Dans cet entretien, Me Omar Mahmoud Bendjelloun, membre du conseil de l’Ordre des avocats de Rabat, de l'ABAM, professeur universitaire et acteur politique, revient sur les bases fondatrices d’un équilibre familial où les droits de tout un chacun sont garantis, et ce dans le cadre de la réforme de la Moudawana.
Propos recueillis par M. Boukhari
LaQuotidienne: Mardi 26 septembre 2023, le Roi Mohammed VI a ordonné la réforme de la Moudawana. De larges consultations se sont tenues entre l’Instance chargée de mener cette grande réforme et la société civile. Comment évaluez-vous la situation des femmes au Maroc, notamment en termes de droits et de libertés ?
Omar Mahmoud Bendjelloun : J'estime que le registre de la famille n'est pas le seul annonciateur de la situation de la femme au Maroc. En plus des relations familiales où les femmes sont sujettes à la protection, les milieux professionnels peuvent également être très hostiles ou marqués par la ségrégation, notamment dans les usines, les universités, les écoles, les espaces publics et l'accès aux services publics, plaçant ainsi les femmes dans une position de victime face à diverses formes de chantage. Vous pensez qu'une ouvrière dans sa relation avec son employeur n'est pas dans une situation plus dramatique encore que celle d'une épouse maltraitée ? Cela interpelle des millions de rapports sociaux au Maroc qu'il faudra traiter dans leur transversalité et non pas par l'unique fenêtre de la famille.
LaQuotidienne : Selon vous, quels sont les grands changements que devrait apporter la nouvelle Moudawana ?
O. M. B. : Il faudra équilibrer entre les droits des acteurs de la famille en mettant en objectif principal l'intérêt suprême des enfants et leur éducation. Les questions de mariage, de divorce, d'héritage, d'adoption, d'état civil doivent être simplifiées et en mesure de rendre justice aux deux parents, une justice qui répond d'abord aux objectifs des enfants. Il ne faudra surtout pas opposer l'homme à la femme et vice-versa, ou que les droits de la femme soient aux dépens de ceux des hommes dans leurs statuts respectifs de détenteur de l'autorité parentale ou d'epoux, mais complementaires. Et ce, en vue d'une éducation et un épanouissement sain des enfants, loin des traumatismes que peuvent sécréter un mauvais mariage, un mauvais divorce, une mauvaise répartition des héritages ou de mauvais traitements judiciaires ou administratifs relatifs à la filiation et apparentés.
LaQuotidienne : Vendredi 28 juin 2024, le Roi Mohammed VI a donné ses directives au Conseil supérieur des Ouléma pour lui soumettre une fatwa au sujet de quelques questions contenues dans les propositions de l’Instance chargée de la révision du Code de la famille. A votre avis, comment les recommandations des oulémas pourraient-elles influencer les dispositions finales du projet de réforme ?
O. M. B. : Sa Majesté connaît la richesse de notre pays en matière de diversité des sources de légitimité politique, culturelle, religieuse, institutionnelle, doctrinale, qui permettent un débat public cimenté par les différentes sources qui l'animent, en vue d'adopter des décisions ou des lois qui s'inscrivent dans le temps et la résolution de la demande sociétale. À mon avis, cela s'inscrit dans la théorie de l'équilibre en matière de droit familial, visant à promouvoir l'idéal d'une famille marocaine centrée sur l'éducation des enfants et la construction de générations vertueuses au service de la patrie. Cette approche retrouve ses principes fondamentaux de solidarité, de justice sociale, de cohabitation et d'entente cordiale.