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Pass sanitaire: «Son rôle est de faciliter la libre circulation»

Pass sanitaire: «Son rôle est de faciliter la libre circulation»

Les personnes éligibles à procéder aux contrôles des individus dans le cadre du pass sanitaire devraient être habilitées par la loi.

Entretien avec Nesrine Roudane, avocate au Barreau de Casablanca, présidente de la Commission juridique et fiscale de la CFCIM.

 

Propos recueillis par B. Chaou

 

Finances News Hebdo : Tout d'abord, par quoi se définit le principe de la libre circulation ?

Nesrine Roudane : La liberté de circuler est un droit fondamental de la personne, énoncé par l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui comprend deux volets. D’une part, le droit de circuler librement et de choisir sa résidence sur le territoire d’un Etat et, d’autre part, le droit de quitter un pays et de revenir dans son pays. Au Maroc, la liberté de circuler sur le territoire national, d’en sortir et d’y retourner, est garantie par l’article 24 de la Constitution de 2011. Cette liberté est toutefois sujette à un exercice «conformément à la loi».

 

F.N.H. : Le pass  sanitaire qui est mis en place dans plusieurs pays, y compris au Maroc, ne va-t-il pas à l'opposé du principe de liberté de circulation ? 

N. R. : C’est une question de perspective. L’objectif du pass  sanitaire est de faciliter la libre circulation des personnes se trouvant sur le territoire des Etats concernés, qui est actuellement restreinte du fait de l’état d’urgence sanitaire et des mesures mises en place pour lutter contre la pandémie de la Covid-19. D’un point de vue juridique, l’Etat, qui a l’obligation d’assurer la jouissance des droits constitutionnels et l’adoption de mesures pour rétablir la liberté de circulation de manière sécuritaire, s’inscrit dans ce cadre. Le pass n’est pas constitutif du droit de circuler librement, mais d’un certificat permettant d’éviter de se soumettre à des contraintes limitant celui-ci pendant l’état d’urgence.

 

F.N.H. : Dans un horizon long terme, ce pass sanitaire porterait-il atteinte au principe de liberté et d'égalité ? 

N. R. : De prime abord, je dirais que non, dans la mesure où toute personne souhaitant l’obtenir peut l’obtenir et il n’est pas obligatoire. L’exercice de tous les droits et les libertés s’inscrit dans un cadre juridique qui est, par essence, limitatif. La liberté de circuler est déjà soumise à des contraintes, des formalités et, dans le cadre épidémiologique actuel, l’adoption de mesures pour éviter des entraves supplémentaires devraient être accueillies positivement.

 

F.N.H. : Afin de respecter le principe de confidentialité et de la vie privée, qui devrait avoir l'éligibilité de procéder aux contrôles dans le cadre du pass sanitaire ? 

N. R. : Comme un passeport, le contrôle d’un pass sanitaire comprend deux étapes  : son authenticité et sa validité. Cette vérification peut se faire de manière visuelle ou électronique, notamment au moyen d’accès à des bases de données personnelles. S’agissant de données médicales, cellesci sont de surcroît considérées comme «sensibles». Les personnes éligibles à procéder aux contrôles des individus dans le cadre du pass sanitaire devraient donc être, d’une part, habilitées par la loi et, d’autre part, soumises à des mesures de protection des données qui soient suffisantes pour assurer aux personnes concernées le respect de leur vie privée. A ce jour, les garanties en matière de protection et de stockage de données sanitaires personnelles sont insuffisantes, surtout au moment de la circulation entre différents États.

 

F.N.H. : Quelles sont les craintes liées à ce dispositif ? 

N. R. : D’une part, il n’y a aucune garantie qu’il soit efficace comme moyen de rétablir la libre circulation de manière sécuritaire. Le virus responsable de la Covid-19 est en constante mutation et de nouvelles souches pourraient apparaître et se propager même à travers la population munie d’un pass sanitaire. D’autre part, il y a des risques évidents de dérive, que ce soit en raison des zones d’ombre de la loi permettant une application plus généralisée, ou de discrimination entre les personnes ayant reçu un vaccin ou passé un test par rapport à une autre. Enfin, les mesures temporaires qui restent en place trop longtemps ont tendance à devenir permanentes.

 

F.N.H. : Selon la loi, combien de temps cette mesure pourrait-elle rester en application ? 

N. R. : Il devrait s’agir d’une mesure transitoire, en attendant la levée de l’état d’urgence et le rétablissement des conditions antérieures. Ceci dit, même une fois l’état d'urgence levé, il se pourrait que cette mesure demeure en place pendant une période raisonnable, à titre préventif. En tout état de cause, il s’agit d’une question internationale qui requiert un consensus.

 

F.N.H. : Quel impact cela pourrait avoir sur la confiance des citoyens ? 

N. R. : Le pass sanitaire et la reconnaissance automatique des preuves d’immunité sont nécessaires au rétablissement de la confiance collective et de la libre circulation, à même de favoriser la relance de l’activité économique en  évitant une nouvelle crise épidémique.

 

 

 

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