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Bernard Lugan, le grand témoin «L’Algérie se cherche»

Bernard Lugan, le grand témoin «L’Algérie se cherche»

Bernard Lugan, universitaire français, natif de Meknès, spécialiste de l’Afrique, a été l’invité le 3 octobre 2022 à Casablanca, du cycle de conférences «Le grand témoin», lancé par notre confrère Le 360, pour parler notamment du conflit ouvert entre le Maroc et l’Algérie, tout en évoquant les déséquilibres dans la région du Sahel et la situation de l’Afrique aujourd’hui, dans un jeu mondialisé de polarisation et de clivages régionaux.   
 
D’emblée, le chercheur a été clair en posant les faits : le Maroc n’est pas l’Algérie, et ce à plus d’un égard. Ce n’est ni la même histoire, ni le même héritage civilisationnel, ni la même identité ni les mêmes ramifications culturelles. Il a clairement précisé que le Maroc est un pays millénaire. Un royaume qui a vu défiler plusieurs dynasties qui ont réussi à unir une grande partie de l’Afrique du Nord, du Sahel allant jusqu’en Europe du Sud, avec une Histoire riche et diversifiée, construite à travers les siècles, d’un monarque à l’autre, avec une ligne conductrice, qui est d’abord l’unité et la volonté de pacifier toute cette région de l’Afrique.
 
Ce qui n’est pas le cas d’une Algérie, qui a payé un lourd tribut à différents types d’occupations, à travers des siècles, allant jusqu’à l’acculturation sous les Ottomans et sous la colonisation française, qui y a passé plus de 130 ans. Une durée capable d’effacer certains acquis identitaires et de favoriser plusieurs divisions et autres scissions entre régions et identités formant la mosaïque de l’État algérien aujourd’hui, entre le Nord, le Sud, la région de Tlemcen qui a eu quelques moments de gloire avec le royaume de Tlemcen, la Kabylie avec ses différentes ethnies. Ce qui est aussi le cas du Maroc avec toutes ses dimensions arabe, berbère, hassanie, juive et méditerranéenne, qui ont réussi à se fondre dans une culture commune et une identité multiple enracinée et consolidée autour de la monarchie, garante de l’unicité du pays et de sa stabilité à travers les siècles.
 
Ceci d’un côté. De l’autre, le chercheur français a bien spécifié que l’Algérie est un pays qui se cherche. Ce qui suppose que c’est un État en perdition, avec un régime en déshérence, des populations livrées à elles-mêmes, sous la coupe d’une junte militaire qui édicte les lois, impose des règles liberticides et profite de la manne du gaz et du pétrole tout en en privant le peuple algérien qui manque presque de tout. Une réalité absurde et aberrante dans un pays qui aurait pu être l’un des États les plus prospères de toute l’Afrique, avec un niveau de vie équivalent à celui d’un pays comme la Norvège. Pourtant, malgré les retombées financières en dizaines de milliards de dollars du pétrole et du gaz, les Algériens vivent dans la précarité, dans les frustrations, dans la peur, avec une jeunesse qui ne nourrit plus qu’un seul rêve, traverser la mer pour aller ailleurs.
 
C’est là l’une des raisons profondes du conflit entre le Maroc et l’Algérie. Deux choix différents de gouvernance. Deux options diamétralement opposées du développement. D’un côté, le Maroc qui avance à pas certains sur la voie du progrès, avec une grande crédibilité internationale, avec des alliés de poids, avec une grande présence en Afrique, avec une réelle vision politique Sud-Sud. De l’autre, l’Algérie, surarmée, belliqueuse, isolée, jouant une partition inaudible en solo, en attendant le pire. Ce qui pénalise toute la région du Maghreb, qui est aujourd’hui plus divisée que jamais. Ce qui favorise les déséquilibres au Sahel et fragilise toute une sous-région, censée être le porte-flambeau du progrès au Sud de la Méditerranée.

 

 

Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste

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