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Ali Bongo: Grâce et disgrâce

Ali Bongo: Grâce et disgrâce

Au pouvoir jusqu’à la mort. C’est le rêve de nombreux présidents africains. Un rêve parfois brutalement interrompu par le réveil d’une certaine conscience populaire qui, à la faveur du jeu des élections libres et démocratiques, sort le carton rouge pour bouter dehors ces dirigeants jugés incompétents. Un rêve qui, de plus en plus ces dernières années, est également subitement interrompu par le bruit sourd des canons. Les militaires font tonner les armes et arrachent de force le pouvoir, souvent de façon sanglante.

Gabon (30 août 2023), Niger (26 juillet 2023), Burkina Faso (24 janvier et 30 septembre 2022), Soudan (25 octobre 2021), Guinée (5 septembre 2021) et Mali (18 août 2020) : le continent africain a été secoué par 8 putsch en seulement 3 ans. Le Gabon, l’un des derniers îlots de stabilité (relative) en Afrique centrale, a donc été le dernier pays à venir rallonger la liste des Etats où les militaires ont fait fi du verdict (officiel) des urnes, à l’issue de l’élection présidentielle du 26 août, pour confisquer le pouvoir. Sans verser de sang. Et avec l’assentiment apparent de la population, qui applaudit bruyamment la fin de règne de la famille Bongo, aux manettes du Gabon depuis 55 ans.

Un pays béni par dame nature, au sous-sol très enviable, qui affiche insolemment son pétrole, manganèse, gaz, fer, bois… Sauf qu’au pays le plus riche d’Afrique, qui revendique un PIB de 8.820,3 dollars par habitant, les Gabonais crèvent la dalle, souffrant de la pauvreté et de la persistance des inégalités sociales. Selon les chiffres de la Banque mondiale, près de 40% des Gabonais vivent sous le seuil de pauvreté, pour un taux de chômage de 37%, l'un des plus élevés au monde. Incontestablement, ces chiffres sont le symbole d’un déficit criard de gouvernance du clan Bongo, malgré 5 décennies à la tête du pays.

Cinq décennies durant lesquelles le pouvoir a été filialisé, le défunt Omar Bongo posant les jalons de la succession en passant le flambeau à son fils Ali Bongo. Cinq décennies de règne marquées par le scandale des «bien mal acquis» estimés à 85 millions d’euros, sur fond d’enrichissement illicite, corruption, blanchiment, abus de biens sociaux, malversations et autres détournements de fonds. Cinq décennies qui ont vu les plus nantis, ceux faisant partie d’un système méticuleusement verrouillé, fait de passe-droits, se partager les richesses du pays entre bons copains, au détriment de la collectivité. Cinq décennies qui ont vu le fossé se creuser davantage entre les plus riches et les plus démunis.

Aujourd’hui, ces prisonniers d’un pouvoir avilissant se voient, du jour au lendemain, tirés de leur zone de confort par les bruits de bottes qui ébranlent une nébuleuse vieille de plus d’un demisiècle. Et ce, à cause d’un ultime acte posé par un président aux abois, qui a essayé de se soustraire à la vérité des urnes en tripatouillant et en travestissant les votes des électeurs pour s’adjuger une victoire indue. La période de grâce est donc finie pour Ali Bongo et son clan. Hier sur un piédestal, l’ex-homme fort du Gabon est maintenant tout seul. Isolé. Son fameux «make noise», pathétique appel au secours lancé à ses «amis», fait véritablement écho à la fin d’une dynastie, d’une époque. Pour seule réponse, Ali Bongo aura eu la liesse de la rue. Cette rue qui a «fait du bruit» pour célébrer sa déchéance, nourrissant l’espoir d’un avenir meilleur et un changement radical dans la gouvernance de ce pays. Au bénéfice de toute la population. 

 

 

Par D. William

 

 

 

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