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«La transplantation d’organes est avant tout un projet de société»

«La transplantation d’organes est avant tout  un projet de société»

Au Maroc, plus de 33.000 patients sont traités par hémodialyse.

Avec la pandémie Covid-19, la mortalité rapportée chez les patients dialysés est particulièrement élevée.

Entretien avec le Pr Intissar Hadiya, médecin-néphrologue et écrivaine. La native de Rabat nous parle des maladies rénales au Maroc et de sa passion pour l’écriture.

 

Propos recueillis par Ibtissam. Z.

 

Finances News Hebdo : Le 11 mars est la Journée mondiale du rein. Cette journée vise  à sensibiliser la population sur ces maladies rénales fréquentes, silencieuses et qui s’avèrent mortelles. Qu’en est-il au Maroc et dans la région de l’Oriental, puisque vous exercez dans la ville d’Oujda ?

Pr Intissar Haddiya : Partout dans le monde, le nombre des sujets atteints de maladies rénales chroniques est en constante augmentation. C’est pour cela que chaque année la Journée mondiale du rein est l’occasion de mettre la lumière sur cet organe et sensibiliser sur le fardeau des maladies rénales. En effet, nos reins assurent une fonction vitale et peuvent être endommagés silencieusement. Les patients ne présentent généralement pas de symptômes, jusqu'à ce que la maladie rénale atteigne un stade avancé. Dans la région de l’Oriental, plus de mille patients sont actuellement traités par hémodialyse chronique. Toutefois, la communauté néphrologique et la société civile sont engagées activement dans l’effort de sensibilisation et de soutien aux insuffisants rénaux. D’ailleurs, à juste titre, c’est l’une des régions du Maroc où il n’existe pas de liste d’attente pour la dialyse. .

 

F.N.H. : La greffe rénale est le traitement qui présente les meilleurs résultats d’espérance de vie pour les patients souffrant de cette pathologie. Faut-il impérativement développer les greffes de rein, même si elles restent encore au stade embryonnaire ?

Pr I.H. : Bien sûr, la transplantation rénale est le traitement idéal de l’insuffisance rénale chronique terminale, et ne peut être envisagée sans le don de reins. Pour ce faire, il est impératif d’informer les citoyens sur l’intérêt de cette méthode thérapeutique. Au Maroc, je ne dirai pas que la transplantation rénale est au stade embryonnaire, car beaucoup de chemin a été parcouru ces dernières années pour promouvoir cette cause. Le cadre juridique est bien établi et une grande volonté anime les équipes de néphrologie universitaire à travers le pays pour augmenter le nombre de greffes. Ceci dit, le frein majeur pour les patients démunis demeure le coût des traitements immunosuppresseurs anti-rejet, qui doivent être poursuivis à vie chez les patients transplantés, et qui ne sont pas pris en charge par le régime Ramed. La couverture sanitaire universelle permettrait certainement de braver cet obstacle. Aussi, la sensibilisation devrait être plus large et plus régulière pour encourager le don intrafamilial et aussi après le décès (cas des donneurs en mort encéphalique). Car, la transplantation d’organes est, avant tout, un projet de société construit autour des valeurs de générosité et de solidarité pour sauver des vies.

 

F.N.H. : La maladie rénale chronique est la 11ème cause de décès dans le monde. Elle toucherait plus de 3 millions de Marocains, avec tout ce que cela comporte comme souffrance au quotidien et coût excessif des séances d’hémodialyse. En cette période de la Covid-19, quel constat faites-vous ?

Pr I.H. : Au Maroc, pus de 33.000 patients sont traités par hémodialyse, et ce chiffre augmente quotidiennement, et représente un véritable défi pour notre système de santé. Avec l’avènement de la pandémie Covid-19, la mortalité rapportée chez les patients dialysés est particulièrement élevée, et résulte principalement de la haute prévalence des comorbidités, qui sont associées à un mauvais pronostic au cours de la maladie rénale, telles que les complications cardiovasculaires et le diabète. Il est à noter que les patients recevant une hémodialyse en centre se présentent généralement dans un établissement de soins ambulatoires deux à trois fois par semaine pour bénéficier d’une dialyse.

Cela limite leur capacité à observer l'isolement physique requis pour le contrôle de l’infection Covid-19. La société marocaine de néphrologie avait diffusé des recommandations à l’intention des néphrologues et du personnel soignant pour la prise en charge des patients en dialyse. Celles-ci avaient concerné l’organisation des soins dans les unités de dialyse en respectant les règles de distanciation entre les patients, à la fois pendant les séances de dialyse et dans les zones d'attente, l’application des mesures barrières et les équipements de protection personnelle ainsi que les conditions de transport des patients. Grâce à ces recommandations, la prise en charge des patients dialysés au cours de la pandémie était particulièrement bien maîtrisée dans notre pays.

 

F.N.H. : S’il n’y avait pas Intissar Haddiya, femme médecin, il n’y aurait certainement pas la femme écrivaine que vous êtes aujourd’hui. Votre métier, par la force des choses, est celui de la communication et du partage. Parlez-nous de cette corrélation néphrologue-auteure ?

Pr I.H. : J’écris depuis très longtemps, avant même d’avoir entamé des études de médecine. C’est une passion qui m’a accompagnée depuis longtemps. Mon écriture a certes beaucoup gagné en inspiration et en maturité du fait de mon exercice de médecin hospitalier. Vous savez, l’art de soigner, de soulager la douleur, être le réceptacle de la vulnérabilité humaine dans ses diverses composantes, confère à la longue un regard plus intense sur la vie et nombre d’interrogations surtout. J’estime qu’être médecin y est certes pour quelque chose dans la manière dont je traite, actuellement, les thématiques que j’aborde. Construire des personnages et tramer des intrigues requièrent un sens de l’observation et de l’analyse.  On en trouve bien entendu dans les métiers de la santé, mais pas que… Un très grand nombre d’auteurs font une excellente analyse de la société dans leurs écrits sans pour autant être médecin. Toutefois, l’histoire retient un certain nombre de médecins écrivains de renom. Qui n’a pas été marqué par Louis-Ferdinand Céline et son célébrissime «Voyage au bout de la nuit» ?  Sir Arthur Conan Doyle ? L’Américain Robin Cook et bien d’autres…

 

F.N.H. : Vous avez toujours eu un penchant aiguisé pour l’écriture. Votre soif pour la littérature a donné naissance à deux romans salués par la critique, «Si Dieu nous prête vie» et «l’inconnue». Vous avez même raflé le 1er prix spécial francophonie pour votre poème «Étincelles de vie». Que vous apporte l’écriture ?

Pr I.H. : L’écriture est un fabuleux exercice de liberté, nourri de la sensibilité de l’auteur, de ses convictions et de ses expériences. En vers ou en prose, la littérature est un espace où tout est permis ou presque. On peut y donner libre cours à sa créativité, ses ressentis et se permettre, bien entendu, de véhiculer ses idées. Souvent, dans mes romans, il m’arrive d’être transportée par les personnages que j’ai créés et auxquels je m’attache longtemps, même après avoir achevé le manuscrit. Il m’arrive de réfléchir à certaines scènes de mes romans et imaginer d’autres dénouements possibles. Croyez-moi, ça forge l’imagination et élargit bien des horizons…
 

 

F.N.H. : D’où puisez-vous cette inspiration ? Vous êtes en passe de terminer un 3ème roman, parlez-nous de cet ouvrage ?

Pr I.H. : Je donne libre cours à ma plume et à mon imagination. Je raconte des évènements, des scènes de vie, inspirés de la société marocaine, si riche en contrastes, unique et plurielle dans le même temps. Le Maroc ,dans ses composantes les plus inattendues, ses dimensions les plus intrigantes, drôles ou douloureuses, est une source intarissable d’inspiration. Mes écrits, c’est aussi une manière d’inviter à réfléchir sur certains sujets relatifs à notre marocanité commune, telles la place de la femme dans la famille, la société, les injustices, les inégalités et les pressions que subissent les moins nanties, ces petites gens souvent méconnues des architectes des lois et qui n’ont ni le privilège ni la capacité de porter leur voix. Concernant mon dernier roman, surprise ! Intitulé «Trahison pieuse», il sort prochainement. Sous cet oxymore étrange, il y a une histoire poignante où se conjuguent trahison et pathologie psychiatrique sous d’effrayants dehors de bonté et de douceurs. Mes lecteurs pourront le découvrir très bientôt. 

 

 

 

 

 

 

 

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