiller au respect de ces trois jours de fermeture. C’est le cas à Marrakech où les propriétaires des hammams et des stations de lavage de véhicules sont appelés à déposer des rapports mensuels sur leur consommation en eau auprès des autorités locales.

 

 

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