► Wiqaytna a franchi en quelques jours la barre de 1 million de téléchargements. Elle est basée sur un protocole utilisé par cinq pays dans le monde, dont Singapour, l'Australie et trois autres pays. Cela ne va pas sans poser des questions d’ordre technique et sécuritaire.
A leur sortie du confinement, plusieurs pays ont mis en place des applications mobiles dites de «contact tracing», qui permettent d’identifier les personnes entrées en contact avec les cas Covid-19.
En appui au port du masque, cette technologie de traçage a contribué à limiter la propagation du Coronavirus dans les pays asiatiques, là où elle est fortement employée.
Au Maroc, le gouvernement a levé le voile sur son dispositif numérique, aussi performant que ses analogues, et dont le procédé a donné lieu à un débat houleux à cause des risques qu’il pourrait faire peser sur les libertés et les droits fondamentaux.
A peine lancée, l’application Wiqaytna compte déjà 1 million d’utilisateurs. C’est un premier cap emblématique qui vient d’être franchi pour ce dispositif. Ce chiffre place l’application marocaine au 4ème rang mondial, devançant ainsi le StopCovid français et d’autres applications similaires. Wiqaytna est basée sur un protocole utilisé par cinq pays dans le monde, dont Singapour, l'Australie et trois autres pays. Son développement a duré à peu près 3 semaines par les équipes marocaines, ce qui est déjà un record en soi.
Ce système permet de notifier aux utilisateurs de l'application le risque d'exposition à la Covid-19. Ainsi, lorsqu’un utilisateur se trouve dans un rayon de couverture Bluetooth avec un appareil ayant la même application, les deux appareils échangent des cryptos-id, des identifiants temporaires et cryptés qui vont être stockés sur les téléphones pendant une durée de risque de contamination de 21 jours.
Ce dispositif donne des résultats efficaces, puisque ça permet d'identifier 90% des cas qui sont remontés chaque jour. «L’appli Wiqaytna vient digitaliser les investigations faites aujourd’hui sur le terrain par les équipes du ministère de la Santé dans la gestion de contacts», explique Zouheir Lakhdissi, PDG de Dial Technologies, lors d’un Webinaire organisé par l’Ausim.
Bluetooth vs géolocalisation
Téléchargeable sur iOS et Android, Wiqaytna a recours, comme la grande majorité de ses semblables, au Bluetooth ou à la géolocalisation. Selon les experts, la première catégorie sert à détecter la proximité entre les utilisateurs sains et ceux porteurs de la Covid-19, tandis que la seconde repose sur le suivi des déplacements des utilisateurs. Finalement, les données collectées peuvent ensuite être stockées et traitées de deux façons différentes.
«L’usage de la géolocalisation systématique des utilisateurs suscite de l’inquiétude, car cette piste représente une intrusion dans la vie privée des utilisateurs. De son côté, Wiqaytna utilise le Bluetooth, moins intrusive que la géolocalisation et ne collecte que les données strictement nécessaires à la mise en œuvre des mesures déterminées par les autorités sanitaires, à savoir numéro de téléphone, tranche d’âge, ville de résidence, le tout de manière anonyme et chiffrée et les données recueillies restent sur nos smartphones», estime Badreddine Baraze, développeur indépendant d’applications mobiles.
Risques acceptables
Ces promesses ne sont toutefois pas sans soulever, depuis quelques jours, des réserves sur les réseaux sociaux. Certains craignent notamment une atteinte aux libertés individuelles ou remettent en cause son efficacité.
Sur ce point, Omar Seghrouchni, président de la Commission nationale de contrôle de protection des données à caractère personnel (CNDP), a fait savoir qu’«Il n’y a aucune mauvaise intention et les équipes avec lesquelles nous avons travaillé pour mettre au point cette application ont exprimé une volonté profonde de bien faire les choses».
Il a de même affirmé que «la légitimité de la protection des données à caractère personnel est dans nos traditions, dans nos exigences sociétales et économiques. Elle est aussi dans nos engagements internationaux et dans notre contribution à l’universel et à ses standards».
Il faut reconnaître que nous sommes déjà entourés d’une multitude d’acteurs privés, notamment aux géants de la BigTech, sans nécessairement prendre conscience des risques pour le respect de notre vie privée. Or, la différence remarquable est qu’il s’agit de l’Etat et non de sociétés privées.
Contrairement à un réseau social, les données collectées ne sont utilisées que pour l’exécution d’une mission d’ordre public. Aujourd’hui, Wiqaytna a généré plus de 6.000 avis sur Play Store, dont la quasi majorité témoigne du bon concept de l’application marocaine de traçage. Il faut s’en réjouir et s’en féliciter à un moment où de grandes puissances mondiales sont sous la coupe des géants de la Silicon Valley.
Par A.K