Il promettait de rendre l’Amérique riche, il aura surtout rendu le monde nerveux. A coups de taxes et de provocations, Trump va transformer radicalement le visage du commerce international. Résultat : les marchés financiers paniquent et les pays protestent, mais tout ce petit monde finit par tambouriner aux portes de la Maison-Blanche.
Donald Trump ressemble de plus en plus à ce patriarche grincheux et cupide qui sermonne et punit ses partenaires. Avec une formule magique en tête, «Make America rich again», voilà le président américain qui transforme la planète économique à coups de surtaxes.
Dans un grand numéro de prestidigitation économique dont lui seul a le secret, le président américain a dégainé, le 2 avril, son arme favorite : les droits de douane.
«America First», version 2025, c’est une taxe de 10% sur tout ce qui rentre aux Etats-Unis et des surtaxes punitives adaptées selon l'humeur et le pays : 34% pour la Chine (la tête de Turc préférée), 26% pour l’Inde, 20% pour l’UE (l’amie détestée), 46% pour le Vietnam (on ne sait pas pourquoi d’ailleurs)… Et les voitures ? 25%, tout rond.
Voilà qui sonne comme une déclaration de guerre en bonne et due forme. Laquelle a fait plonger la Bourse, tête la première, emportant dans sa chute les économies émergentes et les portefeuilles boursiers des petits épargnants américains. A Wall Street, on a allumé les gyrophares : le Nasdaq et le S&P 500 ont tous deux décroché. Si Trump voulait faire trembler les marchés, c’est réussi.
A l’international, l’Europe s’indigne, mais valse encore entre sanctions et diplomatie. Tokyo parle carrément de «crise nationale» et Pékin fulmine, envoie des signaux de dialogue pour finir par riposter en décidant, vendredi, d’imposer des droits de douane de 34% sur toutes les importations de biens américains à partir du 10 avril. L’Afrique du Sud, elle, en appelle à un nouvel accord bilatéral, alors que l’Inde se dit que, quitte à être surtaxée, autant piquer quelques parts de marché à ses voisins asiatiques plus durement frappés.
Et tout ce petit monde se presse aux portes de la Maison-Blanche, prêt à négocier, supplier ou céder, selon les cas. On s’indigne publiquement, mais on appelle Washington le soir. On prépare des sanctions, mais on prend aussi rendez-vous avec l’ambassadeur américain. Et c’est ça le paradoxe : malgré le coup de massue et la violence du geste, tous veulent encore parler à Donald.
Mais ne nous y trompons pas : derrière cette salve de taxes, c’est un spectacle parfaitement huilé. Trump n’improvise pas. Il ne bluffe pas non plus. Contrairement à ce que l’on reproche souvent aux hommes politiques, il respecte sa promesse électorale, s’érigeant en redresseur de torts prêt à défendre l’Amérique contre le reste du monde.
Il accuse ses partenaires, amis comme ennemis, d’avoir «pillé» les Etats-Unis. Alors, comme réponse, il ne fait plus de la diplomatie commerciale, mais plutôt de la tyrannie tarifaire.
Il se plait d’ailleurs à distribuer des faveurs à certains pays, mais punit sans ménagement ceux qui n’entrent pas dans le rang. L’arbitraire n’a pas de limites. Même la minuscule île Norfolk, perdue dans le Pacifique, s’est vu infliger des droits de douane trois fois supérieurs à ceux de l’Australie continentale.
Une économie mondiale prise en otage
Les conséquences de cette offensive tarifaire de Trump ? L’économie mondiale tangue comme un vieux cargo, avec un ralentissement prévisible du commerce mondial, un retour de l’inflation, des chaînes d’approvisionnement désorganisées et une confiance des marchés qui fond comme neige au soleil. Même le FMI et l’OMC, ces monuments du libéralisme mondialisé, s’inquiètent d’une dérive sans précédent depuis les années 1930.
Alors, ne sous-estimons pas la suite, surtout après la riposte chinoise ! Car cette décision brutale de Trump est peut-être un prélude à un gigantesque capharnaüm commercial. L’Europe brandit déjà la menace de s’attaquer aux GAFAM, ces totems numériques américains qui gambadent joyeusement dans le jardin fiscal européen, et parle de «riposte au-delà des droits de douane».
En tout cas, pendant que les capitales s’organisent et que les deals secrets s’échafaudent pour contrer cette marée tarifaire, Trump, lui, sourit. Il attend. Car dans son esprit, c’est simple : tant que les autres viennent frapper à sa porte, c’est qu’il a gagné. A défaut de rendre l’Amérique grande, il l’a rendue encore plus incontournable.
F. Ouriaghli