International Tout voir

Palestine : Macron défie l’axe Washington-Tel-Aviv

Palestine : Macron défie l’axe Washington-Tel-Aviv

En annonçant que la France reconnaîtra officiellement l’Etat de Palestine lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre prochain, Emmanuel Macron a jeté un pavé dans la mare. Et tant pis pour les éclaboussures.

Le geste est fort. Risqué, diront certains. Calculé, murmureront d’autres. Mais il a le mérite d’exister. Dans un Proche-Orient en flammes, où la diplomatie occidentale patine depuis des décennies, la voix de la France s’est élevée, à contre-courant des prudences de certains Etats, pour dire une chose simple : il est temps de donner un signal politique en faveur de la paix.

«Fidèle à son engagement historique pour une paix juste et durable au Proche-Orient, j’ai décidé que la France reconnaîtra l’Etat de Palestine. J’en ferai l’annonce solennelle à l’Assemblée générale des Nations unies, au mois de septembre prochain», a écrit le chef de l’Etat français sur X et Instagram. C’est clair et net. 

A vrai dire, cette reconnaissance était dans les tuyaux depuis des mois. En février 2024, Macron avait déjà semé le doute. «La reconnaissance d’un Etat palestinien n’est pas un tabou pour la France», disait-il. Puis, au fil des mois, entre les discussions à Londres, les consultations avec Ryad et les massacres qui se succédaient à Gaza, le ton s’est durci et le calendrier s’est précisé. Jusqu’à ce 24 juillet 2025, où tout s’est accéléré.

Macron a justifié sa décision avec des mots que peu de dirigeants osent encore prononcer : «l’urgence est aujourd’hui que cesse la guerre à Gaza et que la population civile soit secourue. Il faut enfin bâtir l’Etat de Palestine, assurer sa viabilité et permettre qu’en acceptant sa démilitarisation et en reconnaissant pleinement Israël, il participe à la sécurité de tous au Proche-Orient».
Il n’est plus question d’attendre un hypothétique accord de paix ou la fin d’un génocide pour poser des actes. La France a décidé d’agir, quitte à fâcher les uns et désarçonner les autres.

Onde de choc politique
Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, déjà en pointe sur ce sujet, a applaudi la France en affirmant qu’«ensemble, nous devons protéger ce que Netanyahu essaie de détruire. La solution à deux Etats est la seule solution». L’Arabie saoudite, le Qatar et le Koweït ont salué un «pas historique» et appellent les autres pays à faire de même.

Evidemment, Israël est en colère. Benjamin Netanyahu a dénoncé «une récompense de la terreur», en accusant Macron de vouloir «créer un autre proxy iranien», et même d’offrir «une rampe de lancement pour anéantir Israël». Rien que ça. «Soyons clairs : les Palestiniens ne cherchent pas à obtenir un Etat aux côtés d’Israël, ils cherchent un Etat à la place d’Israël», a-t-il martelé.

A ses côtés, le vice-Premier ministre israélien, Yariv Levin, a ajouté une couche de noirceur, qualifiant la décision française de «tache dans l’histoire de France» et «d’aide directe au terrorisme».

Du côté américain, même tonalité dramatique. Le secrétaire d’Etat Marco Rubio a parlé d’une «décision imprudente qui ne sert que la propagande du Hamas et fait reculer le processus de paix». Avant de conclure que «c’est un camouflet pour les victimes du 7 octobre».

Mais Macron n’a pas tremblé. Dans sa lettre adressée à Mahmoud Abbas à cette occasion, il a rappelé que l’Autorité palestinienne s’était engagée à démilitariser le Hamas, organiser des élections en 2026 et étendre son autorité sur Gaza. Ce sont, à ses yeux, autant de «gages en faveur de la solution à deux Etats», seule voie qu’il juge «viable pour faire droit aux aspirations légitimes du peuple palestinien, mettre fin au terrorisme et à la violence sous toutes ses formes et permettre qu’Israël et l’ensemble des pays de la région vivent en paix et en sécurité».

Dans ce cadre, Paris coprésidera dès septembre avec l’Arabie saoudite une conférence internationale de haut niveau pour relancer cette fameuse solution à deux Etats.

Le bal des postures

En France, le concert des indignations n’a pas tardé. Marine Le Pen a dénoncé «une faute politique et morale» qui «légitime les massacreurs du 7 octobre». Jordan Bardella a estimé que cette décision «accorde au Hamas une légitimité institutionnelle et internationale inespérée». 

Du côté des Républicains, François-Xavier Bellamy a rappelé que «les conditions posées par Macron lui-même n’ont pas été remplies», comme la libération des otages ou la reconnaissance d’Israël par les Etats arabes qui l’entourent.
A gauche, l’ambiance était plus chaleureuse, mais pas exempte de critiques. Jean-Luc Mélenchon a salué une «victoire morale», tout en regrettant un délai jugé injustifiable : «reporter de deux mois un des moyens d’arrêt d’un génocide veut dire reconnaître un Etat palestinien réduit à être un cimetière».

Le PS, lui, a salué un «acte essentiel» tout en réclamant des «sanctions contre Israël». Quant aux écologistes, ils ont lancé un prudent «mieux vaut tard que jamais», pendant que le PCF réclamait des «actes immédiats» et la «fin du massacre». Autrement dit : personne n’est pleinement satisfait. 

Sauf que cette reconnaissance pourrait créer une dynamique et un élan diplomatique que ni Washington ni Tel-Aviv ne pourront ignorer indéfiniment. Surtout que la France n’est pas le premier pays à reconnaître la Palestine : près de 150 Etats l’ont fait avant elle. 

Mais sa voix porte. Parce qu’elle est membre permanent du Conseil de sécurité. Et aussi parce qu’elle envoie un message clair : la paix passe par la reconnaissance mutuelle et non par la domination unilatérale.

Certes, cela ne signifie pas encore la paix. Ce n’est pas non plus la fin de l’occupation. Il n’y a pas encore un Etat palestinien viable, souverain et libre. 

Mais c’est une pierre dans la reconstruction d’un édifice que la guerre, les bombes et les humiliations ont méthodiquement démoli pendant plusieurs années.

F. Ouriaghli

Articles qui pourraient vous intéresser

Mardi 29 Juillet 2025

Une fusillade à New York fait 4 morts

Lundi 28 Juillet 2025

Palestine-Israël : Conférence internationale sur la solution à deux Etats

Dimanche 27 Juillet 2025

UE-USA : Des droits de douanes fixés à 15%

S'inscrire à la Newsletter de La Quotidienne

* indicates required