Le Parlement tunisien a franchi un cap décisif dans la réforme du droit du travail en adoptant, ce mercredi 21 mai, le projet de loi n°16/2025. Ce texte interdit les contrats de sous-traitance et encadre sévèrement le recours aux contrats à durée déterminée (CDD).
Avec 121 voix pour, quatre abstentions et aucun vote contre, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a entériné une législation qui consacre le contrat à durée indéterminée (CDI) comme forme standard de la relation de travail.
Le recours aux CDD, longtemps considéré comme une variable d’ajustement au détriment des travailleurs, devient désormais strictement encadré. Trois exceptions seulement subsistent : l’accroissement temporaire d’activité, le remplacement d’un salarié absent pour un motif légal et les tâches saisonnières.
Toute autre utilisation est passible de lourdes sanctions, dont des amendes pouvant atteindre 10.000 dinars (environ 3.000 euros), voire des peines de prison allant jusqu’à six mois.
Par ailleurs, les CDD en cours devront être convertis en CDI à l’entrée en vigueur de la loi, sauf cas dûment justifiés.
La réforme introduit également une période d’essai plafonnée à six mois, renouvelable une seule fois, pour un total maximal de douze mois. Une disposition censée offrir un équilibre entre les impératifs d’évaluation des compétences et la protection contre les abus.
L’un des volets les plus sensibles du nouveau texte concerne l’interdiction de la sous-traitance dans les fonctions durables et permanentes des entreprises, qu’elles soient publiques ou privées. Les activités de gardiennage, de ménage ou de jardinage devront désormais être couvertes par des employés en CDI, même s’ils sont embauchés via des sociétés prestataires. Seules les interventions ponctuelles ou hautement techniques peuvent encore être externalisées, à condition qu’elles ne nuisent pas aux droits fondamentaux des travailleurs.
Période transitoire
Le gouvernement a prévu une période transitoire pour permettre aux entreprises de se mettre en conformité. Il promet également la mise en place de mécanismes de contrôle rigoureux pour garantir l’application effective des nouvelles règles.Il s’agit d’un tournant dans le droit du travail tunisien, répondant à des années de revendications syndicales contre les formes de travail précaires déguisées.
Les défenseurs du texte y voient une victoire pour les droits sociaux. Mais cette réforme suscite également des inquiétudes, notamment dans les secteurs des services, de l’industrie manufacturière et du textile-habillement, où les CDD et la sous-traitance sont monnaie courante.
A noter que la réforme intervient dans un contexte économique fragile. Le taux de chômage reste élevé (environ 16%), et particulièrement chez les jeunes (40%), tandis que la croissance peine à redécoller.
Après une timide reprise post-Covid, la croissance a atteint 1,4% en 2024, et la Banque mondiale a récemment abaissé ses prévisions pour 2025 à 1,9%.
Dans ce contexte, certains craignent que cette réforme ambitieuse ne fragilise encore davantage le tissu économique national, notamment en poussant certaines entreprises à recourir davantage à l’informel.