Par D. William
La Direction générale de la météorologie (DGM) a présenté, le 20 juin 2025 à Rabat, son rapport annuel sur l’état du climat, en présence du ministre de l’Equipement et de l’Eau, Nizar Baraka.
2024 y apparaît comme l’année la plus chaude jamais enregistrée au Maroc, avec une anomalie thermique de +1,49 °C par rapport à la moyenne 1991–2020. Janvier et novembre ont pulvérisé les records. Et en été, deux régions se sont distinguées par des températures qui interpellent, à savoir Béni Mellal (47,7 °C) et Marrakech (47,6 °C). Mais plus inquiétant encore que la chaleur, c’est l’absence de pluie.
Avec un déficit pluviométrique annuel de -24,7%, l’année 2024 confirme une tendance qui s’installe : la sécheresse en est à sa sixième saison consécutive. L’année hydrologique 2023-2024 est même qualifiée de «plus sèche depuis les années 1960», avec un déficit de précipitations de 46,6%.
La sécheresse tend à devenir structurelle. Voilà le cœur du problème. Car le climat n’est pas qu’un sujet pour météorologues. Il est un déterminant économique de premier plan. Le Maroc, pays à vocation agricole, voit dans cette sécheresse chronique un poison lent qui chahute la croissance. La campagne agricole 2023–2024, privée d’eau, s’est soldée par une baisse drastique de la production céréalière, estimée à -43%, soit 31,2 millions de quintaux.
Et si quelques cultures arboricoles et maraîchères ont mieux résisté grâce à des pluies tardives en février, cela tient plus du sursis que du salut. Dans un pays où l’agriculture pèse encore lourd dans l’emploi rural, la sécurité alimentaire et la balance commerciale, l’impact est profond.
Le ralentissement du secteur agricole plombe mécaniquement le PIB. Il s’infiltre dans les chiffres de la croissance. Moins de récoltes, c’est moins de revenus pour les exploitants, moins de transport, moins de transformation, moins de commerce... Et plus d’emplois perdus. Un cercle vicieux bien connu, mais qui s’accélère dangereusement.
Ce déficit hydrique touche également les réserves stratégiques en affectant notamment le taux de remplissage des barrages. L’eau potable elle même devient un sujet de tension croissante, avec des restrictions dans plusieurs régions du Royaume. Transition hydrique et agricole Face à cette situation, le gouvernement semble prendre la mesure du défi.
Nizar Baraka l’a martelé : l’information climatique est désormais un levier stratégique pour guider les investissements et adapter les politiques publiques. C’est sous cet angle qu’il faut apprécier la transition hydrique en cours. Construction de stations de dessalement et de nouveaux barrages, réutilisation des eaux usées, programmes d’irrigation localisée et rationalisation de l’usage domestique sont autant d’initiatives déployées qui devront permettre, à moyen et long termes, de résorber le déficit hydrique.
Quant à la transition agricole, elle reste inachevée. Le Plan Maroc Vert, puis la stratégie Génération Green, ont posé des jalons. Mais les petits agriculteurs en particulier restent toujours les premières victimes de la sécheresse, raison pour laquelle l’Etat a multiplié ces dernières années les mesures de soutien et d’accompagnement.
Aujourd’hui, c’est de l’ensemble de la trajectoire économique du pays dont il est question. Car le changement climatique impose forcément une transformation du modèle agricole actuel afin que le Maroc puisse préserver son potentiel de croissance. L’enjeu n’est donc pas seulement de faire rempart à la dictature du climat, mais de construire un modèle économique qui s’affranchit des caprices de la pluviométrie. Des caprices qui, désormais, sont devenues la norme.