Après le gel vient le dégel. Il était évident que ce froid qui a caractérisé les relations entre Rabat et Paris, durant de nombreux mois, devait, tôt ou tard, se muer en une accolade chaleureuse entre deux pays alliés autour de fondamentaux communs, et ce, à plus d’un niveau et à plus d’un égard.
Abdelhak Najib
Ecrivain-journaliste
Aujourd’hui plusieurs signaux nous montrent que le dialogue est rétabli : d’un côté l’échange entre Sa Majesté le Roi Mohammed VI et le président Emmanuel Macron, après la demi-finale de la Coupe du monde 2022, qui a opposé le Maroc à la France, avec le passage dans les vestiaires des Lions de l’Atlas du chef de l’Élysée qui a félicité les joueurs marocains pour leur grand exploit, et surtout avec la visite début 2023 du président français au Maroc pour essayer d’assainir le terrain avec le Maroc et ouvrir un nouveau chapitre dans les relations bilatérales qui doivent toujours être basées sur des intérêts communs d’égale importance et surtout un respect mutuel des causes nationales inaliénables comme c’est le cas de la question du Sahara marocain, un dossier prioritaire sur lequel Paris souffle le chaud et le froid, selon les humeurs des chefferies et des classes politiques françaises, ce qui est tout simplement inacceptable pour le Maroc et les Marocains.
En effet, ce gel diplomatique et politique entre les deux pays a culminé avec la grave crise des visas, une aberration que personne encore n’arrive à expliquer, encore moins justifier la visite du président français à Alger, avec tout ce qui s’en est suivi d’hostilité à l’encontre du Maroc, l’alignement de la Tunisie sur la politique irrationnelle du régime algérien, avec la farce de l’invitation d’un hors-la-loi de Tindouf à Tunis, en lui déroulant le tapis rouge sur un tarmac vide, dans une parodie du faux pouvoir, les déclarations intempestives de plusieurs politiciens français, y compris au sein de l’Élysée, dans une escalade des tensions dont la source, nous le savons, prend cœur en Afrique avec la politique marocaine dans le continent, avec les alliances capitales que Rabat a réussi à établir avec presque la totalité des pays africains, sur la base d’une coopération Sud-Sud, cheval de bataille de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui a mis sur les rails une vision à part, une philosophie de règne réaliste et pragmatique, poussant les Africains à prendre leur destin en main, en rejetant en bloc la tutelle de la désormais défunte Françafrique et l’hégémonie occidentale sur une Afrique qui refuse de continuer à servir de vivier pour l’Occident alors que les populations africaines sont constamment livrées à elles-mêmes, surtout par temps de grave crise mondiale, avec en tête la pandémie du Covid-19, qui a montré toutes les limites de ladite puissance des Occidentaux et surtout leur égoïsme face à l’aide humanitaire que le monde entier attendait d’eux.
Sans oublier aussi d’autres ingrédients de base qui ont poussé la France à la faute : l’alliance entre Rabat et Tel-Aviv, ce retour à la normalité entre les Marocains et leurs frères juifs a irrité Paris au plus haut degré puisque ce partenariat entre les deux pays met à mal tous les desseins de Paris dans le monde arabe et dans le Maghreb. Un épisode risible à plus d’un égard, ce qui avait donné corps, on s’en souvient, à des inventions sorties tout droit des casiers poussiéreux de la guerre froide, avec la fausse affaire Pegasus, les accusations d’espionnage et autres absurdités du même registre. Le tout saupoudré des saillies racistes et rétrogrades de personnages comme Éric Zemmour qui se voyait déjà occupant une chambre à l’Élysée avant de se faire laminer lors des élections présidentielles en mai 2022 et sortir par la voie de garage pour reprendre sa place là où il mérite d’y être. Bref, un concert cacophonique à la française avec comme cible l’excellence marocaine tous azimuts : en Afrique, dans le Maghreb, dans le monde arabe, avec les pays du Golfe, avec les USA et l’ensemble des deux Amériques, avec la Russie, la Chine, l’Inde et le Japon. Ce qui n’a fait que consolider les liens de Rabat avec tous ses partenaires se passant même de son amitié pourtant historique avec Paris, à qui le Maroc a rendu de fiers services notamment dans des dossiers d’extrême importance comme la lutte contre le terrorisme à la fois en Europe et dans la région du Sahel où l’armée française s’était enlisée avant de capituler.
Aujourd’hui, Paris semble vouloir effacer la brume épaisse de ces derniers mois en revenant à de meilleurs rapports avec un allié solide et crédible comme le Maroc, fer de lance de la stabilité politique dans toute cette région du monde, un allié puissant sur ses assises, avec une dynamique indéniable et une vision du monde résolument tournée vers des relations saines, de respect et d’estime entre les nations, dans des coopérations équilibrées, d’égal à égal, pour le bien de tous, dans un monde à la fois globalisé mais cédant de plus en plus aux polarisations et aux clivages régionaux.
Aujourd’hui, la France d’Emmanuel Macron a tout à gagner en remettant sur les bons rails ses relations séculaires avec le Maroc. A tous les niveaux, ce qui lie les deux nations est capital : l’économie, la finance, le monde des affaires, les nouvelles technologies, les défis énergétiques, la politique, la stabilité et la paix, et surtout une balance d’échanges entre Paris et le reste de l’Afrique dont le Maroc est aujourd’hui la porte d’entrée incontestée et incontestable.
Cette fin 2022 marque donc l’écriture d’une nouvelle page dans les relations entre Rabat et Paris. Avec comme point d’orgue la visite du président Macron pour s’entretenir avec le Souverain et installer, ensemble, dans la durée, une vision commune pour l’avenir des deux pays, avec la reconnaissance par Paris de la souveraineté du Maroc sur son Sahara. Un point sur lequel le Maroc demeure toujours intransigeant quels que puissent être les enjeux.