Elle a perdu environ 40.000 hectares en dix ans. L’utilisation de certaines variétés permettra d’augmenter le rendement et l’export.
Par C. Jaidani
Pilier de l’agriculture nationale, la filière agrumicole joue un rôle de premier plan dans l’économie rurale. Avec une production annuelle dépassant 1,5 million de tonnes, elle génère à elle seule quelque 32 millions de journées de travail, bénéficiant à près de 13.000 familles à travers le Royaume.
Ce dynamisme s’étend également à l’aval de la chaîne, notamment à travers la transformation et l’exportation des produits, avec une moyenne de 500.000 tonnes expédiées chaque année, représentant environ 20% des recettes en devises du secteur agricole. Cependant, cette dynamique est aujourd’hui mise à mal par la sécheresse persistante, qui impacte lourdement les performances de la filière.
Face à cette conjoncture difficile, professionnels du secteur, représentants des autorités compétentes et autres acteurs concernés se sont réunis à Marrakech, à l’occasion du premier Congrès national des agrumes, tenu du 13 au 15 mai. L’objectif : dresser un état des lieux sans concession, identifier les principaux défis à relever et esquisser des pistes concrètes pour redonner de l’élan à cette filière stratégique.
Lors de cet événement, Redouane Arrach, secrétaire général du ministère de l’Agriculture, a souligné que «le secteur des agrumes est une activité historique qui reflète, dans son évolution, la trajectoire de l’économie et les nombreuses transformations qu’elle a connues».
Et de préciser que «la filière, ce n’est pas seulement des fruits et des jus, mais c’est aussi un vivier d’emplois, avec environ 150.000 postes et un chiffre d’affaires avoisinant les 10 milliards de dirhams, dont la moitié provient des exportations. En dépit des aléas climatiques, elle a fait preuve d’une certaine résilience face à la sècheresse. Mais il faut persévérer dans ce sens et miser sur l’innovation à travers l’utilisation de variétés adaptées aux conditions climatiques et géographiques nationales».
Il a rappelé que le secteur a perdu plus de 40.000 hectares en dix ans, soit 30% de la superficie de la filière, pour atteindre 91.342 hectares en 2024. D’où l’urgence de renouveler le verger. Dans ce cadre, Kacem Bennani Smires, PDG de Maroc Citrus, a présenté les résultats d’une enquête réalisée dans ce sens. Il a noté que «toutes les régions agrumicoles sont impactées par le phénomène de perte de vergers. Au niveau national, cette perte est estimée à 30%, bien que l’on note des différences entre les régions.
A titre d’exemple, Marrakech-Safi a connu une certaine stabilité, mais Souss-Massa est la grande perdante». Dans le détail, l’enquête a révélé que l’âge des vergers existants actuellement est assez jeune. 48% ont été plantés à partir du Plan Maroc Vert et 68% sont constitués de vergers de 5 à 20 ans et ils sont très productifs. Par ailleurs, les vergers les plus anciens qui ont plus de 40 ans occupent 15% de la superficie.
Force est de reconnaitre que la filière doit relever de nombreux défis pour rester compétitive, comme la maîtrise de l’impact climatique, la baisse de certains marchés clés comme celui de la Russie et la concurrence de pays méditerranéens, dont l’Égypte et la Turquie. D’autres contraintes ont été évoquées comme la baisse des rendements en oranges en particulier et l’export reposant essentiellement sur les petits fruits.
«Il faut capitaliser sur les variétés les plus résilientes et rentables à l’image de Nadorcott. Celleci occupe 10% de la superficie et 50% de l’export. Ses produits sont très appréciés à l’international et font face à la concurrence des autres pays. Pour atteindre les objectifs, le renouvellement des vergers est important en vue d’améliorer les performances du secteur. A cet égard, il faut miser sur les mesures de soutien de l’Etat comme la subvention à l’export, la maturité de l’interprofession et la coordination entre les acteurs», a souligné Bennani Smires.
Le président de Maroc Citrus a mis en exergue la problématique de l’eau, principale contrainte qui impacte l’évolution la filière agrumicole. «Il est temps de nous réunir, l’Etat, la Confédération marocaine de l’agriculture et Maroc Citrus autour d’une même table pour aborder ce sujet et définir ensemble une stratégie durable pour préserver notre patrimoine agrumicole dans les zones de l’intérieur», a conclu Bennani Smires.