Malgré les tentatives de médiation, les revendications des étudiants en médecine n’ont toujours pas trouvé d’échos favorables. Alors que le pays vise à renforcer son secteur médical pour faire face aux défis de demain, l'impasse actuelle menace la pérennité de l’ensemble du système.
Par M. Ait Ouaanna
305 jours après le début de leur mouvement de contestation, les futures blouses blanches continuent de déserter les amphis des Facultés de médecine du Royaume.
En dépit des multiples tentatives, les étudiants en médecine n’ont toujours pas réussi à faire valoir leurs revendications. Quelques jours après avoir refusé, à une majorité écrasante, la dernière offre ministérielle, la jugeant insuffisante et à mille lieues de leurs attentes, les grévistes se sont retournés vers le Médiateur du Royaume pour solliciter une prolongation de la médiation et davantage de clarté sur plusieurs points de discussion.
Dans une lettre adressée à l’institution dirigée par Mohamed Benalilou, la Commission nationale des étudiants en médecine, médecine dentaire et pharmacie a notamment pointé du doigt l’absence de clarté sur certains axes essentiels du dossier de réforme et le manque de participation active du ministère de la Santé, pourtant directement impliqué dans les questions de formation.
Par le biais de cette correspondance, les étudiants exigent une réunion technique avec les responsables pédagogiques du ministère de l’Enseignement supérieur pour clarifier les propositions, tout en insistant sur la participation du ministère de la Santé aux négociations.
Les futurs médecins revendiquent en outre la préservation des acquis convenus lors des précédents pourparlers, en plus de la prolongation du délai de médiation «pour aboutir à une solution durable et éviter de nouvelles perturbations».
Pour rappel, le 30 septembre dernier, le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l'Innovation avait publié un communiqué détaillant une série de mesures visant à mettre fin à cette crise.
La tutelle a tout d’abord annoncé que les notes obtenues lors des récentes sessions de rattrapage seront valorisées de la même manière que celles des examens annuels.
Ainsi, les étudiants ayant obtenu une note nulle pourront compenser cette dernière avec les nouvelles évaluations.
Le ministère a également promis d'engager un dialogue avec les étudiants pour discuter de la réorganisation des études médicales, soulignant que des consultations auront lieu dans les facultés, avec la participation des représentants des étudiants, afin de mieux prendre en compte leurs propositions.
La tutelle a également indiqué que des initiatives seront mises en place pour renforcer les compétences des étudiants afin de mieux les préparer aux exigences du marché du travail.
De surcroît, le département Miraoui a annoncé l’instauration d’un système de communication pour recueillir les doléances et besoins des étudiants, en vue de prévenir de nouvelles tensions. Mais visiblement, ces dernières mesures annoncées par le ministère restent insuffisantes aux yeux des étudiants, qui poursuivent leur mouvement.
«Ces mesures restent incomplètes face à l’ampleur de nos revendications. Nous espérons que notre mouvement puisse aboutir à des solutions pérennes, non seulement pour nous, futurs médecins, mais aussi pour le système de santé marocain tout entier.
Aujourd’hui, il est urgent de sortir de l’impasse et de garantir des conditions optimales de formation et d’insertion professionnelle. La santé publique ne peut se permettre de perdre encore du temps.
Chaque jour de retard fragilise davantage un système déjà sous pression. Nous appelons donc à un renforcement du dialogue entre toutes les parties prenantes, et à une véritable prise en compte des revendications légitimes que nous portons depuis plus de 10 mois.
Nous restons ouverts au dialogue et déterminés à défendre notre droit à une formation de qualité, pour le bien de tous», s’insurge Lamia, étudiante à la Faculté de médecine et de pharmacie de Fès.
La prolongation de cette crise accentue une situation d’ores et déjà critique, puisque le pays souffre d’un manque aigu de médecins.
En 2023, la Cour des comptes estimait que le Maroc avait besoin de 47.000 médecins supplémentaires, un déficit qui pourrait atteindre 53.000 d’ici 2035 si aucune mesure concrète n’est prise.
Le manque de personnel médical affecte directement la qualité des soins, en particulier dans les zones rurales, où l’accès aux services de santé est déjà très limité.
La situation devient d'autant plus critique avec le risque de voir des générations de futurs médecins retardées dans leur formation, ou pire, désengagées du secteur.