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Souveraineté alimentaire : Parlons bouffe !

Souveraineté alimentaire : Parlons bouffe !

Les questions de souveraineté sanitaire et alimentaire sont au cœur des préoccupations du Maroc. La pandémie liée à la Covid-19 et la guerre en Ukraine ont mis à nu les fragilités du Royaume en la matière. Deux problématiques saillantes sont ainsi apparues : les carences et défaillances du système de santé et la dépendance vis-à-vis de l’étranger, particulièrement en ce qui concerne le blé.

Au plus haut sommet de l’Etat, on a réellement pris la mesure de ces problématiques. La question de la souveraineté a été érigée en priorité stratégique. Ou plutôt, elle est la priorité de ces prochaines années. Et le Roi l’a clairement affirmé. «La crise pandémique a révélé le retour en force du thème de la souveraineté.

Qu’elle soit sanitaire, énergétique, industrielle, alimentaire ou autres, sa préservation est devenue l’enjeu d’une véritable compétition qui suscite des réactions fébriles chez certains», a-t-il affirmé dans son discours du 8 octobre 2021, à l'occasion de l'ouverture de la 1ère session de la 1ère année législative de la 11ème législature.

Et d’ajouter qu’«(…) afin de consolider la sécurité stratégique du pays, nous appelons à la création d’un dispositif national intégré ayant pour objet la réserve stratégique de produits de première nécessité, notamment alimentaires, sanitaires et énergétiques et à la mise à jour continue des besoins nationaux en la matière».

Une affaire continentale

La problématique de la souveraineté alimentaire, en particulier, n’est pas une affaire maroco-marocaine. Elle est globale. Et à l’échelle du continent africain, elle suscite des inquiétudes majeures. C’est sous cet angle qu’il faut d’ailleurs apprécier le Sommet Dakar 2, organisé du 25 au 27 janvier dans la capitale sénégalaise sous le thème «Nourrir l'Afrique : souveraineté alimentaire et résilience», auquel ont pris part une vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernement, dont Aziz Akhannouch, chef du gouvernement marocain, accompagné d’une forte délégation. 

Objectif de cet événement organisé à l'initiative du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), du gouvernement du Sénégal et de la Commission de l'Union africaine : relever le défi croissant de la sécurité alimentaire en Afrique. 

Et le défi est de taille, si l’on en croit les chiffres communiqués par la BAD. A l’échelle mondiale, 828 millions de personnes souffrent de la faim, dont 249 millions, soit un tiers, se trouvent en Afrique. 

Et bien qu’il dispose de 65% des terres arables restantes pour nourrir 9 milliards de personnes dans le monde d’ici 2050, le continent importe plus de 100 millions de tonnes métriques de nourriture pour un coût de 75 milliards de dollars par an. Pourtant, l'Afrique a le potentiel de se nourrir et de contribuer à nourrir le monde :  ses vastes zones de savane sont estimées à, elles seules, à 400 millions d’hectares, dont seulement 10% (40 millions d’hectares) sont cultivés.

Mais l’Afrique se heurte à des difficultés de taille. Comme l’ont relevé les experts, les obstacles à la libre circulation des personnes et des biens et les effets des changements climatiques contribuent à freiner la rentabilité agricole sur le continent. De même, les difficultés liées à l'accès aux financements, la disponibilité de la logistique, la faible utilisation de la technologie agricole, l'absence de formation, le déficit en recherche… sont autant d’entraves à l'amélioration de la productivité.

Les pistes à investir

Au-delà des diagnostics formels, plusieurs pistes ont été proposées pour engager l’Afrique vers la voie de la souveraineté alimentaire. Cela commence par l’engagement des Etats dans la mobilisation des ressources destinées à exploiter le potentiel agricole et alimentaire du continent, qui a particulièrement souffert de la hausse des prix de matières premières de base, telles que le blé et le maïs. Il s’agit notamment d’intensifier les investissements dans le secteur et de soutenir les agriculteurs et les jeunes pour l'accès au foncier, car la richesse de l’Afrique ce sont ses terres, ses agriculteurs et sa jeunesse. 

Autre recommandation : accroître la productivité agricole par des mécanismes innovants de financement pour assurer la sécurité alimentaire du continent et arrêter de dépendre des importations. Cela passe par l’accès des agriculteurs au foncier, aux intrants de qualité, notamment les semences et les engrais, et du matériel agricole moderne. 

Pour le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, «l’Afrique est une puissance alimentaire mondiale», qui a besoin de «libérer son potentiel agricole». En cela, poursuit-il, il est nécessaire d’opérer une «transformation du système agricole pour  combattre la pauvreté et aider les femmes et les jeunes africains». C’est sur cette voie que s’est engagé le Royaume, à travers d’abord le Plan Maroc Vert (PMV), puis Generation Green, deux initiatives qui ont permis la transformation et le développement du secteur agricole.

Le PMV, bouclé en 2020, a nécessité un investissement total de 13 milliards de dollars sur 10 ans, selon Akhannouch. Il a permis de maintenir une croissance moyenne de 5,5% par an de l'agriculture pendant cette décennie, y compris en tenant compte des années difficiles de manque de pluies.

La stratégie Generation Green, quant à elle, se focalise sur l'élément humain (couverture sociale) et l'amélioration du revenu des agriculteurs. Elle va ainsi permettre l'accession de plus de 400.000 familles à la classe moyenne, fait savoir Akhannouch, et l’émergence d’une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs agricoles, suite à la mobilisation d’un million d’hectares de terres collectives pour la mise en œuvre de projets d’investissement dans ce secteur.

Coopération sud-sud

Pour que «l’Afrique nourrisse l’Afrique», comme le veut le président du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), Akinwumi Adesina, il ne faut pas que le Sommet de Dakar s’apparente à ces multiples manifestations creuses, où dirigeants et experts jouent des coudes pour délivrer des discours cosmétiques. Il faudra être dans le concret, car l’Afrique est dans l’urgence. Et le changement de son histoire alimentaire commence maintenant. D’où l’intérêt de densifier la coopération sud-sud en la matière, dans un cadre gagnant-gagnant.

Ce que l’OCP fait d’ailleurs de façon très efficace depuis plusieurs années. Le leader mondial du phosphate a d’ailleurs décidé de consacrer au continent plus de 4 millions de tonnes d’engrais en 2023 pour améliorer sa productivité agricole. Cette quantité représente «plus du double de celle fournie par l’OCP au continent en 2021 et plus d’un quart de la production totale prévue par le groupe», précise le DG d’OCP Africa, Mohamed Anouar Jamali, rappelant qu’en juillet 2022, l’OCP a lancé un programme d’envergure en mettant 550.000 tonnes d’engrais à la disposition de plusieurs pays africains. 

Plus globalement, l’OCP s’inscrit dans la dynamique impulsée par le Roi Mohammed VI, qui a toujours milité pour une coopération sud-sud efficiente et mutuellement avantageuse. «Nous n’en voulons pour preuve que les approches inclusives et partenariales dans lesquelles le Maroc s’est engagé pour faire face aux nombreux défis actuels et futurs. Nous pouvons citer à ce titre les projets de mise en place d’unités de production de vaccins, de construction d’usines de production d’engrais et de fertilisants, visant respectivement à assurer la souveraineté sanitaire et alimentaire du continent, ainsi que le travail engagé pour l’accélération de l’inclusion financière du continent, ou encore les projets visant à renforcer la souveraineté énergétique du continent, tel le mégaprojet de gazoduc entre le Nigéria et le Maroc», a-t-il affirmé dans un message adressé en juin dernier aux participants à la conférence de lancement du Forum africain des investisseurs souverains.
 
F. Ouriaghli

 

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