"C'est une décision historique": après 14 ans de procédure judiciaire le vice-président de Guinée équatoriale, Teodorin Obiang est le premier dirigeant étranger définitivement condamné pour des "biens mal acquis" en France après le rejet de son pourvoi par la Cour de cassation.
"C'est une immense victoire, une décision historique qui met un point final à 14 ans de procédure", a réagi auprès de l'AFP Sara Brimbeuf, responsable du plaidoyer "flux financiers illicites" à Transparency international, partie civile dans cette affaire.
"La justice confirme que la France n'est plus une terre d'accueil pour l'argent détourné par de hauts dirigeants étrangers et leur entourage: les patrimoines acquis en France avec de l'argent sale seront confisqués et leurs propriétaires poursuivis et condamnés", a déclaré dans un communiqué Patrick Lefas, président de l'ONG en France.
La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire, qui juge le droit et non les faits, a rejeté le pourvoi formé par Teodorin Obiang, 52 ans, au lendemain de sa condamnation en appel en février 2020.
Il est donc définitivement condamné à trois ans de prison avec sursis, 30 millions d'euros d'amende et la confiscation de tous ses biens saisis pour "blanchiment d'abus de biens sociaux, de détournement de fonds publics et d'abus de confiance" entre 1997 et 2011.
"La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sera bien évidemment saisie, ainsi que toute juridiction internationale compétente pour connaître des questions touchant à l'ordre public international comme celle de l'immunité des gouvernants ou celle de l'ingérence d'un pays étranger dans l'ordre juridique interne d'un pays tiers", a réagi auprès de l'AFP l'avocat de M. Obiang, Me Emmanuel Marsigny.
"L'absence de toute corruption pouvant être reprochée" à Teodorin Obiang "est confirmée", a estimé Me Marsigny. Sa "condamnation vise des faits de détournement prétendument commis au préjudice de sociétés de droit privé équato-guinéennes (lui) appartenant et de prétendus détournements de fonds publics correspondant à des paiements de réalisation de travaux pourtant tous justifiés".
Connu pour son goût du luxe et ses vacances somptueuses, Teodorin Obiang est présenté de plus en plus ouvertement comme le "dauphin" de son père, Teodoro Obiang Nguema, au pouvoir depuis 42 ans.
Les premières plaintes d'ONG sur les "biens mal acquis" de dirigeants africains et de leur entourage ont été déposées en 2007 mais ce n'est qu'à partir de 2010 que les investigations ont véritablement démarré.
Les volets concernant les familles Bongo au Gabon et Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville sont toujours en cours d'instruction, et d'autres dignitaires étrangers ont depuis été visés par des procédures similaires.
La justice a estimé à 150 millions d'euros les sommes qu'il a blanchies en France. Parmi son patrimoine frauduleusement constitué figure un luxueux immeuble de près de 3.000 m2, estimé à environ 107 millions d'euros, situé avenue Foch, dans l'un des quartiers les plus chics de Paris. Cinéma, hammam, marbre et robinets en or: l'hôtel particulier, saisi lors de l'enquête, a été au coeur d'un bras de fer entre la France et la Guinée équatoriale.
La Cour internationale de Justice avait confirmé en décembre 2020 la confiscation par la France de l'ensemble immobilier, contestée par Malabo qui affirmait qu'il s'agissait de l'ambassade du pays.
Le fils du président équato-guinéen est aussi dans le viseur du Royaume-Uni qui vient d'ordonner un gel de ses avoirs dans le cadre d'un régime de sanctions anticorruption.
En représailles, Malabo a fermé lundi son ambassade à Londres, dénonçant une "ingérence dans les affaires internes" du pays et des sanctions "sans fondement" qui "violent le principe du droit international".
La décision de la Cour de cassation "clôt le chapitre de la confiscation et ouvre celui de la restitution", se félicitent les ONG Transparency international, Sherpa et EGJustice.
Teodorin Obiang étant définitivement condamné, la Guinée équatoriale - 1,4 million d'habitants - devient le premier pays à bénéficier du nouveau mécanisme de restitution des avoirs frauduleusement acquis par des dirigeants étrangers, adopté par le Parlement français la semaine dernière.
Ce sont quelque 150 millions d'euros qui vont donc être restitués par le biais notamment de programmes de développement à ce pays pétrolier d'Afrique centrale où la majorité des habitants vit dans la pauvreté. Une restitution qui constitue un défi, face aux risques d'éventuels nouveaux détournements.