Alors que le monde s’apprêtait à remettre la cause palestinienne sur la table lors d’un sommet diplomatique inédit à New York, une guerre éclate entre Israël et l’Iran. En quarante-huit heures, la tragédie de Gaza est éclipsée et la solution à deux Etats reléguée aux calendes grecques.
Commençons par le commencement. Vendredi matin, Israël lance une opération d’une ampleur inédite contre des infrastructures militaires et nucléaires iraniennes. Nom de code : «Lion dressé».
C’est une opération chirurgicale. Du moins, c’est ce que dit Tsahal. A l’issue des frappes, on compte parmi les 128 victimes les plus hauts gradés de l’armée iranienne et plusieurs scientifiques nucléaires, en plus de la destruction d’infrastructures sensibles.
L’Iran réplique presque aussitôt, en lançant des missiles vers Israël, notamment sur Tel-Aviv, Bat Yam et Tamra. Au total, treize morts côté israélien et plus de 200 blessés.
Face à deux ennemis jurés qui s’attaquent à coups de missiles balistiques, la communauté internationale appelle logiquement à la retenue. Sans succès pour le moment. Donald Trump, qui dit vouloir la paix dans le monde, mais qui trouve toujours les guerres «excellentes» quand elles viennent d’Israël, a d’abord tenté de freiner son allié. En vain. Il s’est donc résolu à aider à abattre les missiles iraniens tout en jurant que l’Amérique n’a «rien à voir là-dedans».
De son côté, la France appelle à la négociation, mais défend «le droit d’Israël à se protéger». Cette «marche vers l'arme nucléaire par l'Iran menace la région, l'Europe et plus généralement la stabilité collective : nous ne pouvons pas vivre dans un monde où l'Iran posséderait la bombe atomique, car c'est une menace existentielle», a martelé le président français Emmanuel Macron. Lequel, jusqu’à présent, critiquait virulemment Israël et ses bombardements meurtriers à Gaza, tout en affirmant sa volonté de reconnaitre l’Etat palestinien.
Pour leur part, la Russie condamne, la Chine s’inquiète, l’Union européenne s’alarme et les pays du Golfe sont partagés. Même le pape Léon XIV s’en est mêlé, en appelant à «la responsabilité et à la raison».
La Palestine éclipsée
Pourtant, juin était censé être un mois particulier, avec un sommet international prévu à New York. Cette conférence, c’était le fruit d’un rare alignement diplomatique. Elle devait relancer une dynamique moribonde, mettre l’Etat palestinien en orbite et donner une légitimité internationale à une solution à deux Etats qui s’épuise de ne jamais exister. La diplomatie mondiale allait enfin rouvrir ce dossier du Proche-Orient.
On allait, au moins, faire semblant d’y croire. Et puis, patatras ! Au moment où l’Iran et les Etats-Unis s’apprêtaient à reprendre un cycle de négociations sur le nucléaire, tout est parti en fumée.
En 48 heures, une guerre ouverte entre Israël et l’Iran a éclaté, affolant les Bourses, court-circuitant tous les agendas diplomatiques et éclipsant le reste du monde. Gaza ? Oubliée. La Palestine ? Renvoyée aux calendes grecques.
En réalité, ce qui se joue en ce mois de juin 2025, c’est un basculement. La cause palestinienne, longtemps brandie, souvent instrumentalisée et parfois sincèrement défendue, s’est fait voler la vedette par un conflit plus «géopolitique», disent les chancelleries.
Le drame de Gaza, avec près de 55.000 morts, n’a jamais suffi à déclencher un sursaut global. Mais il a fallu quelques frappes israéliennes sur des sites nucléaires iraniens pour voir Washington, Londres, Riyad, Pékin, Moscou, Berlin, Paris… sortir de leur torpeur.
C’est dire que le Proche-Orient ne sera pas sauvé cette année. Le conflit israélo-palestinien ne fait plus recette. Il n’est plus qu’un bruit de fond dans une région où la vraie tension, celle qui inquiète les capitales, se joue entre puissances étatiques, missiles longue portée et menaces nucléaires.
Parce que visiblement, il y a plus urgent : l’équilibre régional et le prix du baril. Personne ne veut d’un embrasement général, bien sûr. Mais tout le monde semble s’accommoder de l’initiative d’Israël. Une initiative qui occulte tout. Et efface la tragédie palestinienne.
En définitive, le conflit israélo-iranien signe la fin d’une illusion : celle selon laquelle la communauté internationale allait enfin remettre la Palestine au cœur du jeu.
F. Ouriaghli