La Croatie a adopté l'euro et intégré l'espace Schengen de libre circulation, deux étapes majeures pour ce petit pays des Balkans qui a rejoint l'Union européenne voilà près d'une décennie.
La Croatie a dit adieu samedi à minuit (23H00 GMT) à sa monnaie, la kuna, pour devenir le vingtième membre de la zone euro.
Elle devient en même temps le 27e Etat à rejoindre l'espace Schengen, vaste zone au sein de laquelle plus de 400 millions de personnes peuvent voyager librement sans contrôles aux frontières intérieures.
Pour le quotidien gouvernemental Vecernji List, ces deux événements sont le "couronnement de l'adhésion à l'UE" de la Croatie.
"C'est la période des nouveaux départs, et c'est le cas en Croatie plus que partout ailleurs en Europe", a tweeté la cheffe de la commission européenne Ursula von der Leyen en arrivant en Croatie pour marquer l'événement.
La responsable européenne a rencontré le Premier ministre croate Andrej Plenkovic et la cheffe de l'Etat slovène Natasa Pirc Musar à la frontière entre les deux pays, avant d'aller à Zagreb.
Lors d'une conférence de presse conjointe au poste-frontière de Bregana, Mme von der Leyen a salué "deux immenses réalisations" pour la Croatie, toutes deux atteintes le même jour.
"Alors en effet c'est un jour pour les livres d'histoire" , a-t-elle dit.
De son côté, le Premier ministre croate a déclaré qu'il s'agissait d'un "moment historique" car la Croatie a atteint ses "objectifs stratégiques".
Mme von der Leyen s'est ensuite rendue à Zagreb où elle a pris un café sur la place centrale de la capitale croate avec des responsables croates et M. Plenkovic, qui a payé l'addition en euros.
La Croatie, dans l'Union européenne depuis juillet 2013, a proclamé son indépendance de la Yougoslavie en 1991 et le conflit qui a suivi (1991-1995) a fait quelque 20.000 morts.
Les dirigeants croates soulignent régulièrement les bénéfices que retireront selon eux leurs 3,9 millions de compatriotes de l'entrée dans la zone euro et dans l'espace Schengen.
Pour les experts, le passage à l'euro contribuera à protéger l'économie croate, l'une des plus faibles de l'UE, face à une inflation galopante, une grave crise énergétique et à l'insécurité géopolitique depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février.
"Bienvenue, chers amis Croates", dans cette monnaie commune, "l'euro", a déclaré en croate le président français Emmanuel Macron au début d'un message vidéo dimanche, pour saluer l'adoption par la Croatie de l'euro, une devise "stable et solide" qui contribue à la résilience de l'Europe face à ce conflit.
En novembre, l'inflation a atteint 13,5% en Croatie, contre 10% dans la zone euro.
Des pays d'Europe de l'Est membres de l'UE mais n'ayant pas opté pour l'euro, comme la Pologne et la Hongrie, se sont révélés encore plus vulnérables à l'inflation.
Pour le gouverneur de la banque centrale croate (Banque nationale de Croatie, HNB), Boris Vujcic, l'abandon de la kuna, mise en circulation en 1994, est la "seule politique raisonnable".
"L'euro apporte certainement de la stabilité et de la sécurité" économiques, a confirmé à l'AFP Ana Sabic, une responsable de la HNB, ajoutant que tous les acteurs de la société en tireront avantage.
Les experts citent en particulier la suppression des risques de change et de meilleures conditions pour les emprunts.
Les Croates éprouvent pour leur part des sentiments mitigés: s'ils se réjouissent en général de la fin des contrôles aux frontières, le changement de monnaie inspire de la méfiance.
Ces derniers jours, les clients ont fait la queue devant les banques et les distributeurs automatiques de billets pour retirer de l'argent, craignant des problèmes de liquidités au lendemain de la période de transition.
Tôt dimanche, le gouverneur de la banque centrale a retiré symboliquement des euros d'un distributeur à Zagreb.
Nombre de Croates redoutent que l'introduction de l'euro n'entraîne une hausse des prix. "Cela va être difficile, les prix sont déjà hauts et ils vont encore monter", redoute Ivana Toncic, une enseignante de Zagreb.
Mais pour Marko Pavic, un employé d'une agence de tourisme, "la Croatie rejoint un club d'élite".
Et "rien ne change le 1er janvier, tout est calculé en euros depuis deux décennies de toute manière", complète Neven Banic, un autre employé.
Environ 80% des dépôts bancaires étaient déjà libellés en euros en Croatie, ses principaux partenaires se trouvent dans la zone euro et le tourisme, qui constitue 20% de son PIB, est alimenté par une importante clientèle européenne.
La Croatie a accueilli cette année quatre fois plus de touristes qu'elle ne compte d'habitants et l'entrée dans la zone Schengen va donner un coup de fouet à ce secteur.
Dimanche, 73 postes-frontière vont fermer. Dans les aéroports, le changement se fera le 26 mars, pour des raisons techniques.
Parallèlement, la situation aux frontières de la Croatie avec ses voisins non-membres de l'UE - Bosnie, Monténégro et Serbie - ne va guère changer : elle y applique déjà les règles de l'espace Schengen.
La répression de l'immigration illégale reste en revanche un défi majeur. Depuis qu'elle a rejoint l'UE, la Croatie a hérité de la lourde tâche de protéger une frontière extérieure terrestre longue de plus de 1.350 km dont la majeure partie est partagée avec la Bosnie.
Elle se trouve sur la route dite des Balkans occidentaux empruntée par les migrants, mais aussi par des trafiquants d'armes, de drogue et d'êtres humains.
La Croatie a enregistré 30.000 migrants illégaux au cours des dix premiers mois de 2022, soit une augmentation de 150% par rapport à la même période de l'année précédente.