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Que sera le monde de l’après-coronavirus ?

Que sera le monde de l’après-coronavirus ?

 

 

Par Mohamed Berrada

 

Entre espoirs et inquiétudes

Nous vivons une crise générale et géante d’un type nouveau jamais enregistrée dans l’histoire. La crise sanitaire toujours en cours s’accompagne ou s’accompagnera d’une crise politique, d’une crise économique et sociale dont on n’a pas encore mesuré la profondeur et la durée,  et d’une crise alimentaire mondiale. Sans parler de l’aggravation des inégalités socio-spatiales, découlant de la montée du chômage et mises en lumière par le jeu du confinement.

L’après-coronavirus est tout aussi inquiétant que la crise elle-même. Il pourrait être aussi apocalyptique que porteur d’espoir. Beaucoup partagent la certitude que le monde de demain ne sera plus celui d’hier. 

 

Mais quel sera-t-il ?

Le confinement fut un enfermement, c’est vrai, avec ses incidences psychologiques et morales, mais ce fut aussi une libération intérieure par rapport au temps chronométré.

Nous sommes enfermés physiquement dans le confinement et jamais autant ouverts sur le destin terrestre ! La mondialisation a certainement renforcé nos liens mais sans solidarité. L’individualisme et  l’égoïsme ont triomphé.  Aggravés  par la montée de l’indifférence.

Ainsi va le monde néolibéral qui a su si bien naviguer dans  le temps et dans l’espace….

Nous sommes donc condamnés aujourd’hui  à réfléchir sur nos vies, sur notre relation au monde et sur le monde lui-même. Une tache complexe,  car elle met en relation une multitude de phénomènes enchevêtrés les uns aux autres.

Ce qui nous conduit peu à peu à l’ère des incertitudes. Même les politiques et les scientifiques, avec leurs contradictions quotidiennes et leurs actions court-termistes, contribuent aussi à alimenter notre inquiétude. L’avenir «  imprévisible » est en gestation aujourd’hui. Et nous devons apprendre à vivre avec l’incertitude !

Alors tout le monde se pose des questions sur ce que nous allons devenir. Notre ami Edgar Morin le fait aussi, en particulier dans son dernier essai « changeons de voie ». Un essai d’une quarantaine de pages mais avec une immense profondeur.  

Une fois dé-confinés, reprendrons-nous la course infernale à la surconsommation de l’inutile au détriment du nécessaire ? Nous avons pu durant la crise ne consommer que l’indispensable, serons-nous à nouveau soumis à la pulsion consumériste, elle-même stimulée par des publicités omniprésentes ?

Est-ce qu’on continuera à dire que le « progrès techno-économique » exprime à lui seul le « Progrès humain » ?

Cesserons-nous de subordonner le principal, notre propre épanouissement et notre lien affectueux à autrui, au secondaire voire au futile ? 

Est-ce que le mythe occidental émanant de Descartes  qui présente l’homme comme « maitre et possesseur de la nature » va laisser la place à une nouvelle conscience écologique qui démontre que « plus nous devenons maîtres de la biosphère, plus nous en devenons dépendants ; plus nous la dégradons, plus nous dégradons nos vies ? »

Est ce que l’ordre ébranlé se rétablira après le confinement, ou si au contraire la conscience du « ce ne doit plus être comme avant » suscitera l’essor des idées novatrices et des forces politiques capables de révolutionner politique et économie. 

Le néolibéralisme en particulier serait-il seulement ébranlé ? Ne reprendra-t-il pas les commandes ?

Va-t-on assister à des régressions intellectuelles et morales liées à  la progression du manichéisme, des visions unilatérales, des haines et des mépris, aussi bien des peuples, de leurs cultures que de leurs religions du simple fait de leurs différences ? Va-t-on assister en définitive à la régression de la démocratie là où elle fait semblant d’exister ?

Jusqu’où navigueraient nos  pensées secrètes ? Comment donner à ces pulsions tellement fragmentées une vision complexe ? 

En définitive, qui sommes-nous ? Qu’est-ce être humain ?  Qu’est-ce que l’homme dans la nature ? 

Un néant à l’égard de l’infini, un tout à l’égard du néant, un milieu entre rien et tout.

Pourtant nous sommes liés par une communauté de destin. Le problème est que nous n’en sommes pas conscients !

La crise planétaire née du coronavirus met en relief la communauté de destin de tous les humains en lien inséparable avec le destin bioécologique de la planète Terre. Elle met simultanément en intensité la crise de l’humanité qui ne parvient pas à se constituer en humanité.

L’humanisme est en crise face aux dérives et replis nationalistes, aux renouveaux racistes et xénophobes, au primat de l’intérêt économique sur tous les autres.

Nous devons investir dans la prise de  conscience de la communauté de destin des humains. Une voie destinée à le régénérer et donner à son universalisme jusqu’alors abstrait un caractère concret : chacun pourra alors ressentir son intégration dans l’aventure de l’humanité. Intégrer de manière harmonieuse  la diversité dans l’unité !

Et si cette conscience se propage dans le monde et devient force historique, l’humanisme pourrait alors susciter une politique de l’humanité.

C’est à ce niveau que se situe notre combat de demain.

 

Mohamed Berrada. Professeur à l'université Hassan II

 

 

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