L’équation est à une seule inconnue. Laquelle ? La qualité du cursus des études en médecine et en pharmacie, point sur lequel les étudiants grévistes depuis sept mois restent intransigeants et indéboulonnables.
Abdelhak Najib Ecrivain-journaliste
Les points annexes sont subsidiaires et font partie de tout un ensemble de revendications sur lesquelles butent les deux ministres concernés directement par cette crise sans précédent, à savoir, le département de Abdellatif Miraoui, l’Enseignement supérieur et celui de Khalid Aït Taleb, la Santé et la protection sociale. Après les premiers épisodes au tout début des grèves vers la fin décembre 2023, où les deux ministres étaient sûrs que les étudiants allaient plier à leurs pressions, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et nous en sommes aujourd’hui face à une impasse dont le premier danger est l’année blanche qui se profile. Arrêtons-nous un instant sur cette année blanche. Si elle devait être actée, l’échec des deux ministères est alors irréparable. Car, le fond du problème, la pomme de discorde entre les deux départements gouvernementaux et les étudiants en grève, c’est cette septième année qui n’a plus lieu d’être selon le plan des deux ministères, qui optent pour une durée de six années d’études pour vite mettre sur le marché du travail de nouveaux médecins. Sauf que dans cette logique, si on a là une année blanche on aura perdu deux années pour des milliers de futurs diplômés qui ont sacrifié une bonne partie de leur vie à suivre ces études pour s’assurer un travail digne après l’obtention de leur diplôme. Alors, à quoi aura servi ce bras de fer stérile ? À ajouter plus d’handicap dans un cursus scolaire déjà décrié par les étudiants eux-mêmes et par un bon nombre d’enseignants qui dénoncent depuis des années la mauvaise qualité des cours et la formation bancale de nombreux diplômés qui finissent médecins tout en accusant plusieurs lacunes, ce qui se répercute sur la qualité des diagnostics, sur la qualité des soins et sur les attentes des populations marocaines, qui, encore une fois, il faut le souligner, méritent des services de santé optimaux et dignes de ce nom.
Pourtant, pour le ministre de l’Enseignement supérieur, Abdellatif Miraoui : «Le gouvernement s’est engagé à concrétiser nombre de revendications, à condition que les étudiants passent les examens et que les facultés reprennent leur fonctionnement normal ». Il ajoute qu’il s’agit là de réviser les sanctions disciplinaires en autorisant les étudiants suspendus de passer les examens, de modifier le relevé de notes en remplaçant la note zéro attribuée aux absents lors du premier semestre, outre la possibilité de poursuivre la formation après la réussite aux examens avec la programmation des stages hospitaliers pour rattraper les périodes de boycott, tout en veillant à compléter tous les stages dans leur durée prévue. Penchons-nous un peu sur la déclaration du ministre. Elle est porteuse de plusieurs indicateurs qui montrent que le climat déjà délétère a franchi un seuil qui semble irréversible, à plus d’un égard. D’abord, le ministre affirme réviser les sanctions disciplinaires, ce qui est un aveu de rapport de force entre son département et les grévistes, alors que la voix du dialogue aurait certainement apporté des débuts de solutions viables pour tous. Ensuite, le ministre parle de la note zéro donnée aux absents du premier semestre. Un autre indicateur de l’approche correctionnelle du ministère qui inflige des zéros pointés aux étudiants pour les obliger d’accepter ce qu’ils refusent d’admettre. Ce n’est certainement pas avec un zéro que l’on arrive à trouver une solution à ce problème, qui a pris des ampleurs plus graves. Enfin, les absents pourront rattraper les périodes de boycott et compléter tous les stages. Et ce, alors qu’ils ont été en grève plus de sept mois. C’est-à-dire sans cours, sans formation, sans avoir rien appris. Autrement dit, on passe l’éponge sur toute une année et on continue dans la logique de bricoler dans l’incurable, à défaut de trouver une solution digne de ce nom, ce qui est le rôle de Abdellatif Miraoui, en tant que responsable de l’Enseignement supérieur dans ce pays.
«Les étudiants auront aussi la possibilité de bénéficier d’une année de stage après six ans d’études, avec une bourse, ajoute Abdellatif Miraoui, relevant que l'objectif de la réduction des années d’études à 6 ans n’est pas économique, mais vise à optimiser la qualité de formation, à contribuer à l’amélioration du système de santé national et à le renforcer avec les ressources humaines nécessaires, en tenant compte des nouvelles exigences des professions de médecin et de pharmacien». Inutile de rappeler ici que dans le contexte des études de médecine et de pharmacie, comme d’autres branches, aujourd’hui au Maroc, le grand mal est la qualité des cours et la solidité des formations surtout dans un domaine comme la médecine où les futurs médecins doivent être irréprochables à tous points de vue et être capables de soigner les Marocains, qui souffrent depuis des décennies de la mauvaise qualité des soins justement et de la situation détériorée de plusieurs établissements de santé entre vétusté, anarchie et manque de médicaments et de suivi.
Pour une fois que nous avons des étudiants marocains qui refusent un cursus universitaires tronqué, dans un pays comme le Maroc où les universités manquent cruellement de moyens et surtout de grandes compétences, comme tout le monde le sait, il est grand temps de réviser sa vision des choses et de penser à l’intérêt général des Marocains en leur proposants des profils de médecins parfaitement formés, avec des compétences indiscutables, des médecins capables de relever les grands défis de la santé au Maroc tel que Sa Majesté le Roi le veut pour son peuple faisant de ce département l’une des priorités de son règne, car il en va de la protection sociale des Marocains qui ont assez enduré les dysfonctionnements chroniques dans les hôpitaux, les dispensaires et autres unités de soins.