Le projet de loi 22.20 sur l'usage des réseaux sociaux, dont l'objectif est de combattre les Fake news, a fuité sur les réseaux sociaux lundi soir, provoquant de vives polémiques qui ont nécessité des réactions des officiels, jusque tard dans la nuit, pour apaiser les débats.
Les quelques extraits dévoilés portent sur des articles du projet de loi 22.20 dont le but est de contenir les appels au boycott de produits, avec des peines allant de 6 mois à 3 ans de prison, en plus d'amendes pécuniaires. Le même traitement est réservé aux incitations à retirer de l'argent en masse des établissements bancaires.
Approuvé en Conseil de gouvernement le 19 mars dernier, ce projet de loi veut également réguler les créateurs de contenus sur les réseaux sociaux. Les propriétaires de pages sur Facebook notamment.
Le gouvernement veut commencer à leur délivrer des autorisations et les leur retirer. En cas de Fake news provoquant un préjudice, la Justice peut demander le retrait immédiat du contenu.
Le secrétariat général du gouvernement (SGG), dont le rôle est d'instruire les textes législatif et réglementaires, a formulé plusieurs réserves par rapport au contenu de ce texte.
Dans une réponse au ministère de la Justice, l'initiateur de ce projet de loi, le SGG se réfère à la Constitution du Royaume et à la Déclaration universelle des droits de l'homme pour introduire un ensemble de remarques à ce projet de loi.
Taper trop vitre, trop fort : Le SGG dit non
Il y a tout d'abord le contexte que nous traversons et qui est marqué par une forte mobilisation des citoyens pour combattre les fausses informations.
Faire voter une telle loi actuellement serait en opposition avec cette dynamique positive et volontaire. Le timing n'est donc pas opportun.
Deuxièmement, ce projet de loi crée un problème d'équité entre journalistes et non journalistes.
Pour le même délit, un journaliste, qui sera jugé à travers le Code de la presse, subira des conséquences moins importantes qu'un non journaliste.
Le SGG relève également plusieurs flous juridiques dans l'application de la loi : Quel organe gouvernemental va être en charge de l'application de cette loi et du suivi des réseaux sociaux ?
Quelle garantie avoir de la coopération des différentes plateformes des réseaux sociaux qui ne sont pas présentes physiquement au Maroc et sur lesquelles le gouvernement n'a pas de souveraineté ?
Est-il techniquement possible de vérifier tout ce qui est posté sur les réseaux sociaux ?
Faut-il considérer les sites web contenant des contenus éditoriaux comme des entreprises de presse électronique ?
D'autres remarques, et elles sont nombreuses, concernent le caractère express et immédiat de certaines décisions avant même l'émission d'un jugement, comme le retrait d'une publication où l'arrêt de l'activité d'une page de contenu si elle est susceptible de nuire à quelqu'un ou à une organisation.
A la lecture de ces remarques, le sentiment est général est que le gouvernement doit lever le pied sur une loi qu'on peut qualifier, sans trop prendre de risques, de liberticide.