Depuis sa tribune symbolique au Conseil de sécurité russe, l’ex-président Dmitri Medvedev multiplie les menaces nucléaires et les provocations grotesques. Longtemps ignoré, il a fini par agacer passablement Donald Trump.
Dmitri Medvedev a changé de costume. L’ancien président russe, que l’Occident prenait jadis pour un modéré branché nouvelles technologies, s’est transformé en provocateur professionnel.
Officiellement vice-président du Conseil de sécurité russe, un titre pompeux pour une fonction surtout symbolique, il n’a ni l’autorité d’un Sergueï Lavrov (chef de la diplomatie), ni la puissance d’un Andreï Belooussov (ministre de la Défense), ni la proximité avec Poutine.
Alors, il compense par la virulence : posts incendiaires, menaces nucléaires, insultes gratuites contre les dirigeants occidentaux et une obsession croissante pour la fin du monde version soviétique. Son arme favorite : le concept de «main morte», ce vieux système de riposte nucléaire automatique hérité de la Guerre froide, conçu pour frapper même si Moscou est rayée de la carte.
En temps normal, ces outrances passeraient inaperçues, tant Medvedev est aujourd’hui marginalisé dans le système poutinien. Mais cette fois, elles ont trouvé un écho, et pas n’importe lequel.
Donald Trump, président des Etats-Unis pour la deuxième fois, a pris ces déclarations au sérieux. Très au sérieux. Au point de briser sa relative bienveillance affichée jusque-là envers Vladimir Poutine. Au point surtout de sortir l’artillerie diplomatique, économique et militaire.
Depuis son retour à la Maison Blanche en janvier, Trump avait multiplié les gestes d’ouverture envers Moscou. Il croyait possible de négocier un arrêt rapide de la guerre en Ukraine, persuadé que son «art du deal» et sa proximité supposée avec Poutine suffiraient à renverser la table.
Une erreur d’appréciation majeure. Poutine poursuit ses bombardements. L’armée russe a intensifié ses attaques. La production du missile hypersonique Orechnik a été lancée. Et Medvedev, lui, a franchi un seuil avec ses allusions nucléaires répétées.
Alors Trump a vu rouge et a décidé de frapper un grand coup.
Primo, il lance un ultimatum à Vladimir Poutine : dix jours pour décréter un cessez-le-feu en Ukraine. Passé ce délai, il menace d'imposer des sanctions économiques d’une intensité inédite, notamment des droits de douane massifs sur les exportations russes, le gel de nouveaux secteurs économiques (énergie, finance, technologie) et, surtout, des sanctions secondaires. C’est-à-dire frapper les pays tiers qui commercent avec Moscou.
En clair, des mesures visant ouvertement l’Inde, la Chine ou encore la Turquie. Objectif: couper les vivres à la machine de guerre russe et forcer Poutine à lâcher prise.
La Russie, de son côté, ne bronche pas. Le Kremlin déclare être «immune aux sanctions» et assure que ses alliances économiques lui permettent de contourner l’embargo occidental.
Secundo, vendredi 1er août, Trump a décidé de sortir les muscles en annonçant que deux sous-marins nucléaires américains ont été positionnés «dans les zones appropriées», en réaction directe aux propos de Medvedev.
Lorsqu’un journaliste lui demande s’ils sont désormais «plus proches de la Russie», Trump répond d’un petit rire provocateur : «Oui, ils sont plus proches». Mais personne ne doute du message : Washington ne tolérera plus les piques verbales, même celles d’un ancien président russe aux fonctions symboliques.
Un bras de fer où tout le monde perd
Ce duel à distance a tout d’une démonstration de force entre deux dirigeants qui ne veulent surtout pas perdre la face. Trump, frustré par l’échec de sa tentative de paix éclair, veut montrer qu’il ne plaisante plus.
Poutine, lui, fidèle à sa méthode, parle de paix tout en pilonnant l’Ukraine. Il fixe ses conditions, restées inchangées : l’Ukraine doit reconnaître l’annexion de cinq régions, abandonner toute ambition d’intégration à l’OTAN et renoncer aux livraisons d’armes occidentales. C’est, bien évidemment, un non catégorique pour Kiev. C’est aussi une manière de dire à Trump que l’ultimatum ne changera rien.
Et pendant ce temps-là, les morts s’accumulent. Fin juillet, l’armée russe a mené l’une de ses campagnes de bombardement les plus intenses depuis février 2022. Plus de 6.000 drones lancés en un mois, des missiles tirés chaque nuit et des dizaines de civils tués dans les rues de Kiev.
Et l’Ukraine, de plus en plus dépendante du soutien occidental, regarde Washington et Bruxelles avec un mélange d’espoir et de frustration.
Volodymyr Zelensky appelle à une rencontre directe avec Poutine. Une main tendue balayée par Moscou, qui affirme que seule la signature d’un accord écrit préalable justifierait un tel sommet. En clair : pas de négociation directe tant que l’Ukraine n’a pas capitulé sur le fond.
Bref, c’est l’impasse totale.
F. Ouriaghli