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Séisme au Maroc : Une nuit cauchemardesque

Séisme au Maroc : Une nuit cauchemardesque

23h10. Casablanca. La nuit du 8 au 9 septembre 2023. Un vacillement du sol se ressent comme si une voie ferrée passait à proximité de la maison.

Puis, en une fraction de seconde, les murs ont commencé à bouger, les rideaux craquaient sous la pression des murs, le tremblement de terre se fait sentir avec une telle intensité que tous les habitants du quartier ont dévalé les escaliers en criant au séisme «Zelzal».

Cette panique extrême dure au moins 15 secondes qui ont semblé de longues minutes. Dans la rue, les voisins se sont rassemblés et parlaient fort. Certains ont été arrachés à leur sommeil.

Des femmes, des enfants ainsi que les parents ont porté à bout de bras de vieilles personnes qui ont été aidées pour sortir dehors. Les uns et les autres sont sous le choc. Paniqués. La peur se lit sur tous les visages. L’angoisse et des interrogations.

«Mais qu’est-ce qui se passe ?», crie cette dame, le visage décomposé. Les coups de fil affluent de toutes parts. On s’écrit, on s’appelle, on demande des infos, on récolte des données, on essaie d’être informé pour informer les autres.

 

La rue est déjà bondée à 23 h 20. Un monde fou afflue avec couvertures et coussins. Le boulevard est désormais une marée humaine. Des gens en voiture, d’autres en moto, la majorité à pied.

Les infos fusent : «6,9 sur l’échelle de Richter. C’est la région de Marrakech qui est touchée. L’épicentre est dans cette zone».

Là, on réalise l’intensité du séisme et on s’attend au pire. «C’est peut-être le plus grand tremblement de terre de l’histoire du Maroc», dit une femme, avec sa mère et ses deux filles, emmitouflées dans une couverture.

C’est à ce moment que nous avons reçu les premières images et vidéos amateurs de Marrakech et sa région. Des pans entiers de murailles effondrés. Une mosquée qui s’est effondrée. Des appels au secours de la région de Moulay Brahim. La médina de Marrakech vit à ce moment une nuit dantesque.

Mais, nous sommes très loin de soupçonner le drame qui était en train de se jouer durant cette nuit inoubliable. Vers minuit, nous avons déjà les premiers détails du séisme. Mais pas de bilan encore. On pense au pire, mais pas à ce point. «Il ne faut pas rentrer chez vous, lance un homme. Des répliques peuvent et vont survenir. Restons dehors et attendons». Le mot est passé. On attend.

Les enfants ont peur et ne comprennent pas, malgré les explications des parents, ce qui se passe réellement. Certains dorment dans la rue, déjà, sous les couvertures. La nuit va être longue. Interminable.

 

Vers 1 h du matin, on a réussi à avoir un ami de la région de Ouirgane. Un ami cycliste y vit et s’y entraîne. C’est lui qui nous informe que sa tante est morte dans son sommeil. La maisonnette s’est effondrée. Pas de rescapés.

C’est là qu’un autre cycliste qui vit a Imlil répond au téléphone, après une heure d’appels en vain. Son douar est très touché. Il y a des morts et des maisons sont en ruines. Là, on a compris que le bilan allait être très lourd.

Mais jusqu’à 3h 30 du matin, toujours dans la rue, nous n’avions encore aucune donnée vérifiable en termes de chiffres et de dégâts.

On savait par contre que le CHU de Marrakech était déjà saturé et que des patients alités étaient dehors, dans la rue, par précaution. On savait aussi que les secours se mettaient en place et que les pompiers étaient sur le pied de guerre.

Des images circulaient par WhatsApp. Les gens hurlent, pleurent, appellent au secours. Le drame s’est précisé. Cette nuit restera dans les annales du pays comme une nuit noire.

5 heures du matin, on apprend, de source officielle, que les dégâts sont surtout visibles à Marrakech, notamment dans la Medina, dans les montagnes de l’Atlas et dans la région d’Agadir. On parle de plusieurs morts. Beaucoup de blessés.

D’ailleurs, l’afflux de victimes au CHU Mohammed VI de Marrakech avait déjà saturé les urgences de l’hôpital. Le centre de transfusion sanguine de la ville a appelé aux dons de sang dès l’ouverture de ses portes à 9 heures du matin, samedi 9 septembre. Des centaines de donateurs font la queue et attendent leur tour.

 

Le bilan est déjà lourd : de 296 morts à 2h du matin, on en est à 1.037 morts à la mi-journée et 1.204 blessés.

 

C’est là que l’on mesure que ce tremblement de terre est unique en son genre, comme le précise Nacer Jabour, le directeur de l’institut national de géophysique : «C’est la première fois depuis un siècle que le réseau instrumental enregistre un tel niveau de sévérité sismique».

C’est dire les proportions de la catastrophe qui a frappé le Maroc cette nuit. Cela rappelle d’autres tragédies. Les derniers plus grands séismes étaient celui d’Agadir en 1960, de magnitude inférieure, entre 5,5 et 6, à 80 km à l’ouest de celui qui vient d’arriver. Il avait fait 12.000 victimes à l’époque. Il y a aussi celui de 2004, à Al Hoceïma, de magnitude 6,4, qui avait fait près de 700 victimes dans la région.

Ce qui fait dire au sismologue Jérôme Van der Woerd que c’est là un séisme historique que vient de vivre le Maroc cette nuit du 8 au 9 septembre 2023. Son ampleur, sa profondeur, sa localisation en font un événement majeur pour les scientifiques.

Des répliques sont à craindre dans les heures ou jours à venir. «C’est une magnitude entre 6,8 et 6,9, presque 7. C’est un séisme grand pour le Maroc, mais pour l’ensemble de cette région, c’est un séisme très important. C’est le plus grand séisme de cette zone de mémoire d’homme».

Le bilan risque de s’alourdir. Pour les scientifiques, la barre des 1.000 morts peut être franchie. Ce qui fait de ce séisme la pire catastrophe naturelle du Maroc moderne en plus d’un demi-siècle. Des villages ravagés. Des douars dévastés. Des maisons effondrées. Des cadavres sous les décombres. Les forces d’intervention essaient de sauver ce qui peut être sauvé.

Et pendant ce temps, c’est un concert de solidarité mondiale qui afflue des USA au Japon, en passant par le Royaume-Uni, l’Espagne, la Russie, les pays africains… pour aider le Royaume à traverser cette terrible tragédie nationale.

 

Abdelhak Najib, Écrivain-journaliste

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