Visa a choisi le Maroc pour une nouvelle escale de son Data & AI Summit, un rendez-vous qui marque une étape importante dans la réflexion sur la transformation numérique en Afrique.
Par Adil Hlimi
L'événement a été l’occasion pour le géant mondial des paiements de partager sa vision sur l’intelligence artificielle générative (IA générative), ses applications concrètes dans les services financiers et les défis qu’elle soulève.
Dans sa conférence plénière, la cellule innovation et data science de Visa a replacé l’IA dans une perspective historique. Après la révolution industrielle aux XVIIIe et XIXème siècles et la révolution numérique au XXème siècle, l’humanité entre aujourd’hui dans une nouvelle ère : celle de l’IA générative. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 100 milliards de dollars ont été investis l’an dernier dans les seuls algorithmes d’IA. Une intensité d’investissement qui témoigne de l’ampleur de la transformation en cours.
La présentation a été structurée autour de quatre grands axes. Le premier portait sur l’impact de l’IA générative sur la croissance des entreprises, avec des exemples d’institutions financières explorant déjà ce terrain. Le deuxième concernait son rôle dans les services financiers, où l’IA aide à l’acquisition et à la fidélisation de clients, à la lutte contre la fraude et à l’engagement.
Le troisième axe développait la stratégie de Visa, qui combine hyperpersonnalisation et automatisation des tâches. Enfin, le dernier point abordait les défis et opportunités, depuis les biais des données jusqu’aux questions de gouvernance et de transparence. Des cas d’usage concrets dans la finance Les banques expérimentent déjà l’IA générative dans plusieurs champs.
Elle est utilisée dans l’écriture et le test de code, où certaines plateformes atteignent des gains de productivité de 25 à 40%, transformant des projets de trois semaines en livrables réalisés en trois jours. Elle est aussi mobilisée dans les fonctions de support, par exemple dans les centres d’appels ou pour les conseillers financiers, où elle permet de retrouver rapidement la bonne information parmi des milliers de documents internes.
L’IA générative s’invite également dans les chatbots intelligents, plus performants que les anciens systèmes de traitement du langage et capables de maintenir le contexte pour fluidifier la relation client. Enfin, elle renforce la lutte contre la fraude grâce à la génération de données synthétiques, qui améliorent les algorithmes de détection et sécurisent davantage les transactions.
Des applications qui dessinent un nouvel équilibre entre automatisation et amélioration de l’expérience client. Des défis à ne pas négliger Mais le tableau n’est pas exempt de risques. Les équipes de Visa ont souligné plusieurs défis. Les biais présents dans les données d’entraînement risquent d’être amplifiés. Les fuites d’informations représentent une menace réelle dans des environnements mal sécurisés.
Le manque de transparence de certains modèles, encore perçus comme des «boîtes noires», limite leur adoption dans des secteurs où la réglementation exige des explications claires. À cela s’ajoutent les hallucinations des modèles, capables de produire des réponses inventées mais convaincantes, et la désinformation, qui peut être exploitée par des fraudeurs sophistiqués. L’exemple d’un directeur financier à Hong Kong, piégé par un faux appel Zoom imitant son Conseil d’administration et entraînant une perte de 25 millions de dollars, illustre parfaitement ce risque.
Enfin, les impacts sur l’emploi ne sont pas à négliger : ceux qui adopteront la technologie continueront de progresser, tandis que ceux qui la rejettent pourraient être laissés-pour-compte. Au-delà de la finance, l’IA générative transforme aussi le commerce. Citons ici l’exemple de Zara, qui utilise l’IA pour analyser en profondeur les comportements et les attentes de la génération Z.
Les insights tirés de livres, d’études et de données comportementales sont convertis en recommandations créatives, permettant de concevoir des collections adaptées à chaque marché. De la même manière, dans les paiements, l’IA générative peut aider à concevoir des cartes personnalisées, des messages marketing ciblés ou des stratégies de fidélisation plus fines.
L’IA générative se révèle également précieuse dans l’automatisation des processus bancaires. Le traitement des litiges liés aux transactions en est un exemple frappant. Aujourd’hui, les délais peuvent atteindre plusieurs jours.
Avec l’IA, ils peuvent être ramenés à deux jours, grâce à une analyse automatisée des documents soumis par les clients et une synthèse intelligente des informations pour les conseillers. Le résultat est une efficacité accrue, une conformité renforcée et une meilleure expérience client. Les quatre voies d’adoption Selon Visa, les entreprises peuvent adopter l’IA générative par différentes approches.
Certaines choisissent les produits prêts à l’emploi déjà disponibles sur le marché, d’autres s’appuient sur des modèles prêts à l’emploi comme GPT-4 via Microsoft Azure. Les plus avancées téléchargent des modèles open source et les réentraînent en interne, une démarche coûteuse mais qui offre plus de contrôle.
Enfin, certaines créent leurs propres modèles propriétaires, une option qu’envisage Visa avec des LLM spécialisés dans les paiements. Cette stratégie mixte permet à l’entreprise de se positionner à tous les niveaux, du gain opérationnel immédiat à la recherche de différenciation maximale.
En organisant ce sommet au Maroc, Visa entend affirmer l’importance stratégique du continent africain dans sa feuille de route numérique. Pour l’opérateur, l’IA générative n’est pas une technologie réservée aux marchés développés. Elle représente un levier de compétitivité et d’inclusion pour l’ensemble de l’écosystème financier africain.
Encadré : L'IA et les données au cœur de la stratégie de Visa
Visa est un pionnier dans l'application de l'IA pour protéger l'écosystème des paiements. En un an, le groupe a bloqué 40 milliards de dollars de tentatives de fraude, renforçant ainsi son engagement à sécuriser les transactions. Au cours des cinq dernières années, Visa a investi plus de 12 milliards de dollars dans la technologie — y compris des capacités conçues pour réduire la fraude — afin de rester à la pointe de l'innovation et de continuer à soutenir la sécurité et la fiabilité du réseau mondial de paiements. Le sommet présente d'ailleurs les dernières innovations de Visa en matière de données et d'IA, y compris Visa Commerce Intelligence, une suite de produits et services basés sur les données qui offre aux entreprises des informations puissantes pour optimiser et personnaliser les expériences des consommateurs. Grâce à Featurespace, Visa étend encore plus ses capacités. Sa plateforme ARIC Risk Hub est une solution de prévention de la fraude qui utilise l'IA adaptative pour aider à protéger les institutions financières et leurs clients. Ces solutions de pointe, ainsi que d'autres outils tels que le nouveau VAAI Score basé sur l'IA générative, illustrent comment Visa utilise ses vastes capacités de données pour soutenir ses partenaires et garantir la confiance dans l'écosystème du commerce numérique.