Le second tour des législatives en France a livré son verdict : le Nouveau Front Populaire, qui regroupe plusieurs forces de gauche comme LFI, PS, Ecologistes-EELV et PCF, est arrivé en tête avec 180 sièges, selon les résultats du ministère de l'Intérieur. Le camp présidentiel, avec Ensemble et ses alliés, s'est positionné en deuxième place avec 163 sièges. Le Rassemblement National et ses alliés, qui étaient arrivés en tête lors du premier tour, n'ont atteint que la troisième position avec 143 sièges. Les Républicains associés aux Divers droite ont obtenu 66 sièges dans la nouvelle Assemblée nationale.
Par Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
La participation a atteint un niveau record avec 67,1% de votants. L'abstention n'est donc que de 32,9%.
Les Français ont bien réagi face à la grande percée de l’extrême droite. Après une semaine de tractations et de mises en garde pour barrer la route au Rassemblement National de Marine Le Pen et de Jordan Bardella, dimanche 7 juillet 2024, ils sont presque 60/100 de Français qui ont voté. Le ministère de l'Intérieur a annoncé un taux de participation en très légère hausse par rapport au premier tour, à 67,1%. En 2022, cette participation était de 38,11%. Il faut remonter à 1981 pour trouver un taux de participation plus élevé.
Avec 33,1% des suffrages et 39 députés déjà élus, le RN et ses alliés avaient obtenu dimanche dernier leur meilleur score au premier tour d'un scrutin. Ils ont devancé le Nouveau Front Populaire (NFP) réunissant diverses composantes de gauche, qui obtient 28% et 32 élus, loin devant le camp d'Emmanuel Macron (Ensemble) à 20%. Pour le second tour, le NFP a renversé la vapeur pour finir en tête de ce scrutin qui a tenu en haleine toute la France et une grande partie de l’Europe, surtout les pays où l’extrême droite est déjà au pouvoir. La nouvelle gauche arrive à fédérer tant bien que mal, mais elle réussit à faire barrage face à la poussée de l’extrême droite.
Quelques minutes après 20 heures, le 7 juillet 2024, Jean-Luc Mélenchon prit la parole et s’adresse à ses électeurs: «Notre peuple a clairement écarté la solution du pire pour lui. Ce soir, le RN est loin d’avoir la majorité absolue», précise le chef du Nouveau Front Populaire, qui acte par là même une relative défaite du Parti de Marine Le Pen, véritable épouvantail de la scène politique française ces dernières années. Mélenchon ajoute qu’il s’agit là d’«un immense soulagement pour des millions de personnes qui constituent la nouvelle France». Une partie de l’Hexagone a évité le pire, in extremis, face à la déferlante populiste du parti dont le porte-voix est Jordan Bardella. Ce dernier se voyait bien dans le costume de Premier ministre, sauf que les urnes ont décidé d’écrire l’histoire autrement: «Une majorité a fait un autre choix pour le pays», que l’extrême droite, comme l’a souligné Jean-Luc Mélenchon, estimant que désormais «la volonté du peuple doit être confirmée… Le président doit s’incliner», face aux résultats de la gauche, qui devient majoritaire à l’Assemblée, sous la bannière de la coalition du Nouveau Front Populaire, a-t-il précisé.
Même son de cloche pour l’ancien président de la République, le socialiste François Hollande, qui a salué la victoire du bloc Nouveau Front Populaire. Le député de Corrèze y voit une victoire de «la gauche rassemblée», qui a pris ses responsabilités pour empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir. L’ancien president a également insisté sur la «défaite de la majorité». Pour lui, ce résultat de l’alliance des partis de gauche est «une satisfaction mais aussi une responsabilité».
Pour le vaincu de ce second tour, Jordan Bardella, le ton est amer: «Malheureusement, l’alliance du déshonneur et les arrangements électoraux passés par Emmanuel Macron et Gabriel Attal avec l’extrême gauche privent» les électeurs d’un gouvernement RN, a fustigé Jordan Bardella qui n’a pas caché sa colère portant une charge directe contre le front républicain qui a conduit à des désistements à gauche, au centre et à droite pour éviter l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. Selon lui, «ces accords électoraux jettent la France dans les bras de Mélenchon».
De son côté, le porte-parole de l’Elysée déclare qu’Emmanuel Macron ne fera pas appel dans l’immédiat à un nouveau premier ministre. Le chef de l’Etat semble privilégier pour le moment la «prudence» et attend les résultats définitifs pour voir comment l’Assemblée nationale va se composer avant de nommer un nouveau chef du gouvernement.
Quoi qu’il en soit, pour les analystes politiques, sans majorité absolue, la question de la composition d'un gouvernement reste au coeur de tous les débats: «Tout le monde sait qu'il va falloir une coalition», note le politique Roland Cayrol, qui precise, à juste titre, que Gabriel Attal restera à son poste de Premier ministre le temps que des négociations aboutissent entre les différentes formations politiques sorties en tête des urnes. «Elles n'incluront probablement pas La France Insoumise, mais les autres partis de gauche ont dit qu'ils étaient prêts à des discussions». Et de souligner un fait important : le Rassemblement National double approximativement sa représentation à l'Assemblée nationale lors de ces législatives. Ce qui doit être pris au sérieux en vue des présidentielles de 2027. «L'extrême droite s'est suffisamment banalisée pour qu'on puisse finir par la considérer comme un parti presque comme un autre», affirme le politologue. «Mais il y a une majorité de Français qui pense qu'il reste dangereux et qu'il faut éviter comme la peste d'avoir le Rassemblement National au pouvoir.» Dans un cas comme dans l’autre, il ne faut pas minimiser les scores du RN qui peut bénéficier de sa forte progression sans avoir à gouverner. «Il est sûrement plus confortable pour Marine Le Pen d'attendre 2027 (...) on sait bien que la meilleure élection pour le RN, c'est l'élection présidentielle !»