Le Royaume s’apprête à ouvrir un second géant portuaire méditerranéen d’ici fin 2026. Le port de Nador West Med ambitionne de devenir la clé de voûte d’un rééquilibrage logistique et industriel national, en synergie avec Tanger Med.
Par Désy M.
Dans une démarche de régionalisation avancée, la région de l’Oriental pourrait très bientôt devenir une zone compétitive plébiscitée par divers investisseurs locaux et étrangers. Ceci grâce au port de Nador West Med, dont l’opérationnalisation est prévue pour fin 2026 selon Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau.
L’infrastructure, désormais achevée dans ses composantes principales, n’est pas seulement un projet industriel, elle est un réel signal géopolitique de la consolidation du positionnement du Royaume sur les routes maritimes méditerranéennes.
«Le Maroc ne construit pas un port de plus, il construit un nouvel équilibre dans sa géographie économique, appelé à renforcer la compétitivité du pays tout en réorientant le développement régional vers l’Oriental», affirme le professeur Lhoussine Chellaoui, expert en logistique.
Construit dans la baie de Betoya, à 160 miles nautiques (296 km) du détroit de Gibraltar, face à l’une des routes maritimes les plus fréquentées du bassin méditerranéen, traversées par près de 120.000 navires par an, Nador West Med change l’équation géoéconomique du Maroc.
Sa proximité avec les grands marchés de consommation d’Europe, d’Amérique et d’Afrique en fait un corridor compétitif pour le commerce mondial. En effet, «ce port crée une nouvelle porte d’entrée pour les flux énergétiques, notamment les hydrocarbures, et sécurise les chaînes d’approvisionnement du pays», explique l’expert. Avec une capacité annuelle de 25 millions de tonnes d’hydrocarbures, 7 millions de tonnes de vracs solides et jusqu’à 3,4 millions d’EVP (Équivalent Vingt Pieds) en conteneurs (avec possibilité d’extension à +2 millions), Nador West Med entre dans la cour des grands ports du bassin. Au-delà de la logistique, le complexe est pensé comme un catalyseur de réindustrialisation. L’arrivée d’acteurs internationaux tels que CMA CGM ou la société chinoise Aeolon (inaugurée en mai 2025 et déjà opérationnelle sur site), confirme la vocation mondiale de l’infrastructure.
«Le Maroc utilise le levier portuaire pour attirer les industries du futur. C’est une stratégie similaire à celle de Tanger Med il y a quinze ans, mais avec une dimension énergétique renforcée», analyse Chellaoui. À mesure que l’autoroute Guercif - Nador et les axes routiers vers Oujda, Taourirt et Al Hoceïma se finalisent, l’arrièrepays industriel et logistique du port deviendra plus dense.
Nador West Med va redonner un rôle économique structurant à la région de l’Oriental longtemps enclavée, avec en bout de chaîne 80.000, voire 100.000 emplois directs et indirects au cours des premières années d’exploitation, et plus de 80 milliards de dirhams d’investissements publics et privés. Ce positionnement répond aux défis actuels de compétition internationale, de sécurisation énergétique et de souveraineté industrielle. La montée en puissance attendue des activités manufacturières, notamment l’automobile, l’aéronautique et celles des énergies renouvelables constitue une nouvelle base d’exportation complémentaire de celle du Nord. Le port de Nador West Med symbolise une ambition géopolitique et industrielle d’un pays qui rééquilibre son territoire et étend son influence.