L’optimisme est de mise après les scores enregistrés au titre du premier semestre.
Mais le secteur reste toujours confronté à de nombreux défis, dont le déficit d’offre particulièrement durant la période estivale.
Par D. William
Particulièrement sinistrée lors de la pandémie liée au covid19, le secteur touristique poursuit son embellie entamée depuis le mois de janvier dernier. L’activité profite de la reprise du tourisme mondial, mais également des multiples mesures mises en place par les acteurs du secteur, en particulier l’Office national marocain du tourisme (ONMT) qui a mené une offensive de taille sur les marchés émetteurs, à travers notamment sa campagne internationale «Maroc terre de lumière», qui aura connu un franc succès.
Le secteur a également bénéficié du formidable parcours des Lions de l’Atlas lors de la Coupe du monde au Qatar, qui ont propulsé le Royaume sur les radars des tours opérateurs internationaux. Ainsi, la dynamique qui caractérise le tourisme depuis le début de l’année s’est consolidée au mois de juin 2023, où le volume des arrivées aux postes frontières a atteint près de 1,4 million de touristes, soit +25% par rapport à 2019, selon les chiffres du ministère du Tourisme.
Et au titre des six premiers mois de l’année, le nombre d’arrivées s’élève à 6,5 millions de touristes, soit une croissance de 21% par rapport à 2019. Plusieurs marchés ont contribué à cette performance, notamment l’Espagne (+79% Vs. 2019), le Royaume-Uni (+23% Vs. 2019), le Portugal (+16% Vs. 2019) et le marché israélien (+96% Vs. 2019), précise la tutelle. Parallèlement, en termes de productivité, le secteur a généré 41 Mds de DH de recettes de voyage en devises à fin mai 2023, soit une progression exceptionnelle de 42% par rapport à la même période de 2019.
Optimisme
Le ministère est résolument optimiste, estimant que «ces réalisations combinées aux actions offensives de promotion augurent d’une saison estivale exceptionnelle». Rappelons, à ce titre, que de nombreux partenariats ont été signés avec les tour-opérateurs et les agences de voyage en ligne afin de sécuriser 2,8 millions de clients pour la saison estivale 2023, soit le double du volume sécurisé pour l’été 2019.
«Les indicateurs du secteur témoignent d’une très bonne santé de notre tourisme. Nos ambitions sont évidemment plus importantes dans le cadre de la feuille de route et nous continuerons à œuvrer avec l’ensemble de l’industrie et à déployer les moyens nécessaires pour atteindre nos objectifs quantitatifs et qualitatifs», souligne la ministre de tutelle, Fatim-Zahra Ammor. Les objectifs fixés dans la feuille de route pourraient même être dépassés à fin 2023.
En effet, à en croire l’économiste et expert en tourisme Zoubir Bouhoute, «avec 6,5 millions de touristes au premier semestre, nous sommes sur la bonne voie, sachant qu’une bonne partie de la hausse émane des Marocains du monde (MDM, ndlr). Nous tendons donc vers un équilibre entre les touristes étrangers en séjour et les MDM. En conséquence, je pense que nous allons dépasser facilement les 13,5 millions d’arrivées à la fin de l’année. Je reste plus optimiste que la feuille de route du tourisme qui table sur 12,9 – 13 millions d’arrivées en 2023».
Il faut savoir que le Maroc a initié énormément d’actions de promotion, qui ont été appuyées par la multiplication des connexions aériennes avec les marchés classiques et les marchés émergents. Néanmoins, admet Bouhoute, «il reste beaucoup à faire sur certains pays où nos performances ne sont pas bonnes, dont notamment les marché allemand, hollandais et belge, où l’on enregistre des baisses respectives de 34, 37 et 24% à fin mai 2023. Et pour le marché français, la progression a été limitée à 2%».
Selon notre interlocuteur, il va falloir agir en multipliant les connexions aériennes et maritimes pour mieux se positionner sur ces marchés, et surtout en Allemagne qui reste le premier émetteur en Europe, et sera le second au monde après la Chine en 2030. «A cette date, la Chine comptera 250 millions de touristes internationaux contre 151 millions de touristes allemands», fait-il savoir.
Quelques défis à relever pour consolider la dynamique
La feuille de route du secteur ambitionne, à l'horizon 2026, d'attirer 17,5 millions de touristes, d'atteindre 120 milliards de recettes en devises, de créer 80.000 emplois directs et 120.000 indirects, en plus de repositionner le tourisme comme secteur clé dans l'économie nationale. Atteindre ces objectifs nécessitera donc de consolider la dynamique observée actuellement. Cela passera par la levée de certaines contraintes liées, entre autres, aux problèmes de gouvernance, à l’inadéquation entre l’offre et la demande, les déficits en termes de liaisons aériennes, ainsi que la faiblesse de l’offre touristique nationale. S’y ajoutent la forte concentration des destinations d’accueil (Marrakech, Agadir). Il semble ainsi important de promouvoir d’autres villes marocaines afin de ne pas consolider la bipolarité MarrakechAgadir.
«Il faut essayer d’assurer une répartition équitable au niveau de toutes les destinations du Maroc afin de faire profiter des retombées touristiques à l’ensemble des régions», suggère Bouhoute. Sur un autre registre, il y a la nécessité de promouvoir davantage le tourisme interne, segment où les problèmes deviennent particulièrement saillants durant la période estivale.
«En été, il y a en effet une forte demande émanant des touristes internationaux. Ensuite, il y a l’opération Marhaba où, sur les 3 millions d’entrée prévues, à peu près 2 à 2,4 millions sont concentrées sur la période juillet-août, qui coïncide avec les vacances scolaires des Marocains résidents. Il y a ainsi 3 facteurs qui concourent à augmenter la demande, alors qu’en face l’offre ne suit pas».
L’insuffisance de l’offre entraine de facto une augmentation des prix des services touristiques, encore davantage dans ce contexte inflationniste. Dans une question écrite adressée à Fatim-Zahra Ammor, le groupe parlementaire du Parti du progrès et du socialisme (PPS) a d’ailleurs dénoncé la flambée des prix des hôtels et restaurants. Et ce, dans un contexte où presque la moitié (49%) des Marocains prévoit de voyager cet été, et 83% d’entre eux privilégient les destinations nationales, selon l’enquête réalisée par le Groupe Sunergia.
C’est la raison pour laquelle Bouhoute appelle à «construire des stations destinées aux nationaux, prendre en considération leurs habitudes de consommation et leur pouvoir d’achat, et penser à soutenir le tourisme national, comme cela se fait en France avec les chèques de vacances». Sachant que sur les 8 stations destinées au tourisme domestique et prévues dans le cadre du plan Biladi, seules 3 ont été construites.
