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Accès aux soins: Des inégalités persistantes

Accès aux soins: Des inégalités persistantes

L’OMS a récemment publié le Répertoire de données sur les inégalités en santé. Il en ressort que de nombreux écarts en termes d’accès aux soins persistent encore dans plusieurs pays.

Au Maroc, le rural et l’urbain ne sont pas égaux face aux problèmes de santé. En effet, le taux brut de mortalité y est respectivement de 6,4 et de 4,3 pour mille habitants.

 

Par M. Boukhari

Partout dans le monde, garantir un accès équitable aux services de santé à tous les citoyens est un pari difficile, mais nécessaire à relever. Le Répertoire de données sur les inégalités en santé publié en avril dernier par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) vient confirmer ce constat. Il en ressort que des écarts «injustes et importants» en matière d’accès aux soins sont toujours très présents dans bon nombre de pays à travers le globe.

En outre, en presque dix ans, l’écart entre riches et pauvres a diminué de moitié, notamment pour ce qui est de la couverture des services de santé chez les femmes, les nouveau-nés et les enfants dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.

Le Maroc n’est pas en reste, puisque les disparités en santé ont toujours la peau dure, et ce malgré de nombreuses réformes entamées ces dernières années. Selon les derniers chiffres du ministère de la Santé et de la Protection sociale, les milieux ruraux et urbains ne sont pas égaux face aux problèmes de santé. En effet, le taux brut de mortalité est de 6,4 pour mille habitants au rural et de 4,3 en urbain. Le taux de mortalité infanto-juvénile est de 26 pour mille habitants au rural comparé à une valeur de 18,8 en urbain.

 

Des disparités «flagrantes»

«Les citoyens ne bénéficient pas de la même façon des services de santé, puisque les indicateurs de santé diffèrent selon le milieu de résidence, la région, l’urbain et le rural, le niveau de vie, le revenu, le niveau d’éducation, etc. Des fois, malgré les améliorations apportées auxdits services, les inégalités en matière d’accès aux soins continuent de persister. De fait, on ne peut agir efficacement sur les inégalités sans agir en premier lieu sur les déterminants sociaux de la santé. Par ailleurs, on assiste à des disparités flagrantes dans tout ce qui concerne entre autres la mortalité infantile, la santé reproductive et les maladies chroniques», affirme Dr Tayeb Hamdi, médecin chercheur en politiques et systèmes de santé. Et de poursuivre : «Il est important de noter que les ménages marocains participent aux dépenses de santé à hauteur de 60%, dont 45% sont une participation directe et 15% à travers les cotisations d’assurance maladie».

Pour sa part, Dr. Maryam Bigdeli, représentante de l’OMS au Maroc, considère que la crise covid est venue aggraver les déterminants de la santé, avec des inégalités sociales, mesurées par l’indice de Gini, montrant une hausse de près de deux points de pourcentage, passant de 38,5% à 40,3% au niveau national, de 37,2% à 39,1% en milieu urbain et de 30,2% à 31,9% en milieu rural (HCP).

«Nous suivons avec attention la question des inégalités en santé qui est un souci transversal à toutes nos actions conjointes avec le gouvernement marocain. Le Maroc a parcouru un chemin notable dans le suivi des inégalités, et ce à travers de nombreux observatoires nationaux et institutions qui produisent des données et des analyses d’une richesse incontestable. Nous constatons que le Maroc est suffisamment outillé au niveau de la production de l’évidence sur les inégalités», souligne la représente de l’OMS au Maroc Néanmoins, elle estime que nombre de paramètres continuent à creuser le fossé de ces inégalités en santé (structure géographique, environnement, économique...etc.).

 

Généralisation de l’AMO : Premier pas en avant

Les données d’une étude marocaine sur les inégalités en santé démontrent que selon le niveau de vie, les personnes aisées ont non seulement une espérance de vie supérieure à celle des personnes moins aisées, mais de plus, elles perdent moins d’années de mauvaise santé (11 ans) par rapport aux personnes moins aisées (12.6 ans) et les personnes appartenant au quintile moyen (13,5 ans). Sur le plan régional, en plus d’une espérance de vie à la naissance supérieure à la moyenne nationale (76,9 ans), les populations des régions de Rabat-Salé-Kénitra (79,7 ans) et de Casablanca-Settat (78,2 ans) passent un nombre d’années en mauvaise santé (11,4 et 11,5 ans) inférieur à la moyenne nationale (12 ans). En revanche, pour les régions de Souss-Massa et Tanger-Tétouan-Al Hoceima, les années perdues en mauvaise santé frôlent les 13 ans.

«Ces inégalités ne peuvent être abordées de manière efficace que sous un cadre plus général du développement durable. Le cadre des ODD offre une démarche holistique, intégrée et complémentaire pour réduire les inégalités en intégrant la santé dans son environnement social et économique. Le choix qu’a fait le Maroc d’utiliser le développement durable comme cadre d’action de son modèle de développement fournit une vision partagée et un cadre d’action mobilisateur. Notre lecture est que le Maroc est sur une bonne voie vers la réduction des inégalités, avec une forte volonté politique qui est le garant de son impact», explique Dr Bigdeli. Le Maroc a, d’après elle, parcouru un chemin notable dans la voie vers la réduction des inégalités et le débat sur la question est encore plus important aujourd’hui.

«La restructuration du système de santé à travers la refonte sans précédent lancée par Sa Majesté pour généraliser la couverture médicale est une opportunité pour réorienter ses composantes vers une réduction des inégalités. Nous avons aussi suivi le débat qui a accompagné le nouveau modèle de développement qui a mis ce phénomène au centre de ces propositions. La généralisation de l’assurance maladie dans un cadre intégré de protection sociale est un premier pas vers la réduction des inégalités en permettant à ceux qui ont des particularités d’être traités de manière prioritaire», renchérit Maryam Bigdeli. En vue d’assurer un suivi systématique des inégalités en santé, l’OMS recommande de rendre publiques les données ventilées, à en élargir la collecte et à accroître les capacités d’analyse et d’information.

Dans le même ordre d’idées, Dr Bigdeli assure que la création des organes comme les GST (Groupements de territoires sanitaires) et la Haute autorité de santé vont permettre un monitoring des inégalités, et donc réorienter les ressources régionales vers les problèmes de santé spécifiques au contexte local.

«Par ailleurs, la concrétisation de cette action ne peut se faire sans le développement d’une action multisectorielle pour traduire ce chantier sur le terrain. Pour cela, il faut intégrer la santé dans toute action au niveau régional et aller au-delà de la question des soins pour toucher également des thèmes comme la sécurité alimentaire, les modes de vie et l’environnement. Cette politique régionale de santé intégrée devrait normalement être la mission des futurs GST. Il faut également continuer à renforcer la production des données sur les indicateurs des inégalités pour éclairer les décideurs à différents niveaux. Enfin, il est important d’expliciter un cadre de redevabilité sur la réduction des inégalités qui guidera l’action régionale en santé», conclut-elle. 

 

 

 

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