Marine Le Pen est peut-être à un jugement près de voir s’éteindre ses ambitions élyséennes. Le verdict attendu ce lundi 31 mars dans l’affaire des assistants parlementaires européens pourrait la rendre inéligible sur-le-champ.
En politique, le plus difficile n’est pas de grimper vers les sommets, mais de s’y maintenir sans se faire pousser dans le vide. Marine Le Pen pourrait bien voir son fauteuil présidentiel rêvé se dérober sous elle.
La faute non pas à une défaite électorale ou à un retournement de l’opinion (au contraire, elle caracole en tête des sondages pour 2027), mais à une salle d’audience, à quelques magistrats et à une vieille affaire de sous, de sièges à Strasbourg et de contrats plus ou moins fictifs.
Car l’ancienne patronne du Front national, aujourd’hui égérie du Rassemblement national, saura si elle est condamnée dans l’affaire des assistants parlementaires européens, où elle est poursuivie pour détournement de fonds publics.
Le parquet a été sévère dans ses réquisitions au mois de novembre dernier : cinq ans d’inéligibilité, avec exécution provisoire, c’est-à-dire une application immédiate même en cas d’appel.
Traduction : Marine Le Pen out. Tout de suite. Pas de 2027. Pas d’appel qui suspendrait la peine. Pas de campagne présidentielle.
Et pourtant, à la veille du verdict, celle qui a remodelé l’extrême droite française à son image cultive la sérénité dans son coin des Yvelines, déclarant aux journalistes : «Je ne suis pas fébrile». Une posture presque stoïque.
Pourtant, la fébrilité est palpable. Car l’enjeu est historique. Non seulement pour Marine Le Pen, dont la carrière politique pourrait se retrouver brutalement écourtée, mais aussi pour son parti, le RN, et pour son dauphin, Jordan Bardella.
Si la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale est rendue inéligible dès ce lundi, le visage de la présidentielle 2027 s’en trouvera profondément modifié.
Un procès, plusieurs scénarios
Il faut dire que les magistrats ne jugent pas une simple erreur de comptabilité. Ils statuent sur un système qui aurait été mis en place pendant plusieurs années, consistant à salarier des assistants parlementaires européens qui travaillaient en réalité pour le parti, à Paris ou ailleurs.
Le préjudice estimé par le Parlement européen ? 4,5 millions d’euros. Une broutille pour l’Europe, mais un boulet judiciaire pour Marine Le Pen.
Le scénario le plus redouté, celui de l’inéligibilité immédiate, transformerait le procès en game over politique. Il y aurait bien appel, bien sûr, mais la condamnation s’appliquerait aussitôt. Plus de candidature pour la présidentielle de 2027. Bye bye l’Elysée !
Deuxième scénario : une peine d’inéligibilité sans exécution provisoire. Dans ce cas, l’appel suspend la peine, les délais s’allongent et Marine Le Pen peut faire campagne en 2027 en attendant la décision définitive. Un sursis utile, mais fragile : l’épée de Damoclès judiciaire pèsera sur chaque débat, chaque allocution et chaque meeting.
Troisième hypothèse, moins probable mais juridiquement possible : la relaxe. Les juges pourraient estimer que les éléments à charge ne suffisent pas ou que les faits ne sont pas suffisamment établis. Mais à entendre les troupes lepénistes, qui évoquent un «acharnement judiciaire», personne n’y croit vraiment. Même les plus fidèles se préparent à une sanction.
En attendant, au RN, l’argumentaire est rôdé : une inéligibilité immédiate de Marine Le Pen équivaudrait à un déni de démocratie. Ce serait la «mort politique» d’une femme recalée non par les urnes, mais par les robes noires. On convoquera alors la vieille rengaine des magistrats politisés et de la justice instrumentalisée.
Pourtant, la loi est la loi. Depuis la loi Sapin 2 de 2016 votée suite à l’affaire Cahuzac, les atteintes à la probité entraînent mécaniquement une peine d’inéligibilité.
En tout état de cause, si Le Pen tombe, Jordan Bardella montera. A 29 ans, il coche toutes les cases du parfait héritier : jeune, médiatique, lisse, voire trop lisse. Il a déjà publié son autobiographie même s’il n’a pas beaucoup vécu, s’est rendu en Israël les 26 et 27 mars sur invitation du gouvernement israélien et multiplie les plateaux télé.
Une candidature Bardella en 2027 serait une première dans l’histoire du RN : une présidentielle sans un Le Pen. Une révolution ? Pas vraiment.
Bardella est le pur produit du lepénisme new look. Et l’effet de nouveauté pourrait jouer en sa faveur, surtout si les juges semblent avoir «assassiné» politiquement Marine Le Pen.
Le RN, ce parti au passé trouble, au présent ambigu et au futur incertain pourrait alors rejouer la partition victimaire avec un visage juvénile.
Bref, ce 31 mars 2025 marquera soit la fin d’un parcours, celui de Marine Le Pen, soit la naissance d’une nouvelle dynamique incarnée par Bardella.
F. Ouriaghli