Le scrutin du 8 septembre 2021 a consacré une tendance qui s’est précisée depuis au moins deux décennies, exactement depuis le gouvernement d’alternance, incarné par une figure, dernière de son espèce, Abderrahmane El Youssoufi : la fin annoncée de la gauche en tant que pôle politique solide, capable d’influer sur le cours des affaires politiques marocaines, avec à la fois une vision, un concept social bien défini, une rupture avec les archaïsmes passéistes et une volonté de s’inscrire dans le futur en prenant à bras le corps de nombreux débats de société, traditionnellement mis en place et nourris par les idées de gauche, dans ce qu’elles peuvent avoir de très puissant en matière de lutte des classes, de justice sociale, d’équité et d’égalité des chances pour toutes les populations et pour tous les citoyens, le tout avec un socle mobile qui est l’exigence de la compétence et l’impératif de l’intelligence.
Aujourd’hui, ce qui reste de la gauche, surtout au niveau de la formation politique qui revendique toujours avec ostentation cet héritage politique historique, à savoir l’Union socialiste des forces populaire (USFP), est très loin du legs des forces vives d’une gauche qui a été forgée dans la lutte et le combat politiques pour instaurer une équation politique basée sur la question sociale comme assise mobile pour construire une société égalitaire, une société où les droits de tous sont garantis par les lois, où la justice est le maître mot qui sous-tend toute la thèse politique en vigueur. Aujourd’hui, l’USFP, dirigé par Driss Lachgar n’a strictement plus rien à voir avec la gauche dans ses idéologies ramifiées autour de l’individu et du prolétaire comme piliers de toute société qui valorise les valeurs humaines dans ce qu’elles ont de plus basique, à savoir : la dignité et des chances égales dans la vie.
Devenu, au fil des ratés et des échecs, tant politiques que sociaux, un parti comme les autres, sans base populaire (qui est son fondamental essentiel), sans idées claires, sans la moindre vision réaliste d’un Maroc en profondes mutations, sans le moindre concept politique viable et crédible pour un Maroc qui a changé de cap, qui a d’autres défis tant locaux que régionaux et mondiaux, un Maroc dont les différentes couches de la société sont aujourd’hui plus que jamais appelées à fusionner pour incarner la cohésion sociale, condition sine qua non pour édifier une société solide et forte de ses acquis humains, mais aussi de ses différences à tous les niveaux.
C’est ce rendez-vous raté avec les profondes mutations du pays qui font aujourd’hui de l’USFP un simple parti parmi d’autres, perdu dans le ventre mou d’une classe politique où il n’a plus aucun pouvoir ni le début d’un impact sur le déroulé des affaires politiques qui se passent allègrement de lui. Alors qu’il était dans un lointain passé un véritable pôle politique, avec une idéologie claire et des visées limpides, il sert aujourd’hui une littérature passéiste et ultra consommée en parfait décalage avec l’époque et ses impératifs, à tous les étages.
Devenu un parti qui se débat avec des dissensions internes inhérentes à sa chefferie, avec des guerres intestines entre caciques du parti, entre volonté du premier secrétaire actuel de placer la relève en misant sur ses proches et les autres, qui se forment en clans ennemis, fragilisant chaque jour davantage un parti qui prend l’eau de toutes parts, son score au dernier scrutin, malgré l’euphorie déplacée des «gauchistes», est révélateur de son poids effectif au sein de la classe politique aujourd’hui. Placé quatrième avec 35 sièges, il devance à peine le Mouvement populaire de 6 places et le PPS de 13 sièges. Mais il ne fait même pas la moitié du score de son rival historique, l’Istiqlal. Sans parler de l’écart abyssal qui le sépare du RNI qui a remporté les législatives de 2021, talonné de près par le PAM.
Abdelhak Najib, écrivain-journaliste