A sa nomination en tant que chef de gouvernement, Saad Eddine El Othmani jouissait d’un préjugé assez favorable. On le disait homme de consensus, diplomate, bon négociateur… Bref, on a vite fait de ne lui trouver que des qualités. Par rapport surtout à son prédécesseur, Abdelilah Benkirane. Et pourtant. Détails.
Mais un peu plus de trois mois après sa prise de fonction, le capital sympathie/confiance que l’opinion publique lui accordait s’est quelque peu effrité. Pour deux raisons principalement : la gestion chaotique du dossier Al Hoceima et le cafouillage incompréhensible relatif à la réforme du régime de change.
Il faut par ailleurs dire que même au sein de son parti, il ne bénéficie pas d’un soutien inconditionnel, et cela depuis la formation du gouvernement. Sa volonté de sortir le Maroc d’une crise politique qui aura duré plusieurs mois l’a, en effet, poussé à faire des concessions là où Benkirane s’est montré inflexible. L’entrée de l’USFP dans le gouvernement en est une. Cette «largesse» du chef de gouvernement a ainsi permis au groupe formé par le RNI, l’UC et l’USFP de constituer une véritable force idéologique au sein de la majorité. Mais cette «largesse» lui a surtout attiré des inimitiés au sein de son propre camp, où certains Pjdistes voient l’entrée de l’USFP dans le gouvernement presque comme un acte de trahison. Et ce n’était qu’un début. Car lorsque El Othmani a dévoilé la composition de son gouvernement, il a essuyé une véritable volée de bois vert. Et cela se comprend. Grand vainqueur des dernières législatives avec 125 sièges au Parlement, le PJD a vu sa position affaiblie dans la majorité gouvernementale par le RNI. Ce parti, avec seulement 35 sièges, mais grâce à ses alliances, a réussi à confisquer le pouvoir au PJD, s'arrogeant au passage d'importants ministères comme les Finances, l'Agriculture ou encore l'Industrie et l'Investissement. Chez les islamistes, forcément, la pilule a du mal à passer jusqu’à présent. Et le malaise est bien palpable face à ce hold-up presque parfait du RNI et de ses alliés.
Le temps n’a pas guéri cette blessure. Bien au contraire. Le PJD vit actuellement des moments difficiles, sur fond de guerres intestines et de tensions de plus en plus criantes entre le secrétaire général du parti, Abdelilah Benkirane, et Saad Eddine El Othmani. Un début de mandat donc très mouvementé et très chahuté pour le chef de gouvernement. A l’évidence, ce n’est pas le climat de sérénité dont il a besoin pour entamer sa législature, surtout dans un contexte où le contexte politique et social reste assez tendu.■
D. W.