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Chronique. Des espérances

Chronique. Des espérances

Face au monde tel qu’il se joue devant nous aujourd’hui, face à toutes ces structures du vide qui prennent place un peu partout dans un monde de plus en plus clivé, de plus en plus conflictuel et en proie au spectre d’un chaos annoncé, entre guerres, récession économique, pandémie à plusieurs variants, famine, réchauffement climatique, exils forcés et autres variations sur le thème des injustices humaines, comment pouvons-nous allier absurde et espoir sans perdre pied ni se fourvoyer ? 

Comment accepter cette nausée et ce vertige que sont la vie et l’existence tout en ouvrant grands les portails du rêve et de la création dans ce même monde régi par le non-sens, qui en est devenu l’essence et le terreau ? Ce même terreau qui peut donner corps à des affleurements de beauté et de grandeur face à ce qui nous écrase de tout son poids, cet inconnu drapé d’aberration qui nous oblige à la fois de nous résigner quand la force vitale nous manque et de nous dépasser parce que nous avons en nous cette étincelle qui refuse de s’éteindre ? 

«L’absurde n’a de sens que dans la mesure où l’on n’y consent pas», disait  Albert Camus, qui montre ici de manière limpide le fond même de cette équation à zéro inconnue, puisque l’on touche ici du doigt le fondement même de cette dualité entre absurde et espoir :  le refus, la faculté de dire non, la force de résister, ce qui est l’apanage de ce Sisyphe, condamné à rouler son roc vers un sommet qui se dérobe en continu, face à une masse menaçante qui dévale la pente et qui risque dans chaque chute d’écraser et d’écrabouiller ce gladiateur de l’espérance, qui finit par comprendre que sa destinée n’est pas une punition, mais un jeu ludique, un pied-de-nez fait au destin même, et qui entame sa ronde ironique avec cette immense pierre qu’il pousse vers les hauteurs, à la force du jarret, avec la certitude de la joie du joueur qui s’amuse de ce que les dieux pensaient être son châtiment. 

C’est cela l’absurde. C’est cela la marque de l’espoir. C’est cela la rédemption par le jeu. C’est cela faire de sa vie son œuvre la plus intime. «L’oeuvre absurde illustre le renoncement de la pensée à ses prestiges et sa résignation à n’être que l’intelligence qui met en œuvre les apparences et couvre d’images ce qui n’a pas de raison. Si le monde était clair, l’art ne serait pas», écrivait ce même Albert Camus, pour qui l’unique réaction face à la chute de qui nous sommes est de se révolter sur nous-mêmes, quoi qu’il en coûte. Mais, en sommes-nous capables ? Là est toute la question !

 

 

Abdelhak Najib 

Écrivain-journaliste 

 

 

 

 

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