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Négociateur professionnel: «Ce qui est véritablement déterminant, c’est l’expertise et l’expérience»

Négociateur professionnel: «Ce qui est véritablement déterminant, c’est l’expertise et l’expérience»

La négociation est un métier de l’ombre, mais clé de voûte des conflits.

Contrairement à ce que l’on pense, la négociation n’est pas du soft skill, mais plutôt du hard skill.

Entretien avec Marwan Mery, négociateur professionnel, auteur et fondateur du 1er réseau mondial de négociation «ADN Group».

 

Propos recueillis par Ibtissam Z.

Finances News Hebdo : Négociateur professionnel est un métier peu commun. Pourquoi vous vous êtes orientés vers ce domaine ?

Marwan Mery : Je suppose que mon appétence au conflit a été déterminante dans mon orientation. Et le fait d’être né dans un pays en guerre m’a certainement poussé à construire ma vie dans le but d’aider les autres, notamment ceux qui souffrent d’un rapport de force défavorable. J’ai la chance de faire un métier exigeant, difficile mais qui me passionne.

 

F.N.H. : Justement, vous êtes né à Beyrouth et votre enfance a été émaillée par la guerre au Liban. Ce vécu a-t-il renforcé votre rapport à la gestion des crises et avez-vous eu l’occasion de gérer une situation délicate dans votre pays ?

M. M. : Notre enfance impacte toujours la personne que nous devenons. Je dirais que cette expérience a façonné mon rapport aux gens et aux choses. Rien n’est perdu tant qu’on n’a pas essayé. Il faut tout oser et ne pas avoir peur de faire face à une situation, quelle qu’elle soit. Les limites des autres ne doivent pas devenir les nôtres. Bien évidemment, et à titre personnel, j’ai géré des dizaines de situations sensibles, que ce soit la fermeture d’une usine, le kidnapping d’une personne, la déstabilisation d’une organisation, la perte d’un client en situation monopolistique… Nous gérons tous des crises à un moment ou un autre; certaines ont simplement un impact plus important et nécessitent une expertise singulière.

 

F.N.H. : En quoi consiste votre travail et quelles sont les aptitudes qu’il faut avoir pour réussir dans la mission de négociateur ?

M. M. : Mon métier consiste à gérer des conflits. Mes équipes et moi-même sommes souvent appelés quand les méthodes classiques ne fonctionnent plus. Contrairement à ce que l’on peut penser, la négociation n’est pas du soft skill, mais du hard skill. Au niveau des aptitudes, il est nécessaire de posséder des compétences de base comme l’empathie, l’assertivité, la maîtrise émotionnelle, la gestion du stress ou encore l’écoute. Cependant, ce qui est véritablement déterminant, c’est l’expertise et l’expérience. A titre d’exemple, reprendre l’ascendant d’une situation dégradée, neutraliser un profil complexe, contrecarrer une menace, induire le changement ou encore faire accepter une solution dégradée chez quelqu’un requiert beaucoup d’expertise.

 

F.N.H. : Les 16 et 17 novembre 2022, des Masterclass en détection du mensonge seront organisées pour la première fois au Maroc. Quelle est la finalité de ce genre de rencontre ?

M. M. : Je travaille sur le thème du mensonge depuis 26 ans maintenant. Que ce soit dans le cadre d’une négociation, d’un entretien, d’un interrogatoire, d’une audition ou simplement une relation informelle, certaines personnes peuvent être amenées à déformer la vérité. Le but de cette Masterclass est de porter un regard éclairé sur des situations complexes. De façon scientifique, cette Masterclass permet de comprendre l’homme au-delà des mots, notamment en étudiant le verbal, le para verbal et le non verbal. J’ai conduit des centaines de négociations, d’entretiens et d’interrogatoires dans ma vie. Savoir analyser les gens m’a toujours été d’une aide précieuse, notamment pour prendre des décisions structurantes. Toujours dans le souci de partager avec le plus grand nombre, venir au Maroc pour proposer ce type de formation nous permet d’être utiles aux entreprises qui font chaque jour face à ce genre de situations.

 

F.N.H. : Quel est votre programme d’intervention pour l’année prochaine au niveau du Maroc ?

M. M. : Grâce au partenariat avec l’AMDN, nous allons pouvoir déployer un programme unique, avec des sessions de masterclass sur de la détection de mensonge durant le mois de novembre 2022. D’autres programmes seront également au menu. En janvier-février 2023, nous allons axer sur la vente influente; durant le mois de mars-avril, nous nous focaliserons sur le management commercial et, pendant le mois de mai, nous nous intéresserons au leadership, la charge cognitive et bien entendu la négociation complexe.

 

F.N.H. : Vous êtes à la tête d’ADN Group, une agence de négociateurs. Quelle est la genèse de cette agence qui opère également à l’étranger ?

M. M. : Il y a 10 ans maintenant, l’idée était de proposer des services professionnels en négociation complexe à destination d’entreprises, d’organisations gouvernementales et d’ONG. ADN est précisément née de cette idée. Le métier de négociateur professionnel n’existait pas. Nous l’avons donc façonné afin de répondre à une demande latente. Puis, nous avons été dépassés par le succès. ADN Group compte désormais une trentaine d’experts, répartis en France, au Royaume-Uni, en Suisse, aux Émirats Arabes Unis et évidemment au Maroc. Nous avons la chance de collaborer avec l’AMDN, l’Agence marocaine de négociation, dirigée par Narjiss Loudiyi, une femme exceptionnelle que j’ai eu le privilège de former à Paris. L’AMDN propose ainsi des services équivalents à ADN (négociation complexe, détection du mensonge, leadership & management, vente, gestion du stress et performance émotionnelle) à destination du Maghreb et des pays africains.

 

F.N.H. : Quel est votre apport auprès des Nations unies en tant que consultant en négociation difficile, voire complexe ?

M. M. : Je travaille beaucoup pour l’UNITAR, l’Institut des Nations unies pour la formation et la recherche. Mon rôle est de former et d’accompagner des diplomates du monde entier dans la conduite de leur négociation complexe. C’est à la fois passionnant et très enrichissant.

 

F.N.H. : Durant l’accomplissement de votre travail, quel a été le fait marquant, le plus incisif en tant que négociateur professionnel ?

M. M. : Beaucoup de négociations m’ont marqué. Si je dois en choisir une récente, je dirais celle-ci : une très grande multinationale a fait l’objet d’une extorsion qui menaçait l’avenir de 10.000 salariés. En d’autres termes, si la négociation devait échouer, 10.000 personnes se retrouveraient au chômage. J’ai négocié pendant 3 mois et j’ai réussi à sauver leurs emplois, ce qui est gratifiant au- delà même de l’accomplissement. D’ailleurs, les salariés en question n’en ont jamais rien su.

 

F.N.H. : Les négociations nécessitent de la force mentale et un esprit de challenge. En cas d’échec, quel comportement adoptez-vous pour gérer la situation et continuer votre mission ? Y a-t-il un secret pour réussir dans ce domaine compliqué ?

M. M. : Gérer des situations difficiles requiert effectivement une solide maîtrise émotionnelle, une bonne gestion du stress et une forte résilience. Même si nous avons un taux de succès très élevé, l’échec peut bien évidemment survenir. Le débriefing est essentiel pour chaque négociation afin d’isoler les facteurs de succès et les points d’achoppement. Le fait de circonscrire les éléments qui ont conduit à une mauvaise appréciation de la situation ou à une décision inappropriée est déterminant, non seulement pour apprendre de l’expérience, mais pour préparer l’avenir. Il n’y a pas de secret particulier. Juste une dose d’humilité et de remise en question. Et ensuite, on repart. C’est notre métier.

 

F.N.H. : Vous êtes auteur d’une dizaine d’ouvrages et de manuels sur la négociation. D’où puisez-vous votre énergie pour accomplir cette tâche d’informer et de former ?

M. M. : Je dors peu. Pour ne rien vous cacher, je n’aime pas beaucoup dormir. J’écris en moyenne un livre par an et je me consacre à l’écriture généralement très tôt le matin ou parfois en vacances. Cela me repose et me permet de structurer mes connaissances. Concernant la formation, je forme en moyenne 1.000 personnes par an. J’ai toujours aimé transmettre et partager. C’est aussi une des raisons qui m’a amené à collaborer avec AMDN pour aller toujours plus loin dans le partage et la transmission du savoir et mettre nos compétences au service de ceux qui en ont besoin. Par ailleurs, je réserve 30% de mon temps annuel à la formation. 

 

 

 

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