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De l’homo connectus à la curiosité préhistorique

De l’homo connectus à la curiosité préhistorique

Il aura suffi d’un clignement d’œil, ou plutôt d’un grand plouf énergétique pour que l’Espagne et le Portugal se retrouvent, l'espace d'une journée, propulsés à l’âge de pierre. Ou presque. Lundi 28 avril 2025, à 12h30 tapantes, dame électricité a décidé de faire grève générale.

Résultat : plus de lumière, plus d’Internet, pagaille dans les aéroports, métros bloqués, trains à l’arrêt, files d’attente infinies aux arrêts de bus, embouteillages monstres et, surtout, grand moment de désœuvrement collectif sous la lumière blafarde des lampes de poche.

La péninsule ibérique est soudain redevenue ce qu’elle n’avait plus été depuis longtemps : un vaste territoire privé de ses joujoux électroniques et parcouru par des hommes et des femmes marchant, regards perdus et déconnectés de tout. Alors, l’espace d’une vingtaine d’heures, il leur a fallu réapprendre à vivre comme leurs ancêtres : s’éclairer à la bougie (quand on en trouvait), parler à ses voisins (quand on se souvenait de leur prénom), se passer de TikTok, Facebook, Instragram…

Un véritable vertige existentiel, surtout quand on sait que la seule idée d’une panne de Wifi suffit d'ordinaire à plonger tout un pays dans une angoisse collective. A Madrid, Barcelone, Lisbonne et ailleurs, la panne aura offert des scènes d’une rare intensité dramatique. Car le plus impressionnant n’est pas tant ce blackout que ce qu’elle a révélé : une incapacité terrifiante du monde contemporain à envisager l'existence sans courant continu de 220 volts.

Sans électricité, l’individu moderne, si fier de son intelligence artificielle et de ses voitures électriques, redevient un bipède hagard, complètement déboussolé. Pour qui aurait eu le courage d'observer la scène depuis un banc public non éclairé, le spectacle était presque attendrissant : un peuple tout entier redécouvrant que l’humain est complètement démuni.

Vide. Surtout quand il n’a plus de batterie. Pour autant, de Madrid à Lisbonne, on a réappris, le temps d'une nuit, ce qu'était une vraie conversation autour d'une bougie. Ce qu'était une ville sans le bourdonnement permanent des moteurs et des notifications. Ce qu’était une vie sans Google Maps ou Waze pour nous dire par où passer.

Ce qu’était simplement avoir une vie sociale. Au moment où l’on écrivait ces lignes, l'origine de cette panne géante restait un mystère. Pedro Sánchez, Premier ministre espagnol au calme olympien (ou presque), n’avait cependant écarté aucune hypothèse. Surtension accidentelle, sabotage, attaque cybernétique, voire même vengeance divine contre le toutélectrique (sic !), tout est sur la table. Moralité de cette mésaventure et/ou expérience, c’est selon ?

Nous avons construit des empires technologiques sur des fondations aussi solides qu’un château de cartes alimenté par du 220 volts. Il suffit d’une secousse pour que tout s’effondre et que l’homo connectus redevienne une curiosité préhistorique. Mais dans ce grand blackout, a scintillé un moment de fraternité ibéro-marocaine : Rabat, dans un bel élan de solidarité, a envoyé du jus à son voisin espagnol. Comme quoi, même sans électricité, il reste des connexions qui tiennent bon. 

 

Par D. William

 

 

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