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Chronique. Cannabis: Tous dans les vaps

Chronique. Cannabis: Tous dans les vaps
 
Le 3 décembre 2020, la Commission des stupéfiants des Nations unies a revu sa copie pour reconnaître au cannabis des vertus thérapeutiques. Dans la foulée, le vote favorable du Maroc pour la suspension du cannabis de la liste des stupéfiants à risque de l’ONU tombe sous le sens.
 
Normal, tout à fait normal, pour un gros producteur de Kif. Ce sont pas moins de 50.000 hectares de haschich cultivés au Nord du pays.
 
Pourtant, le kif reste totalement illégal au Royaume. Sa vente, son achat et sa consommation sont passibles de prison. Avec ce vote favorable du Maroc, l’idée d’une dépénalisation du kif fait son chemin, doucement, mais sûrement, ne serait-ce qu’à des fins thérapeutiques.
 
Parce que pour le petit joint, ça fait du bien, les non-sens sont très nombreux. Dans un pays où traditionnellement le kif et le sebsi font partie des moeurs, rouler un joint est tout ce qu’il y a de plus naturel. 
 
Bien que la simple taffe puisse te valoir un passage par Oukacha, il suffit de marcher 15 minutes dans n’importe quelle ville du pays pour voir que la roulette a pignon sur rue et que plus personne ne se cache pour fumer son pet. Partout, on roule. Partout on fume. Et des millions de personnes sont aujourd’hui dépendantes de la résine de cannabis.
 
Car c’est ce qui se fume. Pas l’herbe, pas la poudre récoltée à la main sur le plant de cannabis, mais un produit dérivé, avec des ajouts de produits chimiques, des adjuvants, des conservateurs, le tout frappé aux anxiolytiques et autres substances douteuses.
 
C’est ce qui donne corps à des ravages chez les fumeurs. Avant de parler d’une probable légalisation, passons en revue tous les dégâts occasionnés par le cannabis : troubles cognitifs, impact sur la mémoire, le travail et la concentration, idées interprétatives voire délirantes, retrait social, inversion du rythme nycthéméral, négligence corporio-vestimentaire et le fameux syndrome amotivationnel et l’aboulie.
 
Ceci sans parler des épisodes paranoïdes, des phobies sociales, de la schizophrénie, des idées suicidaires, de l’agressivité et de l’automutilation.Toute cette liste de complications mentales et neuronales doivent être prises en compte avant de vouloir suivre tel ou tel exemple de dépénalisation (le cas d’Israël) à des fins strictement thérapeutiques.
 
Le rapport du Marocain au kif n’est pas celui de l’Israélien. Quelqu’un disait, à juste titre, en parlant des psychoses que chez l’Occidental cela peut mener à se tuer, chez le Maghrébin cela mène à tuer. C’est dans la frontière entre le suicide et le meurtre qu’il faut réfléchir à l’épineuse question du haschich, qui implique également en cas de dépénalisation un chiffre d’affaires de 100 milliards de dirhams, selon plusieurs estimations.
 
C’est un beau pactole, pas négligeable du tout, mais il a un revers : une société dopée au kif, des addictions par millions, chez les jeunes et les enfants, et ce, toutes couches sociales confondues. On se jointe autant à Derb Sultan qu’à Anfa, sinon plus. Le pet fait son effet de mode et donne cet air baba cool à des bobos en mal de sensations.
 
Car chez le fumeur invétéré de Derb Ghallef, le joint a remplacé la cigarette et il est souvent accompagné d’un fort mélange de pilules et autres poudres mortelles.
 
C’est beau de vouloir s’ouvrir sur l’aspect clinique du kif, mais il faut prendre en compte toutes les dérives sociales que le cannabis occasionne. Il faut aussi garder très présent à l’esprit la mentalité du Marocain qui vous dira : « si on soigne avec le haschich, c’est que c’est excellent pour la santé alors j’en veux et sous toutes les formes.» 
 
C’est là la grande inconnue d’une équation pourtant simple. Le cannabis circule déjà sous d’autres formes dites clean comme les produits cosmétiques, entre huiles, shampooing et savon. Reste la question de l’usage clinique pour soulager certaines douleurs.
 
C’est là une avancée notable pour le Maroc si cela venait à se concrétiser, mais comment allier, dans ce cas de figure, dépénalisation et pénalisation ? C’est à cette question qu’il faut d’abord répondre avant de rêver des thérapies récréatives dans le meilleur des mondes.
 
 
 
Par Abdelhak Najib
Ecrivain-Journaliste
 

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