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Poutine : Une main tendue à Zelensky, l’autre sur la gâchette

Poutine : Une main tendue à Zelensky, l’autre sur la gâchette

Vladimir Poutine aime les symboles. Depuis qu’il a envoyé ses troupes en Ukraine en février 2022, il n’a cessé d’en jouer. Trois ans plus tard, c’est encore un symbole qu’il choisit : la commémoration des 80 ans de la victoire sur l’Allemagne nazie. 

Une grande parade, des milliers de soldats sur la Place Rouge, des missiles, des drones et, cerise sur le gâteau, une «trêve» unilatérale de 72 heures. Une pause enrobée de drapeaux, de slogans patriotiques et de ces fameuses images de Vladimir Poutine souriant aux côtés de Xi Jinping, Lula et même… l’acteur Steven Seagal. 


Pendant trois jours, les canons russes se sont tus… ou presque. Car les Ukrainiens n’ont pas tardé à dénoncer des centaines de violations sur la ligne de front. 
Une accalmie en trompe-l'œil, en somme, avant le retour des frappes massives dans la nuit du 11 mai : 108 drones Shahed envoyés sur les villes ukrainiennes. Poutine n’a pas attendu longtemps pour rappeler à tout le monde que, dans son dictionnaire, le mot «cessez-le-feu» rime avec «opération tactique».


La diplomatie en coulisse

Parallèlement, il y a eu, le samedi 10 mai, une séquence que certains ont voulu croire historique : une photo de famille sur le sol ukrainien, avec Emmanuel Macron (président français), Friedrich Merz (chancelier allemand), Keir Starmer (Premier ministre britannique) et Donald Tusk (Premier ministre polonais), tous réunis autour du président ukrainien Volodymyr Zelensky. 

Une image forte, certes, mais à double tranchant. Car derrière les sourires crispés et les poignées de main solennelles, les Européens sont bien conscients qu’ils avancent en terrain miné.

Ils sont venus à Kiev lancer un appel commun : 30 jours de cessez-le-feu, sans conditions, surveillés par les Etats-Unis et soutenus par une «coalition des volontaires». Le tout, avec la promesse de sanctions massives si Moscou refuse ou trahit cet engagement. Une démonstration d’unité occidentale, comme on n’en avait plus vue depuis longtemps. 

Sauf que Vladimir Poutine, lui, a déjà retourné la table. A peine l’appel lancé, il a proposé ses propres règles du jeu : des négociations directes, jeudi prochain, à Istanbul, sans aucune condition préalable. Mais pas de trêve avant les discussions. En d’autres termes : «Venez discuter pendant que je continue à vous bombarder». 

Car la méthode Poutine est bien rodée. Depuis 2022, elle se résume en trois temps : d’abord, faire mine de tendre la main, ensuite, multiplier les conditions impossibles et, enfin, gagner du temps pour mieux avancer sur le terrain. 

Zelensky, lui, ne s’y trompe pas. Depuis des semaines, il répète que le premier pas vers une paix réelle passe par un silence des armes, pas par une énième négociation piégée. Et pourtant, Kiev joue encore la carte de la diplomatie, accepte la main tendue, espérant sans doute qu’à force de mettre Poutine face à ses contradictions, le monde finira par ouvrir les yeux. «Il est inutile de poursuivre la tuerie, ne serait-ce qu'une seule journée. Nous attendons de la Russie qu'elle confirme un cessez-le-feu, complet, durable et fiable, à partir de demain 12 mai, et l'Ukraine est prête à la rencontrer», a déclaré Zelensky sur les réseaux sociaux.


La méthode Poutine

Il faut bien le reconnaître : sur la scène internationale, tout le monde ne voit pas les choses de la même façon. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche a rebattu les cartes. Le milliardaire américain semble prêt à jouer les médiateurs. Mais à quel prix ? 

Son rapprochement avec Poutine inquiète à Kiev et en Europe, où il est redouté qu’un accord ne se noue au-dessus de leurs têtes au détriment de leurs intérêts.

Et dans cette partie d’échecs, le maître du Kremlin avance ses pions avec une froideur méthodique, sûr de sa capacité à diviser l’Occident sur la durée. Le spectacle qu’il a offert sur la Place Rouge pour le 9 mai en est la preuve éclatante. 

Pendant que l’Europe s’inquiète, il a exhibé ses missiles, ses drones et ses alliances avec les régimes les plus contestés de la planète. Le tout sous les vivats d’un public acquis à la cause, convaincu que la Russie mène une nouvelle «grande guerre patriotique».


Et pourtant, les lignes pourraient bouger. Car si Poutine gagne du temps, l’Europe, elle, semble avoir enfin compris qu’elle ne peut plus se contenter d’agiter des menaces sans les appliquer. 

La visite des quatre dirigeants à Kiev, la création d’une coalition de surveillance du cessez-le-feu et la mobilisation des avoirs russes gelés pour financer l’effort de guerre ukrainien sont autant de signaux que l’Occident est en train de passer à l’offensive, sur le terrain diplomatique comme économique.

Mais rien n’est encore joué. Car Poutine le sait : les opinions publiques occidentales commencent à s’épuiser et les divisions peuvent resurgir à la moindre faille. 

Alors, que va-t-il se passer jeudi à Istanbul ? Une nouvelle mascarade ? Une énième promesse creuse ? Ou un véritable tournant ? 

Nul ne peut le dire. Surtout pour qui connaît Poutine. Il a déjà surpris le monde une fois en envahissant l’Ukraine. Peut-être nous surprendra-t-il à nouveau en acceptant, enfin, de poser les armes.

F. Ouriaghli

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