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Covid-19: «Le BA.2.75, un sous-variant qui a cumulé plusieurs mutations inquiétantes»

Covid-19: «Le BA.2.75, un sous-variant qui a cumulé plusieurs mutations inquiétantes»

Omicron n’en finit pas de surprendre. Après une ribambelle de sous-variants, le BA.2.75 fait son entrée. Les scientifiques attestent qu’il est plus transmissible.

Potentiel candidat à une nouvelle vague à l'automne, sa particularité réside dans son échappement immunitaire. À ce jour, aucune annonce officielle de la détection du BA.2.75 au Maroc n’a été faite.

Entretien avec Docteur Tayeb Hamdi, chercheur en politiques et systèmes de santé et président de la Fédération nationale de la santé.

 

Propos recueillis par Ibtissam Z.

 

 

Finances News Hebdo : On constate qu’Omicron est plus résistant avec une longévité assez importante. Nous sommes aujourd’hui confrontés à un nouveau sous-variant, le BA.2.75. Que sait-on de ce nouveau-né et où réside sa particularité ?

Dr Tayeb Hamdi : Effectivement, le BA.2.75 est un sous- variant d’Omicron. Il a été détecté durant le mois de mai dans plusieurs États en Inde. On le retrouve aujourd’hui dans d'autres pays en Europe, en Asie, mais aussi en Australie et en Nouvelle-Zélande. Ce que l’on sait de ce sous-variant, c’est qu’il a cumulé de nombreuses mutations importantes qui peuvent lui conférer une contagiosité plus rapide et plus forte que le précédent sousvariant BA.5. Actuellement, il n’y a pas beaucoup d’études sur le BA.2.75. Par contre, nous pensons qu’il serait plus transmissible et plus contagieux; il est fort probable qu’il prendra la place de l’actuel variant prédominant le BA5. Par exemple en Inde, on constate qu’il y a une évolution exponentielle du BA.2.75, alors qu’auparavant c’était le BA.5 qui était fortement représenté. Du coup, quand le BA.2.75 entre en compétition avec le BA.5, c’est le BA.2.75 qui l’emporte. C’est un premier signe de transmissibilité et de contagiosité.

 

F.N.H. : Ces mutations inquiètent, surtout que nous sommes en pleine période estivale. Où en est le Maroc par rapport au BA. 2.75 ?  

Dr T. H. : En effet, ce nouveau sousvariant inquiète et c’est pour cela que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le scrute à la loupe. Il s’agit d’un sousvariant qui a cumulé plusieurs mutations qui sont inquiétantes. Il est vrai qu’on ne sait pas comment ces mutations vont se comporter dans la réalité. C’est pour cela qu’actuellement, elles sont en phase d’observation. Très probablement, il va être plus transmissible et, de ce fait, plus contagieux, et il gagnera du terrain. Le BA.2.75 va certainement faire des vagues, notamment en automne. En tout cas, on n’est jamais sûr du comportement d’un nouveau variant, mais il fera certainement parler de lui et fera l’actualité durant l’hiver.

 

F.N.H. : Les vaccins actuellement disponibles sont-ils efficaces contre ces mutants, notamment le BA.2.75 ? Ce sous-variant requiert-il des mesures sanitaires exceptionnelles ?  

Dr T. H. : Jusqu’à présent, nous ne disposons pas d’étude d’efficacité spécifique aux vaccins disponibles actuellement vis-à-vis de ce BA.2.75. Mais ce que nous savons, c’est que ce sous-variant parvient à déjouer l’immunité des personnes qui sont déjà vaccinées. Le BA.2.75 peut donc infecter les vaccinés et ceux qui ont été contaminés par le SARS-CoV 2. Jusqu’à présent, ce sous-variant n’a pas montré une virulence particulière, notamment en Inde, et jusqu’à preuve du contraire, on ne s’attend pas à ce qu’il soit plus létal que les précédents variants. Il faut donc étudier et observer attentivement son évolution pour mesurer le degré de sa dangerosité. En tout cas, le problème se pose beaucoup plus chez les personnes âgées qui perdent cette immunité soit vaccinale, soit post-maladie. Pour cette catégorie bien précise, il faut rester vigilant. L’autre point à soulever concerne les personnes en bonne santé, notamment les jeunes. Nous ne savons pas comment va se comporter l’immunité de ces personnes face au BA.2.75 durant l’hiver. Faut-il généraliser les doses de rappel, ou encore y aura-t-il des vaccins mis à niveau qui seront plus efficaces contre ces nouveaux variants ? Ces interrogations s’imposent et la réponse dépendra de l’évolution de la pandémie, mais aussi de l’immunité de l’humanité dans les mois à venir. C’est pour cela qu’il faut respecter les gestes barrières, limiter les déplacements, se faire vacciner..., un rituel obligatoire pour cohabiter désormais avec la Covid-19.

 

F.N.H. : Il y a une hausse des décès ces derniers jours au Maroc. A quoi cela est-il dû et comment se présente leur profil ?  

Dr T. H. : D’une part, c’est automatique, plus on a des cas, plus on a des décès. Cette proportionnalité, elle change avec les vagues. Justement, lors des trois premières vagues, elles étaient fortes. Par exemple, quand nous avions 3.500 à 4.000 cas, on comptait des dizaines de décès chaque jour. Actuellement, au Maroc, et dans tous les pays vaccinés, la proportionnalité est faible. Même si on compte énormément de cas positifs, on a peu de cas graves et de décès, ce qui explique que nous avons développé une immunité populationnelle, obtenue grâce à la vaccination et aussi grâce à la maladie. En ce qui concerne le pic, nous l’avons atteint l’avant dernière semaine (de fin juin au 7 juillet), mais il y a toujours une différence entre le pic des infections et celui des décès, avec généralement un décalage de 2 à 3 semaines. D’où un décalage de courbe entre ces deux facteurs. De ce fait, les décès constatés ces derniers jours sont les résultats des infections de la courbe d’il y a deux semaines et plus. Il y a également une autre raison : les nouveaux variants et les vagues commencent toujours par toucher les personnes qui ne se protègent pas, qui bougent beaucoup, qui ont énormément de contacts, en premier lieu les jeunes.

Ces derniers enregistrent moins de décès, mais ils contaminent leurs familles et entourage et on aura donc des décès. Le nombre tourne autour de 5 à 6 personnes; on peut atteindre une dizaine, mais pas plus. En ce qui concerne les décès de l’actuelle vague, 84% ont plus de 60 ans, soit 9 cas sur 10, et la moyenne d’âge des décès se situe à 68 ans. Sur 20 décès, 19 personnes ont au moins une maladie chronique; cela représente 95%. Par rapport à l’état vaccinal, 86% des décès, soit 9 cas sur 10, sont soit non vaccinés, soit incomplètement vaccinés. La moitié, soit 42%, n’a reçu aucune dose. 34% sont incomplètement vaccinés en ne recevant qu’une seule ou deux doses au maximum malgré leur âge, leurs maladies chroniques et avaient contracté la Covid mortelle une année après leur dose. On note malheureusement que 10 personnes décédées étaient triplement vaccinées : il s’agit du 3ème profil de décès. Ils avaient plus de 62 ans et souffraient de maladies chroniques et leur dose booster a été reçue il y a plus de 6 mois.

 

F.N.H. : Selon les récentes études, les anticorps monoclonaux seraient inefficaces contre les sous-variants d’Omicron. Comment peut-on expliquer cette nouvelle donne ?  

Dr T. H. : De nombreuses études ont convergé vers le fait que plusieurs anticorps monoclonaux qui étaient auparavant efficaces contre le Sars Cov2 le sont de moins en moins aujourd’hui face aux sous-variants d’Omicron. Ces derniers ont acquis un échappement immunitaire qui leur permet de ne plus être reconnu et détruit par les anticorps monoclonaux qui étaient mis au point avec la souche classique. Il faut savoir que ces anticorps monoclonaux coûtent très chers; ils sont produits en petites quantités et sont surtout utilisés dans les pays aisés. Ces anticorps sont donc administrés aux personnes dites vulnérables et à risque, notamment les personnes âgées. Leur administration permet d’éviter les cas graves et les décès. Or, à l’heure actuelle, ces anticorps monoclonaux ne sont plus efficaces comme avant. Certes, il existe des anticorps qui sont toujours efficaces, et d’autre pas du tout. C’est pour cela que les recherches ont repris pour pousser davantage l’exploration de cette méthode. Il va falloir ressusciter cette efficacité des anticorps monoclonaux contre ces nouveaux variants d’Omicron. 

 

 

 

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