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Education nationale: Benmoussa imprime sa méthode

Education nationale: Benmoussa imprime sa méthode

En homme de dialogue, le ministre de l’Education nationale a amorcé les concertations avec les syndicats.

Les discussions autour du concours d’accès aux AREF ressemblent cependant de plus en plus à un dialogue de sourds.

La CSMD, que Benmoussa a pilotée, lui a déjà mâché le travail, en mettant à nu toutes les insuffisances du système éducatif.

 

Par D. William

 

 

Le ministre de l’Education nationale, du Préscolaire et des Sports saura-t-il fédérer le monde de l’enseignement pour mener à bien la réforme du système éducatif ? Il en aura de toute évidence besoin, tant les enjeux sont importants. Pour l’instant, Benmoussa est dans son élément. Il semble être dans l’écoute, ce qui est de bon augure face à des syndicats réputés très vindicatifs. D’ailleurs, il multiplie les rencontres avec les centrales syndicales les plus représentatives dans le cadre du dialogue social.

Objectif : discuter sur l’élaboration «d’une feuille de route commune» sur les questions prioritaires se rapportant à la situation de l’enseignement public et aux revendications sociales. Pour Benmoussa, il faut «réaliser l’objectif d’une renaissance éducative s’articulant autour de la qualité de l’enseignement et d’une gouvernance rationnelle». Et, selon lui, cette démarche «va aider à dégager des réponses communes» aux problématiques posées et «contribuer à instaurer un climat de quiétude et sain afin d’atteindre les objectifs des réformes».

Si les syndicats ont été séduits par la démarche, il n’en reste pas moins que le ministre de l’Education nationale n’aura pas la tâche facile. Car, on le sait, le système éducatif fait face à de réels défis. Benmoussa en a pleinement conscience, d’autant qu’il a présidé la Commission spéciale pour le modèle de développement (CSMD), laquelle a fait une radioscopie profonde du système éducatif, passant au peigne fin ses failles et faiblesses.

«Désigner celui qui a coordonné et catalysé le travail de la CSMD à la tête du secteur de l’enseignement et de l’éducation n’est pas une décision anodine. Le message est clair : l’implémentation du NMD est conditionnée étroitement par notre capacité à révolutionner notre système éducatif, à en faire un levier puissant de croissance et de développement», précise à ce titre Selma El Hassani Sbai, professeur de droit privé à l’Université Mohammed V de Rabat. Révolutionner le système éducatif ? C’est peut-être ce que tente de faire Benmoussa en  fixant l’âge maximum pour passer le concours des enseignants des Académies régionales d’éducation et de formation (AREF) à 30 ans. Mais la mesure ne passe pas et s’oppose à une résistance farouche des syndicats.

«Nous rejetons catégoriquement la décision de Benmoussa, qui est discriminatoire et ne repose pas sur des bases solides. Le ministère prévoit une réunion avec les centrales syndicales le 7 décembre prochain. Mais cette rencontre devrait être organisée plus tôt, car il y a urgence. Avant de prendre une décision d’une telle portée, il faut avoir l’avis de toutes les parties concernées et opter en fin de compte pour un schéma concerté pour qu’il soit viable et acceptable», peste Hassan Tijani, membre de la Coordination nationale des enseignants contractuels.

Selon lui, «la politique du fait accompli ne peut que compliquer la situation et générer de nouveau des tensions dans le secteur. Il faut se pencher sur les vrais problèmes du secteur, comme le sureffectif dans les classes, l’efficacité des programmes, le déploiement des ressources humaines, la qualité des infrastructures» poursuit-il, concluant que «les arguments avancés par le ministre, comme celui de mettre en valeur la qualité de l’enseignement, ne sont pas recevables».

Un lourd héritage

Benmoussa entame donc son premier bras de fer avec les syndicats. Tentera-t-il un passage en force, au risque de rompre le dialogue social à peine son mandat entamé  ? Ou privilégiera-t-il la recherche d’un bon compromis ? En tout cas, maintenant qu’il est en fonction, le nouveau ministre de l’Education nationale prend la pleine mesure des difficultés qui existent dans ce secteur, où les chantiers sont nombreux et l’héritage lourd, à la hauteur des challenges auxquels doit faire le Maroc pour rendre

son système éducatif plus efficient et plus performant. Benmoussa ne part cependant pas d’une feuille blanche, car plusieurs chantiers ont déjà été entamés par son prédécesseur, Saaïd Amzazi. Comme, par exemple, la mise en œuvre du Programme national de généralisation et de développement du préscolaire, à laquelle le précédent gouvernement a alloué un budget qui est passé de 1.350 MDH en 2019 à 1.547 MDH en 2021, soit une hausse de 15%. Il ne s’agira donc pas d’opérer une rupture, mais d’être dans la continuité de l’action, d’autant que les maux du système éducatif marocain ont déjà été identifiés.

En cela, Benmoussa devra porter en bandoulière ce constat pertinent du Roi, lors de son discours du 20 août 2013, durant lequel il a fait un diagnostic très critique du secteur de l’éducation et de la formation. «(… Il n'est pas raisonnable que tous les cinq ans, chaque nouveau gouvernement arrive avec un nouveau plan, faisant l'impasse sur les plans antérieurs, alors qu'il ne pourra pas exécuter le sien intégralement, au vu de la courte durée de son mandat. Par conséquent, le secteur de l'éducation ne doit pas être enserré dans un cadre politique stricto sensu, pas plus que sa gestion ne doit être l'objet de surenchères ou de rivalités politiciennes». Transparent pour qui sait lire.

Pour une école de qualité

Benmoussa n’aura pas à s’embrouiller d’un énième plan d’action, encore moins d’études coûteuses dont les recommandations finiront au fond d’un tiroir. La CSMD, qu’il a pilotée, lui a déjà mâché le travail, en mettant à nu toutes les insuffisances du système éducatif, tout en préconisant diverses solutions. Faibles performances de l’école marocaine, déperdition scolaire élevée, détérioration de l’encadrement et de la qualité, filières qui ne cadrent pas avec les besoins du marché du travail, faible développement de la recherche scientifique dans l’enseignement supérieur, crise de confiance des Marocains à l’égard de l’institution éducative et de son corps enseignant, crise de vocation de l’école, qui ne joue plus son rôle d’ascenseur social et de promotion de l’égalité des chances…, les griefs sont nombreux.

Pour que le Maroc puisse réaliser ses ambitions en termes de cohésion sociale et de croissance économique, il faut donc une transformation profonde du système éducatif, afin que ces élèves et étudiants d’aujourd’hui soient les compétences qui, demain, seront au cœur du processus de développement du Royaume. L’urgence est là. Et il faut se mettre au boulot dès à présent. Surtout si l’on sait que la CSMD a, entre autres, fixé comme objectifs, qu’à l’horizon 2035, plus de 90% des élèves possèdent les compétences scolaires fondamentales à la fin du cycle primaire, contre moins de 30% en 2020. 

 

 

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