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Coronavirus: «Le Maroc est dans l’obligation de surveiller les différents variants»

Coronavirus: «Le Maroc est dans l’obligation de surveiller les différents variants»

L’Inde, le pays d'1,3 milliard d'habitants, a connu une 3ème vague ravageuse qui a ébranlé son système de santé.

Elle enregistre chaque jour entre 300 et 400 mille nouveaux cas de covid-19.

Le Professeur Azeddine Ibrahimi, directeur du laboratoire de biotechnologie de la Faculté de médecine et de pharmacie de Rabat, commente les faits marquants de cette catastrophe épidémiologique. Il revient également sur le variant indien et sa présence sur le territoire national.

 

Propos recueillis par Ibtissam. Z.

 

Finances News Hebdo : On assiste de plus en plus à l’apparition de nouveaux variants du coronavirus dans le monde, malgré les campagnes de vaccination. Que pouvez-vous nous dire à ce propos ?

Pr Azeddine Ibrahimi : Tout d’abord, il faut expliquer comment naissent ces variants. En se multipliant, le virus va commettre des erreurs. C’est ce qu’on appelle des mutations qui, des fois, n’ont aucun impact sur les caractéristiques du virus. Il arrive parfois qu’une mutation atteigne un certain niveau de la structure du génome du virus qui va entraîner l’apparition de quelques caractéristiques. J’en cite quatre. Primo, est-ce qu’on arrive toujours à détecter le virus, donc le diagnostic marche. Secundo, voir si le virus circule de la même manière ou plus ou moins plus rapidement. Tertio, voir la pathogénicité, c’est-à-dire si le variant entraîne une augmentation de la sévérité de la pathologie.

Et la dernière caractéristique, c’est son effet sur l’immunité. D’une part, est-ce que le variant va infecter les gens qui ont déjà été porteur du virus et qui ont développé une immunité naturelle, ou est-ce qu’il échappe à cette immunité acquise grâce à la vaccination ? Ces 4 points doivent être consultés chaque fois qu’on aura un variant. Je rappelle que le variant britannique est apparu dès le mois de décembre, mais je pense qu’il était déjà présent bien avant en Grande-Bretagne. Ce variant B117 a la caractéristique de circuler plus rapidement, alors qu’il ne touche ni la gravité de la pathologie ni l’échappement immunitaire, et on arrive à le diagnostiquer. Dès le mois de janvier, on savait que ce variant sera dominant à travers le monde, et en particulier au Maroc.

 

F.N.H. : Le Maroc a fermé ses frontières avec l'Inde le 24 avril. N’empêche que deux cas du variant indien ont été détectés dans le Royaume. Finalement, fermer les frontières, est-ce la bonne méthode ?

Pr A. I. : Le Maroc a toujours été fidèle à son approche anticipative, et chaque fois qu’il y a un pays qui développe un variant, on ferme les frontières par précaution. Bien évidemment, la fermeture des frontières est une décision difficile, tant sur les plans social qu’économique. Mais cette démarche est nécessaire pour limiter l’arrivée des variants. C’est la même décision qu’a prise le Royaume envers la Grande-Bretagne, l’Afrique du Sud ou encore le Brésil. Le Maroc a fermé ses frontières avec pas moins de 50 pays, dont récemment l’Inde. Je rappelle que le variant indien existe dans plusieurs pays (18, dont le Maroc; ndlr). Malgré toutes les précautions prises, on vient de détecter lundi 3 avril deux cas atteints du variant indien au niveau de Casablanca. Le premier est enregistré chez une personne venant de l’étranger et l’autre provenant de ses contacts. Le risque zéro n’existe pas. La vigilance, le respect des restrictions sanitaires et les gestes barrières sont importants. Le Maroc revoit chaque semaine les pays avec lesquels il doit fermer ses frontières pour minimiser les risques et éviter une dégradation de la situation épidémiologique.

 

F.N.H. : Le  variant indien inquiète grandement à cause de la dégradation de la situation sanitaire en Inde, mais les spécialistes insistent sur le fait qu'il est loin d'être le seul responsable. Qu’en pensez-vous  et faut-il s’inquiéter de sa présence sur le marocain ?

Pr A. I. : Il est vrai que la situation épidémiologique en Inde est catastrophique, avec un effondrement total du système de santé. Du point de vue génétique, le variant indien est un double mutant qui a pu développer deux mutations  : la première est la britannique et la deuxième, la californienne. Ce que l’on sait de ce double mutant, c’est qu’on arrive à le diagnostiquer.  En ce qui concerne la pathogénicité du variant indien, il n’y a hélas pas beaucoup d’études qui déterminent s’il donne des cas sévères pour les personnes infectées. Pour l'immunité, les études ne sont pas catégoriques, mais il existe une seule réalisée en Israël qui a démontré une diminution de l’immunité vis-à-vis du vaccin BioNTech- Pfizer. Ce qui est plus ou moins certain, c’est que ce variant circule plus rapidement. Et avec cette rapidité de circulation, il y a possibilité qu’il atteigne les personnes vulnérables et à risque, et c’est ce qu'on observe actuellement en Inde. Néanmoins, en analysant la situation épidémiologique et sanitaire en Inde, l’on peut déduire que le variant n’est pas le seul responsable.

Des facteurs socioculturels, religieux et politiques entrent en jeu. En regardant les datas et les données du mois de février, on remarque en effet que la situation était plus ou moins stable; et je pense que pour le gouvernement indien et la population, il y avait ce faux sentiment de sécurité. De ce fait, il y a eu les élections, en plus du pèlerinage qui a rassemblé des millions de personnes sans aucune protection. Ces personnes se sont éparpillées à travers l’Inde, ce qui a entraîné quelques semaines plus tard une explosion des cas de contamination. Cette situation nous pousse à réfléchir. Pour revenir à la situation marocaine, nous sommes dans l’obligation de surveiller tous ces variants. Actuellement, c’est le britannique qui domine. Je pense que revenir aux gestes barrières est quelque chose d’essentiel et d’important dans ce combat contre la pandémie. Il y a aussi cette décision très douloureuse que beaucoup de personnes n’ont pas assimilé, à savoir les restrictions nocturnes durant le mois de ramadan. Mais elles doivent comprendre que les rassemblements et le non-respect des gestes barrières  sont vraiment dangereux. L’Inde en est un parfait exemple. Le Chili aussi n’est pas en reste, car même avec plus de 36% de la population vaccinée, cela n’a pas empêché ce pays de revenir à la case départ à cause d’un relâchement total de la population. Résultat : la situation épidémiologique y est devenue catastrophique. 

 

F.N.H. : Le variant indien est-il aussi dangereux et contagieux que le variant anglais par exemple ?

Pr A. I. : En général, le problème des variants qui circulent rapidement, comme le britannique, le californien ou encore l’indien, c'est qu’il y a à chaque fois une multiplication du virus, avec des erreurs qui vont entraîner des mutations. L’apparition d’une combinaison de mutation dans un variant va au niveau d’une position particulière, surtout au niveau de la position de la protéine spike, qui va entraîner certainement le changement de ses caractéristiques. Ce changement impose qu’on étudie de très près, voire son impact sur le diagnostic, la circulation, la pathogénicité et l’immunité. C’est pour cette raison qu’il faut vraiment être très vigilant. Le Maroc a fait le bon choix au début du

mois de ramadan  : les chiffres sont en baisse, avec effectivement une stabilisation de la situation épidémiologique dans le Royaume.  Mais la vigilance  est à maintenir  absolument, car il faut toujours garder en tête l’exemple de ces pays qui sont passés rapidement d’une situation stable et contrôlée à une situation catastrophique. A ce titre, l’implication de l’OMS et de tous les pays pour venir en aide à l’Inde s'impose, parce que si on laisse le virus se multiplier là-bas, comme on l'a fait au Brésil, cela va entraîner l’apparition d’autres variants et on ne va pas s’en sortir. Une sortie de cette pandémie ne pourra se faire qu’à travers une solution mondiale.

 

Ce que recommande le Pr Ibrahimi
Compte tenu de la situation épidémiologique actuelle, le Pr Ibrahimi recommande, entre autres, de garder la fermeture des frontières jusqu’à nouvel ordre pour s’assurer que les variants n’arrivent pas. Il s’agit aussi d’assurer la veille génomique, très importante pour analyser et voir les variants qui circulent au Maroc, et de maintenir les gestes barrières individuellement et collectivement. «Il a été démontré que le port d’un masque, la distanciation, l’utilisation du gel hydro alcoolique avec une bonne hygiène, sont des gestes simples qui permettent de lutter contre la pandémie et les variants», indique-t-il. «Il faut que tout le monde adhère à la nécessité des restrictions institutionnelles. Elles ont été prises pour limiter la propagation du virus. Durant ce mois sacré de ramadan, on voit bien que la situation est stable. Le Maroc peut être parmi les premiers pays à sorti

 

 

 

 

 

 

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