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Hommage : Hay Mohammadi, des visages et des lieux

Hommage : Hay Mohammadi, des visages et des lieux

L'écrivain et chercheur Hassan Narrais vient de publier un ouvrage très actuel sur la mémoire d'un quartier aussi mythique que Hay Mohammadi. Voyage à travers des visages dans des lieux inoubliables. 

 

Abdelhak Najib

 

Ne peut rendre avec justesse et émotion la mémoire collective d’un lieu aussi mythique que Hay Mohammadi qu’un fils du quartier. Un homme qui y a vécu, qui y vit toujours, qui connaît ses ruelles, ses recoins, ses adresses méconnues, ses visages d’hier et d’aujourd’hui, ses histoires connues et inconnues, ses méandres, ses blessures, ses points d’ancrage, son cœur palpitant, sa mémoire transcendante. C’est partant de ce postulat incontournable que l’ouvrage signé par le grand écrivain et chercheur, Hassan Narrais, s’inscrit dans cette tradition des témoignages littéraires qui célèbrent le temps et l’espace, à travers quelques figures humaines, à partir de quelques endroits fondateurs d’une culture et d’une mémoire. «Hay Mohammadi, des visages et des lieux» est un retour sur des pans entiers de l’histoire récente d’un quartier qui a tant donné au Maroc et aux Marocains. Et ce, dans tous les domaines de la vie : scientifiques, chercheurs, professeurs, politiciens, sociologues, anthropologues, philosophes, romanciers, poètes, musiciens, acteurs, actrices, réalisateurs, réalisatrices, sportifs de classe mondiale, et des résistants dont l’héritage marque encore aujourd’hui certaines valeurs dans cette parcelle des territoires de Dieu.  

Tant de noms, tant de présences dans tant de lieux qui sont aujourd’hui un témoignage en pierre d’un passé glorieux, à un moment où une certaine âme de Hay Mohammadi est en train de s’étioler dans une sorte de catalogue urbain, qui nivelle par le bas. C’est pour cette raison que le livre de Hassan Narrais revêt une importance capitale pour la culture marocaine, dans ce sens qu’il s’érige contre l’oubli et contre la médiocrité ambiante qui met tout dans le même panier, sans lire ni relire l’histoire de ce pays, de cette ville, avec ses nombreux derbs qui ont écrit son Histoire, pour les générations futures. Certes, il faut des tomes nombreux pour revenir sur la richesse et la variété humaine d’un tel espace de création et de vie, tel que Lhay. Un simple retour sur l’histoire nous montre tout l’éventail d’un héritage culturel immense, avec des voix qui résonnent encore dans nos mémoires, des créateurs, des artistes, des pionniers, des précurseurs, des passeurs de relais et des porteurs d’eau, qui ont bâti, pierre par pierre, la structure solide d’un monument du patrimoine national. «Ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la même langue, ou d’appartenir à un groupe ethnographique commun, c’est d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir», disait Ernest Renan. 

Et Lhay a donné corps à tant de belles et grandes réalisations pour cette nation. Il a érigé en symbole le mot résistance et résilience. Il a mis sur pied des codes d’honneur et des valeurs qui nous ont été transmis par nos parents, par nos aïeux, par tous ceux qui ont participé à échafauder ce mythe qui vit au-delà du temps, par-delà les changements et les mutations. Hassan Narrais a su rendre avec beauté et passion son amour pour son quartier, pour notre quartier, qui est une source de fierté pour tant d’entre nous qui ont écrit, qui ont filmé, qui ont porté aux nues ces silhouettes qui l’ont peuplé et ses rêves d’espoir qui l’ont nourri. Et même si notre monde ultra-mécanisé, standardisé, est devenu trop triste, trop pauvre, et ne propose rien d’autre que du normatif et de l’abrutissement pour mourir sans douleur. Notre époque pense petit et bête, ne pense même plus, et nous enferme dans sa nullité, comme le dit à juste titre, Boualem Sansal, il faut dire qu’une part de Lhay résiste encore, comme la voix de Hassan Narrais, qui a pris  sur lui de nous rappeler d’où nous venons et qui nous sommes. Parce qu’un homme qui nie ses racines n’a aucun avenir. Dans une large mesure, Hassan Narrais fait comme ce magique Miguel De Cervantes qui dit ceci : «Je rends hommage à ceux qui parlent au vent, les fous d’amour, les visionnaires, à ceux qui donnent vie à un rêve. Aux rejetés, aux exclus. Aux hommes de cœur, à ceux qui persistent à croire aux sentiments purs». C’est cela l’essence de Hay Mohammadi. Une parcelle de terre pure qui a donné tant de beauté, dans un monde de plus en plus sombre.

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