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ZLECAF : Un projet économique structurant pour le continent

ZLECAF : Un projet économique structurant pour le continent

Le commerce africain devrait connaître une croissance annuelle de 3,5% d’ici 2033. Il y a urgence de bâtir un marché intérieur capable de résister aux chocs externes, en adossant l’ouverture commerciale à l’industrialisation, aux infrastructures et à une intégration équitable des territoires.

 

Par D. William

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) est désormais sortie de l’incantation diplomatique pour devenir une réalité économique. Les messages lancés les 11 et 12 décembre depuis Marrakech, lors de la 2ème édition du Forum des affaires de la ZLECAf, sont limpides à ce propos : l’Afrique n’a plus le luxe d’attendre que les vents mondiaux se calment pour organiser son propre marché.

La fragmentation du commerce international, la montée des politiques industrielles défensives et la volatilité géopolitique imposent au continent de se recentrer sur lui-même. Avec seulement 16% des échanges réalisés à l’intérieur du continent, l’économie africaine demeure excessivement exposée aux décisions prises ailleurs, souvent sans considération pour ses priorités de développement.

Cette dépendance extérieure l’expose aux chocs exogènes, qu’il s’agisse de hausses tarifaires, de ruptures d’approvisionnement ou de replis protectionnistes. C’est précisément ce constat qui donne à la ZLECAF sa dimension stratégique. Elle n’est pas pensée comme une simple arithmétique tarifaire, mais comme un cadre destiné à structurer un marché intérieur africain capable d’absorber les chocs externes. Le Maroc s’inscrit clairement dans cette logique.

«Grâce aux hautes directives royales, le Maroc consolide son statut d’acteur central et de partenaire stratégique dans le renforcement de la coopération multidimensionnelle entre les pays du continent africain», a rappelé, à ce titre, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, lors du Forum.

La vision marocaine repose sur le postulat qu’une zone de libreéchange ne fonctionne que si elle s’appuie sur des infrastructures capables de relier efficacement les territoires et sur une base productive réelle. D’où cette insistance sur une Afrique «qui transforme ses ressources en valeur ajoutée sur place», selon les mots d’Akhannouch, et qui relie ses régions «de la Méditerranée à l’Atlantique, du Sahel aux façades maritimes». Sans industrialisation et sans intégration physique des marchés, la ZLECAF risquerait ainsi de n’être qu’un espace commercial théorique.

De la promesse à l’impact

Mais l’enthousiasme politique ne saurait masquer la complexité du chantier. Pour le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, «alors que partout les frontières se referment, l’Afrique est aujourd’hui la seule région qui cherche encore à ouvrir ses marchés, soit une position singulière qui impose d'accélérer plus que jamais les efforts engagés par les Etats du continent».

Pour autant, ouvrir les marchés sans renforcer les capacités productives reviendrait à transformer la ZLECAF en simple espace de redistribution des importations, au détriment de la valeur ajoutée locale. L’enjeu est donc industriel, mais aussi humain. Pour Mezzour, l’intégration africaine ne se jouera pas uniquement dans les textes, mais dans les compétences, l’expertise et la capacité des pays à mobiliser leurs talents. Sans ingénieurs, logisticiens, techniciens, juristes du commerce international et autres cadres capables de piloter des chaînes de valeur régionales, l’intégration restera théorique. «L’Afrique dispose des ressources, des idées et des compétences nécessaires. Avec de l’investissement et de l’ambition, nous réussirons», souligne-t-il.

Omar Hejira élargit encore la perspective en rappelant que la ZLECAF n’est pas un accord commercial classique, mais un projet de transformation économique et sociale. «La réussite de la ZLECAF dépend de notre capacité collective à construire des partenariats concrets, équitables et mutuellement profitables, tout en assurant une justice territoriale africaine», affirme le secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur. En effet, l’intégration ne peut réussir si elle accentue les écarts entre pays côtiers et pays enclavés, ou encore entre économies industrialisées et marchés encore fragiles.

C’est pourquoi le Maroc mise sur le partage d’expérience et l’accompagnement. «Le Royaume, sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, restera fidèle à son engagement d’accompagner ses frères africains pour développer cet espace économique prometteur et partager son expérience dans tous les domaines», rappelle Hejira. Cette coopération sud-sud bute cependant sur de nombreux défis, dont notamment les coûts de transport élevés, l’insuffisance des infrastructures, la multiplicité des monnaies et la lente harmonisation du cadre réglementaire. Les ministres africains réunis à Marrakech l’ont reconnu sans détour. La ZLECAF avance, mais sur un terrain accidenté.

Les chiffres de BCG

Le rapport que vient de publier Boston Consulting Group apporte un éclairage chiffré sur le débat. BCG projette une croissance annuelle du commerce africain de 3,5% d’ici 2033, un rythme supérieur à celui de l’Union européenne (2%). Concernant la recomposition des échanges, le commerce entre l’Afrique et la Chine devrait augmenter de 173 milliards de dollars contre 100 milliards avec l’UE, 63 milliards avec l’Inde, 30 milliards avec l’ASEAN (Association des nations de l'Asie du Sud Est) et 12 milliards avec les Etats-Unis.

Cette bascule vers l’Asie redessine les priorités logistiques et industrielles du continent. Mais le rapport met aussi en garde contre les risques immédiats. Les hausses tarifaires récentes pourraient générer jusqu’à 5 milliards de dollars de coûts supplémentaires pour les exportations africaines, dont 2,6 milliards pour l’Afrique du Sud. A cela s’ajoute la menace pesant sur 50 à 70 milliards de dollars d’aide internationale, ce qui peut déstabiliser des pays dépendants de ces flux, peser sur l’investissement public et, par ricochet, ralentir les infrastructures qui conditionnent justement la réussite de la ZLECAF.

Sur le potentiel de la zone ellemême, BCG rappelle la taille du projet : 54 pays autour d’un marché unique estimé à 3.400 milliards de dollars, avec une ambition d’augmenter de 32% les exportations intra-africaines. Mais ces chiffres ne deviendront réalité que si les Etats traduisent l’accord en politiques industrielles, mécanismes de financement et règles claires pour les entreprises, notamment les PME. Se pose alors une question  : l’Afrique est-elle prête à se penser comme un marché intégré avant d’être une addition d’économies nationales ? En tout cas, les discours de Marrakech ont montré une convergence politique rare. Reste désormais à transformer cette volonté en résultats tangibles pour les entreprises et les populations. 

 

 

 

 

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