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Partenariat stratégique : Rabat et Londres changent d’échelle

Partenariat stratégique : Rabat et Londres changent d’échelle

A l’issue de la 5ème session du Dialogue stratégique entre le Maroc et le Royaume-Uni, un nouveau cap est franchi : Londres soutient officiellement le plan marocain d’autonomie au Sahara. Une décision aux accents géopolitiques forts qui ouvre la voie à une coopération bilatérale renforcée dans divers domaines. Le professeur Mohammed Senoussi en livre une analyse pertinente.

 

Par D. William

Entre Rabat et Londres, souffle désormais un vent de confiance. C’est, en résumé, la conclusion que l’on peut tirer à l’issue de la 5ème  session du Dialogue stratégique entre le Maroc et le Royaume-Uni,  tenue le 1er juin 2025 à Rabat. Les deux Royaumes entament en effet une «nouvelle ère de partenariat stratégique global et authentique», selon les termes soigneusement choisis du communiqué conjoint sanctionnant cette session. C’est que le Royaume-Uni, dans un geste qui n’a rien d’anodin, a décidé de soutenir officiellement le plan marocain d’autonomie pour le Sahara, rejoignant ainsi le club des puissances qui considèrent cette initiative comme «la base la plus crédible, viable et pragmatique pour régler le différend» régional.

De quoi ravir Rabat, doper la coopération bilatérale et donner à Londres une occasion en or de renforcer son ancrage au sud de la Méditerranée. A entendre David Lammy, chef de la diplomatie britannique, cette décision inaugure «une nouvelle ère de partenariat entre les deux pays», bâtie sur des «liens historiques et durables entre les familles royales» des deux pays et une amitié… de plus de huit siècles.

«Le soutien britannique au plan d’autonomie marocain marque à la fois un ajustement conjoncturel motivé par des intérêts bilatéraux (postBrexit, sécuritaire, énergétique) et un possible basculement durable dans l’équilibre diplomatique international autour de la question du Sahara, dans la lignée de la reconnaissance américaine de 2020 et des ralliements européens récents», analyse Mohammed Senoussi, président du Conseil marocain des affaires étrangères, professeur et consultant en prospective et intelligence stratégique.

En effet, comme le précise le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger, Nasser Bourita, «quatre pays membres du Groupe des amis du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara se sont engagés dans cette dynamique et ont exprimé leur soutien à l'initiative d'autonomie, en l'occurrence la France, les Etats-Unis, l'Espagne et, aujourd'hui, le Royaume-Uni».

Partenariat multiforme

L’ambition de Rabat et Londres est bien circonscrite  : donner un saut quantitatif et qualitatif important au partenariat bilatéral. Economie verte, infrastructures, sécurité, lutte contre l’immigration clandestine, développement en Afrique… : les chantiers sont nombreux. Et Londres entend bien profiter des synergies pour se repositionner sur le continent africain. Cela est d’autant plus vrai que la position britannique sur le Sahara marocain ne se limite pas à un simple communiqué de soutien. Elle s’accompagne de moyens.

La UK Export Finance s’est dite prête à injecter jusqu’à 5 milliards de livres sterling pour soutenir des projets dans le Royaume, notamment dans les provinces du Sud. On parle d’investissements dans l’eau, la logistique intelligente, les ports, l’énergie durable... Et ce n’est pas tout : le Royaume-Uni apportera également son expertise dans l’organisation de la Coupe du monde 2030. On avait vu les prémices de la diplomatie du ballon rond comme catalyseur géopolitique avec le Qatar, voici que le Maroc en fait un levier dans sa stratégie d’influence.

Andrew Murrison, ancien ministre d’Etat à la Défense et aujourd’hui co-président du groupe parlementaire Maroc au sein du Parlement de Westminster, en est convaincu : «le soutien britannique au plan marocain d’autonomie au Sahara est à même de baliser le chemin pour une coopération multiforme plus accrue entre le Royaume-Uni et le Maroc, deux pays liés par des liens séculaires».

Ce n’est pas une déclaration isolée. Joe Powell, député travailliste et président du groupe «Labour Friends of Morocco», abonde dans le même sens : «le soutien exprimé par le RoyaumeUni au plan marocain d’autonomie au Sahara augure d’une nouvelle ère de partenariat renforcé et mutuellement bénéfique entre Rabat et Londres». Et pour Senoussi, «cette prise de position du Royaume-Uni, membre permanent du Conseil de sécurité, renforce la dynamique en faveur du plan marocain comme seule option "sérieuse et crédible", accentuant la pression sur les membres encore ambigus comme la Russie ou la Chine, et contribue à un rééquilibrage du débat onusien autour d’une solution politique réaliste, au détriment du référendum».

Le message est clair : la vieille idée d’un référendum au Sahara est dépassée. Ce n’est plus une voie; c’est une impasse. Place à une autonomie sous souveraineté marocaine, adossée à des garanties internationales. Et le Royaume-Uni, fort de son poids à l’ONU, s’inscrit désormais dans ce schéma.

Vision royale

Que l’on ne s’y trompe pas : derrière l’élan diplomatique et les poignées de main officielles, se déploie une véritable stratégie. Le Maroc ne se contente plus d’ajuster ses relations internationales, il les redessine avec pragmatisme. «La diplomatie marocaine, sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, recompose activement les alliances traditionnelles, en consolidant son ancrage multilatéral, en diversifiant ses partenaires (Afrique, Golfe, puissances émergentes) et en affirmant un leadership stratégique sur des dossiers clés (climat, développement, sécurité), tout en défendant fermement sa souveraineté territoriale», conclut Mohammed Senoussi.

Cette vision, le Royaume-Uni la partage désormais pleinement. De Fabian Hamilton, président du Groupe britannique auprès de l’Union interparlementaire, qui voit dans l’avenir des relations entre Rabat et Londres «quelque chose de plus prometteur que jamais», à Sir Liam Fox, président du groupe parlementaire britannique des Accords d’Abraham, pour qui le soutien au plan d’autonomie est «l’illustration la plus saillante de l’importance du Maroc en tant que partenaire stratégique du Royaume-Uni», le ton est donné. Même la presse britannique, pas toujours tendre avec ses partenaires, parle d’un «tournant diplomatique majeur».

En tout cas, tout laisse penser que les deux Royaumes ont compris qu’en additionnant leurs forces, notamment l’ancrage africain du Maroc et l’expertise mondiale du Royaume-Uni, ils pouvaient peser davantage dans un monde où les alliances se recomposent à grande vitesse. C’est pourquoi ils ont décidé de miser sur un partenariat solide et durable. Lequel passe de la courtoisie au tutoiement stratégique. 

 

 

 

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