A l’occasion du 26ème anniversaire de son intronisation, le Roi Mohammed VI a livré un discours dense et maîtrisé, alliant réalisme social, ambition territoriale, fermeté institutionnelle et ouverture diplomatique.
Le 29 juillet 2025, depuis Tétouan, Sa Majesté a de nouveau saisi le micro, pour parler à son peuple. Sans trémolos inutiles ni effets de manche, mais avec cette tonalité désormais familière où l’optimisme ne cède jamais à l’euphorie.
En vingt-six ans de règne, le Souverain maintient résolument le cap d’un Maroc «avancé, uni et solidaire». Et il l’a rappelé, en insistant sur le fait que les progrès accomplis ne doivent rien au hasard, mais bien à «une vision à long terme» et à «la pertinence des choix majeurs opérés».
Croissance au rendez-vous malgré la sécheresse, bond industriel spectaculaire, infrastructures de classe mondiale, ou encore essor des métiers mondiaux du Maroc : les signes de progrès sont tangibles. «Les exportations industrielles, notamment celles liées aux métiers mondiaux, ont plus que doublé depuis 2014», a souligné le Roi. Automobile, aéronautique, énergies renouvelables, tourisme… : le Maroc coche donc toutes les cases de la diversification réussie.
Mais l’élan n’a pas de sens s’il laisse des Marocains sur le quai. Car oui, l’émergence n’est pertinente que si elle touche tous les citoyens, où qu’ils soient. «Il n’y a de place, ni aujourd’hui, ni demain pour un Maroc avançant à deux vitesses», a-t-il martelé.
Et si certains en doutaient encore, le Roi rappelle que la pauvreté multidimensionnelle est passée de 11,9 à 6,8% en dix ans, et que le Maroc a franchi le seuil des pays à «développement humain élevé».
Fierté, donc. Mais lucidité, toujours. «Certaines zones, surtout en milieu rural, endurent encore des formes de pauvreté et de précarité», constate-t-il.
Alors, place à «un véritable sursaut dans la mise à niveau globale des espaces territoriaux».
Traduction : l’Etat doit cesser de penser le développement depuis Rabat uniquement. Il doit «passer des canevas classiques du développement social à une approche en termes de développement territorial intégré».
C’est dit sans détour : oui, il y a encore des zones rurales qui sont dans le dur. Et non, cela ne correspond pas à «notre vision de ce que devrait être le Maroc d’aujourd’hui».
C’est pourquoi il faut des programmes de développement territorial, une «justice spatiale» et des projets concrets qui ne doivent pas finir dans un tiroir ministériel.
Dans ce cadre, le Souverain a appelé le gouvernement à élaborer une nouvelle génération de programmes de développement territorial devant agir sur quatre piliers, pour une croissance réellement inclusive : l’éducation, la santé, l’eau et l’emploi.
Main tendue, législatives…
Autre passage fort du discours royal : la diplomatie. La position du Maroc vis-à-vis de l’Algérie, on la connaît. Elle est «claire et constante» :«le peuple algérien est un peuple frère». Aucune aigreur, aucune pique. Et le Roi de rappeler, toujours avec cette même élégance, qu’il a «constamment tendu la main» à l’Algérie, appelant à un «dialogue franc et responsable».
La formule est peut-être usée, mais dans la bouche du Souverain, elle ne l’est jamais : ce n’est pas de la posture, c’est de la persévérance. Car malgré les silences, malgré les raideurs du voisin de l’Est, la conviction reste intacte. «Notre attachement inébranlable à la politique de la main tendue en direction de nos frères en Algérie procède de l’intime conviction que nous portons en nous, quant à l’unité de nos peuples et à notre capacité commune à dépasser cette situation regrettable», a-t-il affirmé.
En diplomatie toujours, un satisfecit assumé : «nous sommes fiers du soutien international croissant à la proposition d’autonomie», dit le Souverain à propos du Sahara marocain, saluant les positions «constructives» du Royaume-Uni et du Portugal, venues renforcer celles déjà nombreuses dans le concert des nations.
Et d’ajouter que «ces positions favorables au bon droit et à la légitimité nous inspirent honneur et fierté. Elles nous poussent davantage à la recherche d’une solution consensuelle qui sauve la face à toutes les parties, où il n’y aura ni vainqueur ni vaincu».
Par ailleurs, en fin stratège, Mohammed VI ne perd jamais de vue l’horloge institutionnelle. A moins d’un an des législatives, il a glissé une consigne claire : «préparer le Code général des élections à la Chambre des représentants (…) avant la fin de l’année en cours», avec des consultations politiques à la clé. Autrement dit : pas d’improvisation et pas d’arrière-pensées. L’exécutif doit faire son travail. Le Parlement aussi.
En somme, ce discours royal n’est ni un simple état des lieux, ni un exercice d’autosatisfaction. Il trace une trajectoire. Celle d’un Maroc volontaire. Un Maroc qui regarde ses fragilités en face sans renoncer à ses ambitions. Un Maroc qui ne s’incline ni devant la fatalité sociale, ni devant les crispations régionales. Avec pour boussole la parole d’un Roi qui veut un Royaume prospère, uni et solidaire.
F. Ouriaghli